VI . DEFINITION DE L'OBJET A IDENTIFIER DONT NOUS PARLONS

On peut considérer comme objet, tout ce qui peut subir une transformation et qui se conserve malgré cette transformation. L'identité de l'objet serait alors cet invariant propre à l'objet. Grâce à cette définition, nous voyons bien apparaître l'articulation qui existe entre l'objet et l'identité de cet objet :

Une identification ne correspond pas en tous points à l'objet identifié, mais représente un choix par rapport à des données pertinentes, à la fois par rapport à la perception et à la fois par rapport à la capacité que le sujet a de traiter l'information. Lorsque l'on identifie un objet, il y a des données que l'on sélectionne et d'autres que l'on écarte.

Identifier un objet revient à rechercher les propriétés caractéristiques de la singularité d'un objet (en fait, la singularité sera issue de la combinaison des propriétés) mais aussi à différencier cet objet d'autres objets avec lesquels il pourrait être confondu. Identifier sous-entend de considérer conjointement l'identité de l'objet mais aussi ses différences avec le milieu environnant.

La construction de traits oppositifs (c'est-à-dire permettant de cerner ce que l'objet n'est pas) suppose un dépassement des centrations spontanées sur l'aspect « positif » des observables de l'objet, c'est-à-dire, ce qui est donné par la configuration perceptive. Ce dépassement prend la forme d'une élaboration de caractéristiques « négatives » de l'objet. C'est la construction de signifiants exprimant ce que n'est pas cet objet. Le choix des objets sur lesquels porte la manipulation a donc un rôle primordial dans la réponse adaptative du sujet.

La construction d'identification provoque chez le sujet des démarches cognitives et des remaniements structuraux. Ce qui doit alors être construit, c'est une identification permettant d'opposer les objets semblables (identité affirmative caractérisant cet objet et identité négative caractérisant ce qu'il n'est pas).

Une telle construction suppose des actions de correspondance, de regroupement (caractérisant ce qu'est l'objet) et d'opposition, de différenciation (caractérisant ce qu'il n'est pas). Toutes ces actions sont de type opératoire.

Les objets choisis sont décomposés en attributs susceptibles de les caractériser. Cette abstraction n'est pas quelconque, mais fonction des structures mentales de l'enfant. L'objet sera analysé à travers ce qui témoigne de son appartenance à une catégorie et à travers ce qui lui est propre (témoin de sa singularité).

L'identification de l'objet est à prendre en compte en extension et en compréhension. C'est par rapport à cette double définition que la sujet pourra inférer aux objets des informations différentes de celles qui sont perceptivement apparentes. D'après Piaget et Inhelder 14, les comparaisons entre les définitions fournies par les enfants et leurs comportement de classification, suggèrent que les concepts des enfants sont caractérisés par des manques de coordination entre les processus d'extension et de compréhension. L'évolution génétique serait marquée par une prise en compte de plus en plus efficiente de la définition en compréhension des concepts afin d'en déterminer leur extension.

Pour identifier des objets, les enfants utilisent fréquemment et de façon spontanée, le prototype et la fonction.

Le prototype rassemble toutes les informations pertinentes de la classe dont il peut être considéré comme le représentant. Il est la synthèse d'une sélection d'attributs ; il est donc utilisé suivant un principe d'économie.

La fonction (ou l'utilisation), quant à elle, est plutôt utilisée par les enfants pour justifier le concept qu'ils utilisent.

Notes
14.

1974