Au reste, le paradoxe peut être doté d’une fonction emphatique centrée sur lui-même ou sur son environnement immédiat.
Nombre de séquences possèdent une valeur expressive qui focalise l’attention du lecteur sur elles-mêmes1664 et sur leur microcontexte. Elles se caractérisent généralement par une forme dense, ramassée. Cette comparaison, par exemple :
tire certainement son expressivité de la rigueur de sa construction, mais aussi de sa forme lapidaire. Un procédé semblable s’observe dans les paradoxes permutatifs1666 ou bien lorsque, toujours dans la concision, le texte laisse transparaître — et parfois même, exhibe — l’intertexte sous-jacent. Il est clair en effet que cet énoncé paradoxal :
tire un relief tout particulier de sa référence implicite au discours topique selon lequel l’âge nous infligerait de douloureuses infirmités.
Le paradoxe, toutefois, ne concentre pas toujours sur lui seul la focalisation. Ainsi, même dans un énoncé où sont associés très ostensiblement des contradictoires, il peut aussi mettre en évidence la situation ou le contexte qui l’a fait naître. Dans le verset suivant, par exemple :
la mise en contact paradoxale de la mort et de la vie produit sans doute une formule d’une vigueur remarquable, mais en même temps elle dénonce la logique mortifère de la guerre, qui inscrit au coeur du vivant la menace d’une fin prochaine.
Ce serait même selon Michael Riffaterre l’une des caractéristiques du « paradoxe littéraire » : « C’est une représentation d’aporie qui non seulement génère sa propre solution mais la met en relief du fait même que sa donnée initiale semblait l’exclure » (« Paradoxe et présupposition », in Ronald Landheer et Paul J. Smith, op. cit., p. 149). C’est nous qui soulignons.
« L’Aube dans la chambre », Les Amis inconnus, p. 309.
V. chapitre II.
« Visages », 1939-1945, p. 451.
« Guerre et paix sur la terre », Oublieuse mémoire, p. 527.