CONCLUSION

Chez Jules Supervielle, le paradoxe joue donc un rôle déterminant depuis les origines de l’écriture poétique, où s’articulent sentiment de séparation et besoin de réparation, jusqu’à la version définitive du poème en passant par les nombreuses transformations de l’avant-texte. Sous des formes d’une extrême diversité — au point que sa pratique même peut sembler paradoxale —, le paradoxe s’avère indissociable de la création poétique et en cela il illustre le jugement de Watzlawick et alii :

‘L’imagination, le jeu, l’humour, l’amour, le symbolisme, l’expérience religieuse au sens le plus large du terme (des rites au mysticisme), et la créativité surtout, dans les arts et dans les lettres, présentent un caractère foncièrement paradoxal 1930. ’

Ce « ‘caractère [...] paradoxal »’ appelle quelques précisions. Selon Arthur Koestler, dont les auteurs d’Une logique de la communication résument les arguments, ‘« l’humour et la découverte scientifique, tout comme la création artistique, résultent d’un processus mental’ », [la] « ‘bissociation »,’ c’est-à-dire « ‘la perception d’une situation ou d’une idée sur deux plans de référence dont chacun a sa logique interne mais qui sont habituellement incompatibles »’ 1931. Cela signifie notamment que la création rejette les points de vue exclusifs, qu’elle dédouble les perspectives. On a vu avec quelle fréquence la poésie de Supervielle illustre ce phénomène par sa pratique ludique du langage et surtout par l’organisation de son univers. Celle-ci, qui entremêle des relations fondées sur les principes opposés de la disjonction et de la conjonction et intègre en profondeur deux forces contraires, constitue à cet égard un exemple d’autant plus convaincant que ces deux forces ne restent pas étrangères l’une à l’autre, qu’au contraire elles se répondent, comme pour permettre à l’écriture d’embrasser une totalité.

Ainsi la « logique poétique » fait-elle le lit du paradoxe. De fait, celui-ci s’inscrit sous le double signe de la disjonction et de la conjonction et ses formes relèvent de deux grands ensembles, l’un dissociatif, qui regroupe les opérations disjonctives, inversantes et redistributives, l’autre conjonctif. Les deux dynamiques s’opposent évidemment par leur orientation. Elles présentent néanmoins des traits communs à la fois dans leur fonctionnement (ainsi qu’en témoigne, par exemple, le rôle des structures prosodiques et phonétiques) et dans leur thématique. Elles doivent en effet pouvoir s’articuler, ou plus précisément il faut que la conjonction puisse répondre à la dissociation sans pour autant la neutraliser. Car là se situe la spécificité du paradoxe superviellien : si les formes de la conjonction, en se multipliant, manifestent une profonde aspiration à l’unité, elles n’éliminent pas pour autant les marques contraires, qui, en se maintenant, justifient et même renforcent cette aspiration. Ainsi la totalité ne saurait-elle faire l’économie de la disjonction sous peine d’artifice, sous peine aussi d’entropie, d’étiolement, faute d’un opposant pour l’entretenir dans une dynamique de vie.

Les énoncés paradoxaux, au demeurant, se prêtent à deux lectures distinctes. Homogènes dans leur diversité, ils constituent une structure complexe signifiante par elle-même, mais en même temps ils entretiennent avec la tradition qui les sous-tend, l’histoire qui les motive et surtout les ensembles qui, à différents niveaux, les incluent des relations elles aussi signifiantes. Sous cet angle, l’interprétation du paradoxe « ‘implique la considération des divers ’ ‘contextes’ ‘ dans lesquels ces termes s’inscrivent : contexte proche (celui du vers, de la strophe, du poème), mais aussi contexte lointain (celui du recueil voire de l’oeuvre entière) qui renvoie en dernier recours au contexte extra-linguistique d’une certaine expérience du monde’ »1932. Il s’ensuit le plus souvent une intégration rapide et facile — parfois immédiate ou même anticipée — de la séquence dans le texte. Car l’atténuation, voire la résolution de ces paradoxes pourtant avidement recherchés constitue l’un des traits caractéristiques de la poésie de Supervielle.

Par-delà ce mode de fonctionnement, le paradoxe se signale par la diversité de ses enjeux. Ceux-ci varient sur l’axe diachronique, mais plus encore à l’intérieur de chaque recueil, où coexistent des séquences investies de fonctions très différentes. Si le paradoxe, conformément à la tradition, renverse volontiers les usages et les stéréotypes, voire les principes fondateurs de notre perception du monde, dont il relativise ainsi la validité, s’il choisit contre la réalité la plus prévisible le parti du jeu, s’il intervient dans le fonctionnement du texte par ses valeurs emphatique et intégratrice, son rôle prend toute son ampleur dans la quête de l’unité conduite à partir et au travers de la dualité. En outre, les énoncés paradoxaux comme les configurations transtextuelles contribuent à l’organisation et à la production du texte, où ils révèlent un entrelacement du positif et du négatif, une pluralité qui ouvre la voie à la complémentarité de la disjonction et de la conjonction, la seconde trouvant dans la première sa justification et l’origine de sa dynamique.

Ainsi le paradoxe apparaît-il comme la clé de voûte de la « logique poétique »1933. Il est vrai que lui seul donne à voir des tensions en cours de résorption, des conflits en voie de résolution pour un bénéfice existentiel acquis dans et par l’écriture, cependant que se construit grâce à lui la polysémie du texte :

‘Comme le rêve, il [le poème] est un moyen de pallier la division du moi et du monde, d’en assurer au contraire la rencontre et la réunion, de supprimer la conscience séparatrice, ou plutôt de construire une conscience nouvelle, une nouvelle impatience, à laquelle la scission est étrangère. [...] Reste qu’elle [la poésie] est dans ce qui se dérobe, ce qui manque : elle dit l’absence, le monde absent, la vie toujours ailleurs.1934

En dépit de leur portée très générale1935, ces propos s’appliquent fort bien à la poésie de Supervielle. Celle-ci, en effet, « ‘atteint à l’unité sans jamais oublier la séparation. Elle a nettoyé ses plaies et nettoyé ses morts sans en perdre la mémoire’ »1936. Sans doute même parvient-elle à ses fins parce qu’elle n’a pas oublié la séparation. Car ici, la recherche de l’unité passe par une expérience de l’ambivalence, dont elle se nourrit et où elle trouve sa raison d’être. Dans ces conditions, selon la formule d’Henri Meschonnic, ‘« la juxtaposition est tension des contraires et non fusion des contraires’ »1937. En cela, la pratique de Supervielle est en accord avec l’essence du paradoxe :

‘une « résolution » du paradoxe ne comporte jamais un effacement total, ni la disparition de la tension communicative qui en résulte. La contradiction reste sous-entendue, comme un élément fonctionnel du discours paradoxal.1938

Autant dire que par nature, le paradoxe ne peut induire la fusion. Mais alors, si dans tous les cas « la ‘tension communicative’ » perdure et si ‘« [l]a contradiction reste sous-entendue ’», pourquoi une poésie en quête d’unité recourt-elle aussi volontiers à des séquences paradoxales ? N’y aurait-il pas là un nouveau paradoxe, plus central et plus profond que tout autre ? En fait, l’antinomie disparaît sitôt admis le dynamisme de la figure. En elle se résument alors un cheminement, une aventure, celle d’une écriture cherchant par tous les moyens à forger des images d’unité à partir d’un contexte dualiste. L’entreprise n’est pas sans évoquer l’‘« écriture de la ruse’ » telle que la décrit Jean Burgos :

‘une telle écriture [...] spécule sur les oppositions pour mieux les surmonter et par là se révèle à la fois moniste et dualiste1939. ’

Et si, par une loi interne, l’unité doit garder la mémoire des obstacles qu’il a fallu franchir pour l’atteindre, et dont elle tire son prix, le paradoxe se révèle la figure la plus pertinente, la plus adéquate, puisqu’il a ce pouvoir de contenir tout à la fois la situation initiale, l’aventure et l’unité vivante, palpitante — voire « ‘pantelante’ »1940 — qui en résulte.

Le paradoxe retrace donc une histoire, ou plus exactement il en porte la trace, comme le montre sa forme canonique, l’oxymore, dont les éléments, selon Michael Riffaterre, sont d’abord perçus séparément, avant de se rejoindre pour former un signe unique :

‘la première lecture de torrent immobile maintient encore la différence entre le nom et l’adjectif et compte le groupe pour deux mots. [...] La seconde lecture [...] fait de torrent immobile un seul signifiant1941. ’

« ‘[U]n seul signifiant’ », certes, mais pas monolithique. Entre ses constituants, toute relation n’a pas disparu et selon Daniel Bougnoux, pour qui le phénomène pourrait bien être spécifique du discours poétique, un « ‘vibreur logique’ »1942 fonctionne sans discontinuer :

‘Dans la mesure où les confrontations philosophiques se ramènent souvent à un jeu à deux places, le face à face du corps et de l’esprit, du moi et du monde, du sujet et de l’objet, etc., peut-être les poètes [...] ont-ils moins cherché à résoudre dialectiquement ces contraires, éternels chiens de faïence du programme philosophique, qu’à les faire vibrer. La poésie semble plus volontiers « oscillatoire », donc paradoxale, que « dialectique ».1943

Par son goût pour la binarité pendulaire, la poésie de Supervielle donne du crédit à cette hypothèse. On peut néanmoins se demander pourquoi le paradoxe impliquerait de telles oscillations plutôt qu’un modèle dialectique. Il semble qu’ici encore la réponse réside dans sa nature dynamique. Selon Yves Barel, il faut le regarder non comme un « ‘état »,’ mais comme un « ‘mouvement’ »1944 et selon toute apparence, celui-ci tend spontanément à se pérenniser1945. Le paradoxe n’a donc pas le choix : il ne peut que préférer l’oscillation, toujours encline à se répéter, au mouvement dialectique, voué par définition à dépasser la binarité.

Que le paradoxe ait partie liée avec les formes les plus persistantes du mouvement, la poésie de Supervielle le démontre constamment. Chez lui, en effet, l’enjeu du geste poétique s’inscrit sur des points toujours différents, toujours à renégocier, de l’axe dissociation-conjonction, l’unité est toujours à conquérir et la stabilité n’existe que dans le souvenir. Un tel scénario, où rien n’est jamais acquis, où les séparations appellent les réparations, où les aspirations comme la nostalgie sont renforcées par les difficultés, ressemble tout bonnement à la vie, dont le paradoxe apparaît ainsi comme une manifestation :

‘Là où fonctionne le paradoxe, il y a système vivant. Là où il n’est pas, on sort, sinon du système, du moins de ce qu’il y a de vivant en lui.1946

Rien d’étonnant, dans cette perspective, si la pratique du paradoxe entre en relation avec l’expérience individuelle, avec le vécu personnel, comme l’a relevé Jean-Michel Maulpoix chez Supervielle :

‘Sous la pression tragique de sa biographie, il a sans doute plus profondément reconnu qu’un autre combien la poésie tire sa puissance et sa clarté de ces paradoxes obscurs [...] qu’elle intensifie et dont elle prend rythmiquement la mesure.1947

Figure du « vivant », le paradoxe s’inscrit dans le temps. Chez Supervielle, pendant qu’il se déroule, l’écriture essaie d’atteindre son objectif ultime, mesure l’écart qui l’en sépare ou se donne les moyens de son entreprise en faisant l’expérience du pouvoir fondateur d’un langage nourri d’imaginaire. Le paradoxe se révèle ainsi la figure emblématique et même, lorsque s’instaure un mouvement de « ‘bascule ’»1948, l’icone d’une totalité, d’une unité en train de se chercher et, dans le meilleur des cas, de se construire.

Au reste, le paradoxe permet de situer Supervielle parmi les poètes de son temps. A priori, la marginalité semble son lot. ‘« Impossible de lier Supervielle à quelque école que ce soit »’, estime Robert Speaight1949, qui précise ailleurs : « ‘Contemporain des -ismes, on ne saurait le cataloguer dans aucun d’entre eux’ »1950. Ceci n’était sans doute pas pour lui déplaire et l’on sait qu’il a pris soin de se démarquer des surréalistes :

‘Certains ont dit que j’étais un surréaliste. Je ne le pense pas, bien qu’il y ait peut-être quelques éléments surréalistes dans ma poésie et encore je n’en suis pas sûr du tout.1951

L’intérêt qu’il portait à la « ‘cohérence, à la plausibilité’ »1952, aux « ‘assises’ »1953 de ses poèmes l’éloignait en effet radicalement de Breton et des siens. Par-delà ces considérations, il semble bien, du reste, que la différence soit d’ordre pragmatique et que les choix divergent avant tout sur la prise en compte du lecteur :

‘Certains poètes sont souvent victimes de leurs transes. Ils se laissent aller au seul plaisir de se délivrer et ne s’inquiètent nullement de la beauté du poème. Ou pour me servir d’une autre image ils remplissent leur verre à ras bord et oublient de vous servir, vous, lecteur. 1954

Au fond, Supervielle n’était pas loin de penser, comme plusieurs poètes de sa génération, que le surréalisme était à la fois « ‘une solution de facilité et une impasse ’»1955. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’existe entre lui et la mouvance surréaliste aucun point de convergence. Il ne proteste d’ailleurs pas lorsqu’Aimé Patri commente en ces termes son texte sur l’inspiration publié à la N.R.F. en 1933 :

‘Je ne vois pas [...] que les surréalistes pourraient y trouver quelque chose à redire, puisque l’état de coïncidence des contraires auquel vous faites allusion correspond à la célèbre description du « Point » telle qu’on peut la trouver dans le « second manifeste » de Breton.1956

Or ces correspondances sont surtout perceptibles dans les formules qui « travaillent » de l’intérieur la relation d’opposition, c’est-à-dire les paradoxes. Ceux-ci manifestent en outre une pratique du langage qui n’est pas sans évoquer la théorie surréaliste, ou plus exactement reverdyenne, de l’image : les tensions qu’ils induisent répondent en effet au voeu de Pierre Reverdy, pour qui, on s’en souvient, les rapports entre les deux « ‘réalités rapprochées »’ devaient être aussi « ‘lointains »’ et aussi « ‘justes’ »1957 que possible. À l’évidence, le paradoxe satisfait à cette double exigence, puisqu’il produit un écart maximal tout en ménageant une certaine continuité sémique. Cela dit, par ce que révèlent les rapports très particuliers qu’il instaure avec le contexte, le paradoxe superviellien trace dans l’histoire de la poésie moderne une voie profondément originale. Du reste, il permet de saisir la spécificité d’une écriture poétique. Celle-ci se caractérise par la multiplicité, la fréquence et la lisibilité des structures bipolaires et par le phénomène récurrent qu’on y observe : les éléments les plus « lointains » tendent à se rapprocher à la faveur d’un compromis.

‘La poésie est un compromis entre la lumière et les ténèbres, entre la pensée explicite et le secret sans paroles, entre la musique et le silence. [...] Je vous parlais de la confusion que je sentais en moi à l’état latent. C’est cette confusion, dirigée par l’obscurité dont nous sommes capables qui nous permet le compromis entre le clair et l’obscur, le rêve et la réalité, l’humain et l’extra-humain, la raison habituelle et le délire poétique.1958

Ainsi les forces en présence produisent-elles de vives tensions au départ, mais au cours de la « maturation » du poème, à travers ses diverses réécritures, l’obscurité et la confusion tendent à refluer au profit de la lumière et de l’ordre. Autrement dit, si les rapports sont lointains au début, leur justesse se conquiert au cours de l’élaboration du texte. L’originalité de Supervielle ne manque donc pas d’apparaître par contraste lorsqu’Aimé Patri poursuit sa comparaison avec les surréalistes :

‘La différence commence [...] lorsqu’on se rend compte que cet état chez vous se présente comme un point de départ au lieu d’être le terme de l’inspiration. Dans le deuxième temps apparaît la volonté de reconquête de soi-même et c’est ici que votre chemin et celui des surréalistes divergent résolument. Le recours final à la « raison » même la plus « intérieure » m’apparaît très significatif à cet égard. Dans un cas, chez les surréalistes, nous avons la volonté de dépasser la raison au moyen de l’irrationnel, mais chez vous se produit la démarche inverse puisque l’irrationnel est donné d’abord au lieu d’être cherché1959. ’

Supervielle, on s’en souvient, avait « ‘les conflits en horreur’ »1960. ‘« Je voudrais toujours réconcilier tout le monde’ », déclarait-il1961. De même, il entendait « ‘faire collaborer le conscient avec l’inconscient ’»1962 en dépit, ou plutôt à cause de tout ce qui les oppose. Le paradoxe témoigne de la réalité et parfois de la violence des conflits, mais aussi, par le rapprochement des incompatibles, d’une propension à toujours tenter une conciliation. Car ici l’enjeu n’est pas l’expression brute des tensions, mais leur dépassement, ni la seule mise au jour des messages de l’inconscient, mais un projet plus englobant qui ne saurait leur sacrifier la cohérence du poème. Pourquoi, en effet, se priver des ressources du travail conscient s’il s’agit avant tout de réconcilier, c’est-à-dire de substituer des moments d’unité à des scénarios de division ? On sait que ces réconciliations s’obtiennent au point d’équilibre entre les forces opposées ou les postulations contraires. Même « ‘[s’i]l y a [...] une part de délire dans toute création poétique’ »1963, l’écriture poétique ne renonce donc pas à « ‘une certaine sagesse’ »1964. Elle exclut l’exclusion. Elle préfère se souvenir du rêve dont elle est issue et en même temps pressentir la pensée vers laquelle elle tend sans jamais l’atteindre sous peine de se perdre. Le paradoxe, qui par nature refuse de choisir, lui prête sa logique, si fidèlement qu’il devient son espace d’élection. La figure dont « ‘la puissance [...] consiste [...] à montrer que le sens prend toujours les deux sens à la fois, les deux directions à la fois [...,] qu’on ne peut pas séparer deux directions, qu’on ne peut pas instaurer un sens unique’ »1965, ne pouvait que jouer un rôle cardinal dans l’aventure poétique de Supervielle et compter parmi les « ‘instruments de connaissance [qui] lui servent à s’approcher d’un centre, le centre de la poésie’ »1966.

Notes
1930.

Paul Watzlawick, Janet Helmick Beavin, Don D. Jackson, Une logique de la communication, Éditions du Seuil, 1972, p. 258. C’est nous qui soulignons.

1931.

Op. cit., p. 259.

1932.

Michel Collot, La poésie moderne et la structure d’horizon, op. cit., p. 238 (c’est l’auteur qui souligne). M. Collot traite dans ces lignes des figures poétiques en général et de la métaphore en particulier. On voit que son jugement peut s’appliquer au paradoxe.

1933.

Il est d’ailleurs permis de penser que le genre poétique dans son ensemble et la poésie de Supervielle en particulier participent en cela d’une aventure plus vaste et qu’ils ne font qu’accentuer un trait inhérent à toute logique, y compris la plus rigoureuse : « La logique est un domaine paradoxalement paradoxal. Alors qu’on prétend y déterminer les règles à respecter pour ne pas tomber dans des paradoxes, c’est là qu’on en rencontre le plus grand nombre » (Jean-Paul Delahaye, Logique, informatique et paradoxes, Pour la science - Diffusion Belin, 1993, p. 7). Reste, évidemment que le paradoxe n’a pas le même statut dans les deux discours, logique et poétique : tandis que le premier tente de l’éradiquer, le second l’assume et même le recherche si l’enjeu de l’écriture l’exige.

1934.

Lionel Ray, « Entretien : Lionel Ray interrogé par Pierrette Fleutiaux », L’Union syndicaliste, n° 370, 9 juin 1995, p. 14.

1935.

Lionel Ray répond ici à la question : « Définir la poésie n’a rien de simple. Peux-tu préciser ce que tu en penses, tenter une formulation ? »

1936.

Jean-Michel Maulpoix, La Quinzaine littéraire, n° 692, 1er-15 mai 1996, p. 15-16.

1937.

Pour la poétique, Gallimard, coll. « Le Chemin », 1970, p. 122.

1938.

Ronald Landheer, art. cité, p. 115.

1939.

Pour une poétique de l’imaginaire, Éditions du Seuil, coll. « Pierres vives », 1982, p. 168.

1940.

Cf. note manuscrite de Supervielle publiée par Michel Collot dans La matière-émotion, op. cit., p. 154.

1941.

Art. cité, p. 158.

1942.

Vices et vertus des cercles, La Découverte, 1989, p. 68.

1943.

Ibid.

1944.

Op. cit., p. 85.

1945.

Dans « Je mens : histoires sémantique et logique d’un paradoxe » (in R. Landheer et P. J. Smith, op. cit., p. 17-38), Béatrice Godart-Wendling propose une analyse qui à la fois rejoint et complète celle d’Yves Barel. Cf. la présentation qu’en donnent R. Landheer et P. J. Smith dans leur introduction : « un paradoxe ne consiste pas à poser une équivalence statique entre le vrai et le faux, mais à faire passer alternativement (et donc temporellement) du vrai au faux et inversement. [...] [U]n paradoxe est la cristallisation d’un raisonnement dynamique qui oscille indéfiniment faute de s’élaborer en fonction d’un raisonnement complet » (« Présentation », op. cit., p. 8-9). À propos d’un dessin d’Escher, Yves Barel écrit d’ailleurs : « tout choix [...] entraîne nécessairement le choix contraire dans une oscillation interminable qui évoque tout à fait celle du Paradoxe du menteur » (op. cit., p. 282). Dans les deux cas, c’est nous qui soulignons.

1946.

Yves Barel, op. cit., p. 40.

1947.

Art. cité.

1948.

Cf. Ronald Landheer, « Le paradoxe : un mécanisme de bascule », art. cité, p. 91.

1949.

The New Statesman and Nation, 7 avril 1945, in Étiemble, op. cit., p. 289.

1950.

Programme de la version espagnole du Voleur d’enfants, Madrid, 8 mai 1950, ibid., p. 290.

1951.

« Èléments d’une poétique », Valeurs, n° 5, Le Caire, avril 1946, p. 33.

1952.

« En songeant à un art poétique », Naissances, p. 562.

1953.

Ibid.

1954.

« En songeant à un art poétique », Naissances, p. 561.

1955.

Jean-Yves Debreuille, L’École de Rochefort — Théories et pratiques de la poésie — 1941-1961, Presses Universitaires de Lyon, 1987, p. 37. Les contemporains de Supervielle auxquels nous faisons ici allusion sont Pierre Reverdy, Pierre Mac Orlan, André Salmon et Léon-Paul Fargue.

1956.

Paru, n° cité, p. 11.

1957.

Le Gant de crin, Flammarion, 1968, p. 30.

1958.

J. Supervielle, « Èléments d’une poétique », Valeurs, n° cité, p. 30-31.

1959.

Paru, n° cité, p. 11.

1960.

« Dieu, la critique et l’art (Entretien avec Étiemble) », in Étiemble, op. cit., p. 207.

1961.

Ibid.

1962.

« Èléments d’une poétique », Valeurs, n° cité, p. 30.

1963.

« En songeant à un art poétique », Naissances, p. 560-561.

1964.

Ibid., p. 560.

1965.

Gilles Deleuze, Logique du sens, Les Éditions de Minuit, 1969, p. 94-95.

1966.

J. Supervielle, « Èléments d’une poétique », Valeurs, n° cité, p. 31.