Quant aux formes morphosyntaxiques de l’atténuation, elles coïncident avec celles qui manifestent une certaine distance de la part de l’énonciateur à l’égard de son énoncé. Un verbe au conditionnel, par exemple, refuse toute caution au paradoxe :
En effet, nous sommes ici dans l’ordre des conjectures, du moins des faits non avérés, et s’il reste paradoxal de regarder ses propres mains comme des ennemies, la tension logico-sémantique est amoindrie par l’emploi du conditionnel. L’effet est comparable lorsque la séquence paradoxale s’inscrit dans une subordonnée hypothétique, comme cette définition de Dieu avancée dans « Prière à l’inconnu » :
La forme interrogative propose elle aussi des paradoxes baignés d’incertitude :
De même, quand le poète se demande :
le paradoxe sous-jacent est affaibli par l’infinitif délibératif, où la perplexité domine. Enfin, l’atténuation pourra revêtir la forme de la restriction, qui limite la portée du paradoxe à un seul objet ou un seul groupe :
« Loin de l’humaine saison », Gravitations, p. 211.
La Fable du monde, p. 364.
« Sort-il de moi ce chien avec sa langue altière... », Naissances, p. 544.
« Madame », Oublieuse mémoire, p. 491.
« Dieu derrière la montagne », Le Corps tragique, p. 598.
« Mais avec tant d’oubli comment faire une rose... », Oublieuse mémoire, p. 486.
« France », 1939-1945, p. 415.
« Le Sang », Naissances, p. 547.