1. L’oeuvre comme contexte : le cas des « paradoxes forts »

Le rôle contextualisant de l’oeuvre est surtout déterminant pour les séquences dont l’intégration n’est assurée à aucun autre niveau. Car il faut éviter ici toute systématisation : si d’ordinaire, chez Supervielle, le conteur « surveille l’imagination du poète »1372, son contrôle se relâche parfois et certaines séquences peuvent être légitimement appelées formes fortes, puisque le contexte proche ne les atténue en aucune manière. Cette désignation rejoint d’ailleurs celle de Mariana Tutescu, qui parle de « paradoxes forts », après avoir introduit la notion en ces termes :

‘La cristallisation du paradoxe se fait graduellement, sur une échelle du paradoxisme 1373, qui est un paradigme scalaire dont le niveau inférieur témoigne d’une structure paradoxale ténue, vague, diluée, fortement modalisée [...] et dont le chaînon supérieur est illustré par une structure paradoxale condensée, dense, tendue.1374

L’étude de ces formes fortes permettra de voir corollairement quelle stratégie se met en place pour les intégrer.

Notes
1372.

In Aimé Patri, « Entretien avec Jules Supervielle sur la création poétique », Paru, n° 45, août 1948, p. 9.

1373.

C’est l’auteur qui souligne.

1374.

« Paradoxe, univers de croyance et pertinence argumentative », Le paradoxe en littérature et en linguistique, op. cit., p. 82. De même, Yves Barel écrit dans Le paradoxe et le système, Presses Universitaires de Grenoble, 1979 : « Il faut admettre cette violence à l’épistémologie ordinaire du paradoxe, violence qui consiste à réintroduire la gradualité et la continuité dans le paradoxe, à côté du discontinu et du digital. Les choses peuvent être plus ou moins paradoxales selon le moment, un paradoxe peut être plus ou moins maîtrisé, etc. » (p. 314-315) ; c’est l’auteur qui souligne.