III. Fonction intégratrice

Curieusement, les séquences paradoxales possèdent par ailleurs un effet intégrateur sur les paradoxes ou les métaphores qui les précèdent.

1. Le paradoxe dans l’argumentation

Une formule paradoxale peut en effet contribuer à la « justification » d’un paradoxe antérieur, ce qui induit parfois l’apparition entre les deux séquences d’un articulateur à valeur causale :

Ou serais-je plutôt sans même le savoir
Celui qui dans la nuit n’a plus que la ressource
De chercher l’océan du côté de la source
Puisqu’est derrière lui le meilleur de l’espoir ?1675

La logique de l’argumentation peut également s’imposer en l’absence de tout connecteur spécifique, comme dans « Prière à l’inconnu », où le premier verset, capital par la problématique qu’il soulève (celle de la prière chez un incroyant), est cautionné et étayé par d’autres séquences paradoxales :

Mon Dieu, je ne crois pas en toi, je voudrais te parler tout de même ;
J’ai bien parlé aux étoiles bien que je les sache sans vie,
Aux plus humbles des animaux quand je les savais sans réponse,
Aux arbres qui, sans le vent, seraient muets comme la tombe.
Je me suis parlé à moi-même quand je ne sais pas bien si j’existe1676.

Même si dans ce fragment un paradoxe en appelle un autre, ce qui finit par produire un effet de cascade, il reste qu’en accumulant des exemples de comportements paradoxaux, le discours tend à rendre plausible le premier d’entre eux.

Notes
1675.

« J’aurai rêvé ma vie à l’instar des rivières... », Oublieuse mémoire, p. 487.

1676.

La Fable du monde, p. 363-364.