Les structures phonétiques vont-elles à leur tour participer au fonctionnement des séquences conjonctives ? En fait, comme dans les formules dissociatives, leur rôle se limite souvent à un simple soulignement.
La mise en valeur s’obtient principalement par des jeux d’écho. Très fréquentes, les assonances sont à l’occasion renforcées par des allitérations : « ‘Ress’ ‘em’ ‘bl’ ‘an’ ‘te, mais ch’ ‘an’ ‘ge’ ‘an’ ‘te’ »994, « ‘pais’ ‘i’ ‘ble dél’ ‘i’ ‘re’ »995, « ‘expl’ ‘i’ ‘c’ ‘i’ ‘te mut’ ‘i’ ‘sme’ »996, « ‘Comme l’’ ‘â’ ‘ge m’ ‘a’ ‘l nous sép’ ‘a’ ‘re ! ’»997, « ‘D’ ‘an’ ‘s le gr’ ‘an’ ‘d sil’ ‘en’ ‘ce appar’ ‘en’ ‘t / Où tous parlent ’ ‘en’ ‘ même t’ ‘em’ ‘ps’ »998, « ‘s’ ‘i’ ‘l’ ‘en’ ‘c’ ‘e a’ ‘ss’ ‘ourd’ ‘i’ ‘ss’ ‘an’ ‘t’ »999, « ‘Ayant hâte avec ’ ‘v’ ‘ous de v’ ‘i’ ‘v’ ‘re et de souffr’ ‘i’ ‘r’ »1000, ‘« ’ ‘s’ ‘il’ ‘en’ ‘c’ ‘e ’ ‘s’ ‘an’ ‘s nu’ ‘an’ ‘c’ ‘es ’»1001, ‘« parl’ ‘an’ ‘t avec un ac’ ‘c’ ‘en’ ‘t qui re’ ‘ss’ ‘em’ ‘ble à ’ ‘c’ ‘elui du ’ ‘si’ ‘l’ ‘en’ ‘c’ ‘e’ »1002.
Des voyelles de la même famille (dans l’exemple ci-dessous, des nasales) peuvent aussi assurer la cohésion de la séquence. Le procédé se combine parfois aux précédents (ici, une allitération en [p] et des assonances en [o], puis en [a]) :
Une syllabe peut elle aussi se répéter comme pour ponctuer la formule et renforcer son unité :
Mais ces jeux d’écho consistent le plus souvent à redoubler un ou plusieurs phonèmes en position vedette, c’est-à-dire à la césure et en fin de vers. La formule paradoxale comportera donc volontiers une rime intérieure :
éventuellement combinée avec une assonance :
Autres procédés de renforcement : la symétrie d’un mouvement pendulaire peut être soulignée par une rime brisée :
Parfois, la distribution se complique, comme dans ces vers où s’entremêlent les consonnes [d] et [l] et les voyelles [i] et [y] :
Enfin, ces jeux d’écho prennent une valeur particulière quand ils résultent de la répétition du même mot ou de mots de la même famille. Dans ce cas, le retour des mêmes sonorités tend à produire un effet spiralaire d’enfermement : par la redite insistante, il semble en effet que s’élabore un système clos et contraignant où ne subsisterait aucune issue véritable ni aucune alternative digne de ce nom :
Ainsi les récurrences phonétiques jouent-elles bien souvent un rôle emphatique conforme à la tradition. L’usage poétique est également respecté lorsqu’une correspondance s’esquisse entre le plan du contenu et la valeur suggestive d’un ou plusieurs phonèmes. Par exemple, dans :
les allitérations en [f] et en [s] sont tout à fait en accord avec l’un des termes de la dyade paradoxale, à savoir la douceur. Ailleurs, elles évoquent par leur valeur quasi-incantatoire le « fantôme » de ce qui vient tout juste de disparaître. Dans cet univers où les passages sont toujours préférés aux ruptures, la vie s’attarde auprès de l’arbre abattu ; il en résulte d’insistantes vibrations traduites par des allitérations en [v] et en [f] :
De même, dans les premiers vers de « Notre ère » :
la fragilité du monde est soulignée par les occlusives et surtout par l’allitération en [k], où l’on peut percevoir comme un écho du tintement de la coupe, sinon du cristal qui se brise.
Mais les sonorités savent aussi s’adapter à la nature complexe du paradoxe :
« À la femme », Oublieuse mémoire, p. 534.
« Cependant que j’écris un géant m’examine... », Oublieuse mémoire, p. 501.
« Jeunes filles de Jean Giraudoux », 1939-1945, p. 459.
« Visages », 1939-1945, p. 451.
« Premiers jours du monde », Oublieuse mémoire, p. 524.
« Le Portrait », Gravitations, p. 160.
« Faisant bouger le jour », 1939-1945, p. 452.
« L’Arbre », Les Amis inconnus, p. 343.
« Au feu ! », Gravitations, p. 227.
« Le Malade », Naissances, p. 553.
« Arbres malgré les événements... », La Fable du monde, p. 385.
« Souffrir », 1939-1945, p. 420.
« Arbres dans la nuit et le jour », 1939-1945, p. 432.
« Les Deux Soleils », L’Escalier, p. 588.
« Le Milieu de la nuit », Le Corps tragique, p. 595.
« Le Don des larmes », Le Corps tragique, p. 596.
« Le Chaos et la Création », La Fable du monde, p. 351-352.
« Le Coq », Oublieuse mémoire, p. 511.
« Tristesse de Dieu », La Fable du monde, p. 368.
« Notre ère », L’Escalier, p. 586.
« La Rêverie », Les Amis inconnus, p. 316.
« Mes frères qui viendrez, vous vous direz un jour... », Les Amis inconnus, p. 311-312.
« Extra-systoles », L’Escalier, p. 580.
« Les Boeufs », Comme des voiliers, p. 35.
« Dans la forêt sans heures... », Le Forçat innocent, p. 291.
L’Escalier, p. 586.
« Le Matin du monde », Gravitations, p. 171.