b . ASSIMILATION . ACCOMMODATION . ADAPTATION

Le cadre épistémologique que nous avons choisi pour cette étude est celui de l'interaction du sujet avec le milieu. Contrairement à certaines conceptions, pour J. Piaget, ce n'est pas le milieu qui produit le sujet, mais le sujet qui se produit ou se construit dans le milieu en s'y auto-adaptant. Cette adaptation du sujet au milieu qui est le sien, correspond à une activité auto-constructrice, auto-transformatrice, dans laquelle les composantes du milieu ont une influence sur le sujet. Plus un milieu est riche en incitations à agir, plus il permet au sujet d'exercer ses schèmes sur des objets nombreux et variés, ce qui lui permet de les affermir et par généralisation d'en construire d'autres. Toutefois, la seule richesse des sollicitations ne suffit pas ; il faut que le sujet s'en saisisse et agisse. C'est à travers ses actions que le sujet exerce des transformations sur le réel, et ce sont ces transformations qui donnent naissance à la connaissance.

Pour J. Piaget, le développement psychologique se traduit par une succession de stades intégratifs aboutissant à des paliers d'équilibre de complexité et de mobilité croissantes tout en étant par nature instables. Le processus d'équilibration exprime le mouvement conduisant sans cesse le sujet à s'adapter c'est-à-dire à tenir compte des conditions changeantes de son milieu et de la complexité croissante des relations qu'il établit avec lui. L'état d'équilibre indique autant les équilibres partiels que les paliers d'équilibres atteints selon les étapes du développement.

L'équilibre, en tant qu'activité, comporte en outre, deux invariants fonctionnels décrits par J. Piaget : l'assimilation et l'accommodation.

L'assimilation consiste à absorber tel quel un élément du milieu à une structure de l'activité ou bien une situation à une organisation complexe. Elle existe quel que soit le niveau de développement atteint. Le pendant de l'assimilation est l'accommodation qui se produit lorsque l'assimilation échoue ou bien, devient impossible. Dans ce cas, la résistance à l'assimilation amène à utiliser d'autres structures disponibles ou nécessite la création de structures adéquates aux modifications du milieu pour pouvoir ensuite assimiler.

Piaget, puisant sa réflexion dans le domaine biologique considère d’une part que « ‘l'assimilation et l'accommodation sont (...) les deux pôles d'une interaction entre l'organisme et le milieu, laquelle est la condition de tout fonctionnement biologique et intellectuel’ »38 et que, d’autre part, le sens de l'assimilation va du milieu vers le sujet tandis que le sens de l'accommodation va de l'organisation interne du sujet vers le milieu, et que l'adaptation est le signe d'un juste équilibre entre l'assimilation et l'accommodation. 

L'adaptation est définie par « ‘la conservation et la survie, c'est-à-dire l'équilibre entre l'organisme et le milieu’ » 39. L'adaptation intellectuelle est « ‘une mise en équilibre progressive entre un mécanisme assimilateur et une accommodation complémentaire » et « l'adaptation n'est achevée que lorsqu'elle aboutit à un système stable, c'est-à-dire lorsqu'il y a équilibre entre l'assimilation et l'accommodation’ ». 40. L'adaptation constitue l'aspect externe et est inséparable de l'aspect interne qu'est l'organisation. « ‘C'est en s'adaptant aux choses que la pensée s'organise elle-même et c'est en s'organisant elle-même qu'elle structure les choses’ ». 41.

L'assimilation correspond à un état d'équilibre tandis que l'accommodation correspond à un état de déséquilibre. Notre activité cognitive ayant tendance à résister au changement, ceci se traduit par un état d'équilibre qui domine le déséquilibre et un fonctionnement privilégiant l’assimilation. « ‘Au terme de cette présentation, il apparaît que l'assimilation est plutôt conservatrice et l'accommodation nettement progressiste. Il est utile d'insister sur les tendances antagonistes de ces deux processus afin de ne pas confondre accommoder et puiser de manière adéquate dans un répertoire de schèmes déjà montés. Ce n'est pas actualiser un schème construit pour venir à la rescousse d'un premier venu jugé inapte en fonction des résultats de l'action. Autrement dit, ce n'est pas puiser dans le répertoire des schèmes d'assimilation consolidés et stabilisés ’».42

Attachons-nous à développer ces invariants fonctionnels pour mieux les appréhender.

Notes
38.

J. Piaget, La construction du réel chez l'enfant, 1937, p. 309

39.

J. Piaget, 1936, p. 11

40.

J. Piaget, idem, p. 13

41.

J. Piaget, ibid., p. 13 et 14

42.

Annie Chalon - Blanc, Introduction à J. Piaget, p. 85