Mais qu’elle soit bien ou mal assumée, la dualité retentit lourdement sur les rapports humains, sur la communication, et par là, elle fait le lit du paradoxe. Celui-ci peut résulter de la confrontation subjectivité / « réalité » :
Mais le texte y recourt surtout pour exprimer la solitude ontologique. Déjà, maintenir le contact avec les proches ne va pas sans difficultés :
L’espoir de communiquer avec des inconnus semble a fortiori chimérique, d’autant que chacun ne dispose
Il n’est donc pas surprenant que les sentiments les plus profonds soient placés sous le signe du paradoxe. On sait que l’amitié n’a pas toujours les effets attendus 1217. Quant à l’amour, et plus exactement l’amour filial, dont on ne saurait ici exagérer l’importance, il s’adresse à des êtres hors d’atteinte. Ceci est annoncé dès les premiers vers du premier recueil :
Pour les commenter, les éditeurs des OEuvres poétiques complètes recourent d’ailleurs à une formule paradoxale :
‘[...] se dit pour la première fois cette présence-absence 1219 qui accompagnera le poète tout au long de sa vie et de son oeuvre.1220 ’À en juger par les paradoxes conjonctifs, la communication intersubjective connaît donc des distorsions et des échecs. Reste à savoir quelles relations se construisent au travers du discours paradoxal entre l’homme et les autres créatures.
« Attente », Oublieuse mémoire, p. 530-531.
« Des deux côtés des Pyrénées », 1939-1945, p. 408.
« Solitude », Les Amis inconnus, p. 324. On se souvient qu’en désespoir de cause, l’allocutaire de « Solitude » va chercher ses interlocuteurs dans le cosmos. Le paradoxe reflète alors l’attitude singulière de celui qui se confie aux étoiles faute d’avoir su « trouver[...] un contemporain » :
« Mais à défaut d’un visage
Les étoiles comprennent ta langue
Et d’instant en instant, familières des distances,
Elles secondent ta pensée, lui fournissent des paroles ».
Ces vers (notamment le premier) traduisent un sentiment d’échec, mais aussi ce qu’il faut bien appeler le drame de la condition humaine, puisque rien ne semble si difficile que d’« aim[er] les hommes de [s]on époque » (ibid.).
Cf. dans Le Forçat innocent :
« Tu cherches qui pourrait
Te servir de bourreau
Et ton meilleur ami
A le regard qu’il faut »
(« Tu t’accuses de crimes... », p. 263)
et dans Les Amis inconnus :
« “Si je croise jamais un des amis lointains
Au mal que je lui fis vais-je le reconnaître ?” »
(« Les Amis inconnus », p. 300).
« À la mémoire de mes parents », Brumes du passé, p. 3.
C’est nous qui soulignons.
Rodica Baconsky, Hyun-Ja Kim-Schmidt et Michel Collot, Notes et variantes, p. 660.