IV . Concernant le « principe d'identité »

Le principe d’identité s’énonce ordinairement sous la forme : «Ce qui est, est ; ce qui n'est pas, n'est pas».

Jean-Marie Dolle introduit une dimension nouvelle par rapport à cette définition en insistant sur le rapport des choses entre elles : «‘Une chose se définit par rapport à ce qu'elle n'est pas’».

Martin Heiddeger analyse la formule A = A par laquelle on a coutume de représenter le principe d'identité. Cette formule pose en fait l'égalité de A et de A. Or, toute égalité requiert au moins deux termes : un A est égal à un autre A. L'identique se traduit par «le même». Or, pour qu'une chose puisse être «la même», un seul terme suffit toujours. La formule courante du principe d'identité A = A ne présente pas A comme étant «le même». Elle voile précisément ce que le principe voudrait dire, à savoir que A est A, en d'autres termes, que tout A est lui-même le même. Il est donc préférable de donner au principe d'identité la forme A est A. Cette forme ne dit alors pas seulement «tout A est lui-même le même» mais plutôt «tout A est lui-même le même avec lui-même». Cette deuxième forme est une traduction de ce que dit Platon dans le Sophiste («chacun est lui-même à lui-même le même»). L'identité implique la relation marquée par la préposition «avec», donc une médiation.

Nous pouvons nous demander si le principe d'identité nous apprend quelque chose au sujet de l'identité. La réponse est «non» ou du moins, pas directement. Il présuppose au contraire que l'on sait ce que le mot identité veut dire et quels sont ses tenants et aboutissants. Ceci permet d'appréhender la difficulté liée à la façon d'aborder le sujet qui nous préoccupe.

Il faut encore se demander si le principe d'identité ou de non-identité, si les conservations, si la transitivité sont des « outils » identiques quels que soient les objets sur lesquels ils s'exercent.

‘« Reconnaître l'identité d'un objet qu'on vient de voir disparaître quelques instants ou quelques semaines ou mois auparavant, reconnaître l'identité d'un agresseur qui la masque intelligemment, reconnaître l'identité de Vénus, l'étoile : ces différentes conduites font-elles appel au même principe qui resterait toujours identique à lui-même ou bien font-elles appel à un principe qui doit s'affiner, se spécifier en fonction de l'éloignement et de la complexité des objets à connaître identiques ? ... Ce n'est pas le principe d'identité qui se transforme. Il consiste toujours à prouver qu'il s'agit d'un seul et même objet ; c'est la pensée à laquelle il appartient qui, en se réorganisant, donne à cet outil et à tous les autres précédemment cités une puissance décuplée ».13
Notes
13.

Introduction à J. Piaget, Annie Chalon - Blanc, p. 46