Parfois, le besoin de cohérence est tel que l’intégration du paradoxe requiert un véritable encerclement. En ce cas, les formes anticipée et rétroactive de l’atténuation conjuguent leurs effets. Ainsi, dans « La Promenade dans l’escale », la situation paradoxale :
est encadrée par deux occurrences du leitmotiv « Pour moi » et l’ivresse égocentrique traduite par ce retour anaphorique rend plus « acceptable » l’inversion d’une relation stéréotypée.
Mais les deux marques d’atténuation ne sont pas forcément identiques. Dans « Le Relais », par exemple, la séquence :
est à la fois amorcée et amortie par cette alternance bipolaire :
et atténuée rétroactivement dans un vers qui justifie le syncrétisme paradoxal par l’état de conscience de l’énonciateur, que l’on devine épuisé par l’insomnie, brisé
En somme, les moyens changent, mais la fin reste la même : anticipée, rétroactive ou redoublée, la marque d’atténuation révèle le souci d’intégrer la séquence paradoxale à l’ensemble texte. Plus largement, le contexte linguistique joue un rôle multiple dans l’atténuation des énoncés paradoxaux. Si pour intégrer les formes dites fortes, il convient de recourir au « contexte oeuvre », le recueil, la section et surtout le poème et le microcontexte multiplient les stratégies permettant de réduire la tension entre la logique du poème et celle de la séquence. Car à l’évidence, tel est bien l’enjeu : il s’agit de donner au discours paradoxal l’espace qu’il réclame tout en l’empêchant de transmettre sa logique aux unités qui l’englobent.
Poèmes, p. 98.
1939-1945, p. 413.