2 . Accommodation

Les formes de connaissance du sujet imposées à un contenu sont « ‘ajustées à ce contenu, surtout s'il est nouveau, en modifiant quelque peu le schème assimilateur par le moyen d'accommodations, c'est-à-dire des différenciations en fonction de l'objet à assimiler ’».47

Le concept d'accommodation rend compte de l'action du milieu, dans l'interaction du sujet et de l'objet de connaissance, conçue par la psychologie génétique sur le modèle biologique des relations entre l'organisme et le milieu. Ce processus peut prendre la forme de simples améliorations fonctionnelles (ajustement plus précis d'un schème à son objet) ou de différenciations produisant de nouveaux schèmes (ou de nouveaux sous-systèmes) ou encore de sélections de connaissances appropriées au contexte.

Sur le plan psychologique, on peut donner plusieurs exemples d'accommodation ayant lieu au cours d’expériences sensori-motrices. D'une manière générale, il s'agit de modifications de mouvements en fonctions des propriétés de l'objet. Il y a également accommodation quand le nourrisson cherche à retrouver les mouvements qui ont conduit à un résultat intéressant (réaction circulaire secondaire) ou lorsqu'en présence d'un objet nouveau, l'enfant explore en lui appliquant plusieurs schèmes connus (réaction tertiaire).

L'accommodation peut produire des différenciations au stade sensori-moteur mais aussi sur le plan de la connaissance représentative, au sein des inférences et concepts. Par exemple, l'enfant estime au départ le poids d'un objet selon sa voluminosité : « ‘plus c'est grand, plus c'est lourd’ » ; mais peu à peu, l'enfant tiendra compte des poids spécifiques différents selon la matière.

Le pôle accommodateur exprime la contrainte du réel et permet au sujet de se plier aux exigences du milieu. Dans la mesure où il se dissocie du pôle assimilateur, il joue un rôle de délimitation du milieu et de conquête de l'objectivité. De ce fait, l'accommodation tient une place évidente dans l'expérimentation et le développement des explications causales. En réalité, ce pôle accommodateur est présent dans toute activité intelligente, puisque celle-ci se définit précisément par un équilibre entre l'assimilation et l'accommodation. « ‘L'expérience n'est (...) jamais réception simplement passive : elle est accommodation active, corrélative à l'assimilation’ ».48

L'accommodation est source de changement, tandis que l'assimilation assure la conservation du système (exceptée sous sa forme réciproque créatrice de nouvelles coordinations). Même si Piaget attribue une importance secondaire à l'accommodation, il faut néanmoins relever que le progrès cognitif est vu (au moins dans les stades initiaux) comme une différenciation progressive de l'accommodation par rapport à son pôle opposé, l'assimilation. Rappelons en effet que le concept d'accommodation ne se conçoit pas sans celui d'assimilation, qui constitue le fait premier. Piaget insiste pour dire que « ‘le progrès de l'accommodation est corrélatif de celui d'assimilation : c'est dans la mesure où la coordination des schèmes pousse le sujet à s'intéresser à la diversité du réel que l'accommodation différencie les schèmes, et non pas en vertu d'une tendance immédiate à l'accommodation’ ».49

En outre, l'idée d'accommodation est liée à celle d'équilibration, puisqu'elle est définie, dans le dernier modèle fourni par Piaget, comme une mise en équilibre des mécanismes assimilateurs et accommodateurs.

C'est la perspective interactionniste de la psychologie génétique qui s'exprime dans le mécanisme d'accommodation, puisque celui-ci fait sa part à la réalité, dans une dynamique dialectique avec le mécanisme complémentaire d'assimilation. Le traitement de l'accommodation par Piaget découle directement de son point de vue constructiviste : le rôle de l'expérience n'est qu'un des deux pôles en jeu dans l'évolution des connaissances.

Notes
47.

Psychogenèse et histoire des sciences, 1983, p. 298

48.

J. Piaget, La naissance de l'intelligence chez l'enfant, 1936, p. 364

49.

J. Piaget, La naissance de l'intelligence chez l'enfant, 1936, p. 362