2. Le rôle des métaphores et des comparaisons

La résolution des paradoxes peut aussi provenir de la nature très particulière des liens qui unissent chez Supervielle métaphores ou comparaisons et structures paradoxales.

A. Le jeu sur sens propre et sens métaphorique

D’abord, bon nombre de paradoxes se maintiennent sur un plan strictement formel en jouant sur les différents sens d’un mot. C’est le cas dans l’énoncé :

Et de ce front à ce menton
On peut loger commodément
Mille lieues carrées de tourment1630,

où le verbe loger fait fonction d’interprétant, le premier vers renvoyant à une réalité tangible et le troisième à un traitement métaphorique de l’espace.

Le jeu peut aussi porter sur plusieurs lexèmes. Ainsi, dans ce verset de « Paris » :

Il va traversant les siècles sans avoir à bouger même le petit doigt1631,

traverser est employé par métaphore et bouger au sens propre. De même, cette séquence de « L’Arbre » :

Comme il se contorsionne l’arbre, comme il va dans tous les sens,
Tout en restant immobile !1632

réunit des verbes de mouvement employés métaphoriquement (se contorsionner, aller) et une expression marquant l’immobilité à prendre au sens premier. On le voit, dans cet exemple comme dans les précédents, le procédé désamorce tout rapport paradoxal en exhibant son mode de lecture.

Notes
1630.

« Souffrir », 1939-1945, p. 420.

1631.

Naissances, p. 554.

1632.

Les Amis inconnus, p. 343.