Ces paradoxes de la psychologie humaine sont à mettre en relation avec la volonté divine. L’homme est tiraillé par des forces contraires parce que son créateur l’a voulu double :
Il ne lui reste donc qu’à s’accommoder de cette dualité fondamentale, malgré son ardente aspiration à l’unité :
Difficile d’atteindre à l’harmonie intérieure, dans ces conditions. De fait, le quotidien peut s’avérer inconfortable, comme en témoignent les dissonances entre les deux voix d’« Alter ego »1206.
Par chance, la dualité est quelquefois mieux assumée, ce qui se traduit par des structures inclusives, où les traits contradictoires cohabitent spontanément. On le constate dans les registres sensoriels : par suite de la disparition des repères fixes au profit de continuums, des messages antagonistes peuvent coexister dans la même sensation (les veines, par exemple, sont assimilées à des « ‘rivières [...] ’ ‘brûlantes et douces’ »1207). De même, les sentiments donnent lieu à des définitions qui non seulement effacent toute ligne de fracture entre les contraires, mais soulignent leur interdépendance jusqu’à poser leur équivalence :
Cela dit, la forme la plus accomplie de la dualité, c’est la femme qui va la fournir : « ‘vous êtes deux / Avec même visage’ », lit-on dans « La Dormeuse »1209 et les ‘« purs ovales féminins [...] ont la mémoire de la volupté’ »1210. On se souvient en outre de ces vers de « À la femme » destinés à la « familière inconnue » :
En fait, la féminité apparaît comme une dualité bien assumée, harmonieuse. L’homme, quant à lui, s’essouffle un peu aux côtés de sa compagne qui concilie si bien des aspirations contradictoires. Sa perplexité transparaît dans ce paradoxe baroque :
C’est que la dualité détermine chez la femme le rapport à l’existence. Tout ce qui émane d’elle en porte la marque. Même le désir qu’elle inspire s’avère double, comme le découvre celui
« Dieu crée l’homme », La Fable du monde, p. 356.
« À l’homme », 1939-1945, p. 439.
« Ainsi parlait je sais bien qui... », Les Amis inconnus, p. 340.
Les Amis inconnus, p. 338-339.
« Coeur », Le Forçat innocent, p. 238.
« Le Don des larmes », Le Corps tragique, p. 596.
1939-1945, p. 450.
« Derrière ce ciel éteint », Débarcadères, p. 126.
Oublieuse mémoire, p. 534.
« Madame », Oublieuse mémoire, p. 491.
« La Captive », 1939-1945, p. 449.