Grâce à leurs structures récurrentes, les sonorités ont donc la propriété d’étayer le discours paradoxal. Mais ne peuvent-elles participer plus efficacement à son engendrement ? Cela semble bien être le cas à travers la paronomase, si approximative soit-elle. Ainsi, dans « Notre ère », la paronymie n’est sans doute pas étrangère au rapprochement du roc, symbole de solidité et de permanence, et de la rose, emblème de la fragilité et de la brièveté :
La paronymie peut également fonctionner in absentia. Cela suppose que dans un environnement très contraignant, le texte recoure, non pas au terme attendu, mais à un paronyme formant avec lui une vigoureuse opposition sémantique, comme ciel dans un microcontexte appelant sol :
Le plan phonétique intervient également dans la formation du paradoxe conjonctif lorsque l’harmonie expressive est exploitée au rebours de sa valeur consacrée :
La conjonction paradoxale concerne ici plusieurs niveaux. En premier lieu, lexique et syntaxe provoquent au troisième vers une double tension sur l’axe mouvement-immobilité : le cadre syntaxique implique à deux reprises (par le biais de la comparaison et de la détermination) une compatibilité démentie par le lexique. Mais le plan phonétique joue aussi sa partie : en effet, les nombreuses occlusives, et tout particulièrement les allitérations en [b] et en [p], évoquent avec insistance un mouvement ténu et répétitif, tel un battement de paupières que le complément déterminatif (« de pierre ») rend pourtant problématique.
L’Escalier, p. 586.
« Dialogue avec Jeanne », 1939-1945, p. 426.
« Dans la rue », Oublieuse mémoire, p. 518.