Les concordances ne manquent pas entre les domaines visuel et sonore. Ainsi retrouve-t-on dans la structure silence-bruit le même rapport d’interdépendance que dans la précédente :
Ce type de filiation entre deux contraires explique certaines similitudes a priori déconcertantes (on peut parler ici « ‘avec un accent qui ressemble à celui du silence’ »1144) et des persistances non moins paradoxales. Car nous le savons, le silence perdure dans le bruit1145 et à l’inverse, il n’y a aucune incongruité à rechercher un son au coeur du silence1146.
Autre point commun avec la paire obscurité-lumière : les contraires sont enclins à échanger leurs caractéristiques. Le silence devient ainsi perceptible pour une oreille attentive,
et l’énonciateur d’« Observatoire » peut affirmer :
Ce silence paradoxal sait rester discret, notamment quand il « chantonne »1149 ou « bourdonn[e] »1150, mais il lui arrive aussi de résonner plus sèchement :
de « gronde[r] »1152, voire de retentir avec éclat :
et même de se faire « assourdissant »1154.
Inversement, un son peut devenir du silence et il en résulte tantôt du mystère :
tantôt du désordre :
voire une profonde dysphorie, comme dans Le Corps tragique, lorsqu’est évoquée une « ‘Silencieuse catastrophe’ »1157.
Ce lien entre silence et bruit est d’ailleurs si étroit que l’un peut remplacer l’autre selon un « mécanisme » que nous avons déjà rencontré : tandis qu’un énoncé sémantiquement contraignant semble commander l’un des termes de la dyade, le texte choisit son contraire :
« C’est la couleuvre du silence... », La Fable du monde, p. 383.
« Au feu ! », Gravitations, p. 227.
Cf. : « Alentour naissaient mille bruits
Mais si pleins encore de silence
Que l’oreille croyait ouïr
Le chant de sa propre innocence »
(« Le Matin du monde », Gravitations, p. 171).
« À choisir il nous donne en échange
[...]
Le silence au milieu du tapage »
(« Pour un poète mort », Les Amis inconnus, p. 312).
Cf. :« Je cherche un point sonore
Dans ton silence clos »
(« La Belle Morte », Gravitations, p. 201).
« Maladie », 1939-1945, p. 466.
Gravitations, p. 186.
« Survivre », Oublieuse mémoire, p. 538.
« Confusion », Oublieuse mémoire, p. 535.
« La Table », Gravitations, p. 191.
« Il est place en ces vers pour un jour étoilé... », 1939-1945, p. 462.
« Les Nerfs », Oublieuse mémoire, p. 499.
« Le Portrait », Gravitations, p. 160.
« Le héraut du soleil s’avance... », Le Corps tragique, p. 617.
« Guerre et paix sur la terre », Oublieuse mémoire, p. 528.
« Ô vie où poussent sans effort... », p. 627.
« Le Galop souterrain », Naissances, p. 557.
« Visite de la nuit », Les Amis inconnus, p. 345.