C. Le genre (ou le sous-genre) et la tonalité

Parmi les éléments qui, traditionnellement, contribuent à l’intégration des énoncés paradoxaux, il faut également citer le genre ou le sous-genre dont ils relèvent et, éventuellement, la tonalité. On sait que par exemple le discours amoureux ne recule pas devant les paradoxes, puisque, précisément, la force qui permet de les résoudre s’en trouve glorifiée. Le paradoxe fait alors partie du code. Et pour peu qu’il se rattache plus ou moins ostensiblement à une tradition baroque ou précieuse, le voici doublement légitimé, puisqu’il constitue l’un des fleurons de cette tradition. Ainsi lorsque l’amoureux de Paris se déclare ‘« [f]idèle à [un] ciel où déambulent de grands nuages infidèles »’ 1355, s’avouant par là, conformément à l’éthique et à l’esthétique baroques, fidèle à l’infidélité, la construction même du vers, et à travers elle, la référence culturelle nous font entrer dans une parfaite circularité : la figure renvoie à une tradition qui la rend hautement prévisible, sinon nécessaire. De même, la séquence suivante :

Aveugle, il aime au loin chercher fortune
N’y voyant clair que pour blondes et brunes 1356

manifestement inscrite dans la mouvance précieuse, acquiert une sorte d’évidence, de par l’accord qui règne entre le paradoxe et la rhétorique, pleinement assumée, qui l’engendre. On pourrait encore citer ce petit texte en prose :

‘Qu’est-ce que c’est que cette énorme oreille restée toute seule dans ma chambre ? Mais c’est l’oreille de la bonne qui écoute même quand elle n’est pas là 1357

qui, en se déroulant, produit le genre (fantastique) et le mode (humoristique) dont il relève. Or l’un et l’autre, et principalement le genre (cf. par exemple « La Main », de Maupassant), « justifient » à leur façon la dissociation paradoxale de l’oreille inquisitrice.

Notes
1355.

« Paris », Naissances, p. 554.

1356.

« Le Sang », Naissances, p. 547.

1357.

« Pour avoir demandé à vivre, vous serez durement punis... », Le Corps tragique, p. 643.