À l’évidence, l’abolition de ces lois fondamentales du discours ordinaire participe de ce que Supervielle appelait ‘« la logique “fantastique’” »1727 de la poésie. Il en va de même du principe de relativité promu par le code textuel. Celui-ci admet que soient adoptés dans le même segment discursif des points de vue distincts sinon opposés, même si le sentiment d’unité doit en souffrir dans un premier temps. L’obscurité devient ainsi un titre de gloire1728, la ‘« douceur de mourir’ » cohabite avec la « ‘crainte ’»1729 et la beauté est jugée « ‘horrible’ »1730. Les séquences ainsi produites ne sont pas des ‘« paradoxes forts ’», mais elles témoignent de l’assomption de la subjectivité des points de vue, où l’on peut lire le primat du sujet. Certes, cette pratique peut confiner au solipsisme1731, mais du moins confirme-t-elle que la quête de l’unité ne peut être que l’aventure d’un sujet.
Jules Supervielle / Étiemble, Correspondance (1936-1959), édition critique, texte établi, annoté, préfacé par Jeannine Étiemble, SEDES, 1969, p. 78.
« Hommage au poète Julio Herrera y Reissig », Oublieuse mémoire, p. 525.
« Offrande », Gravitations, p. 205.
« La fervente Kha-Li ne pouvait se consoler de la guerre », Poèmes, p. 72.
Cf. par ex. : « Quand nul ne la regarde,
La mer n’est plus la mer »
(« La Mer secrète », La Fable du monde, p. 402)
ou ces paroles de l’étoile dans « La Demeure entourée » :
« Si nul ne pense à moi je cesse d’exister »
(Les Amis inconnus, p. 331).