b . LA CENTRATION DOMINANTE SUR LES RESSEMBLANCES OU LES DIFFÉRENCES

Comme nous l’avons évoqué au début de cette étude, c’est à travers les relations de ressemblances et de différences que le sujet identifie les objets. Nous nous sommes donc attardés sur l’analyse des proportions de réponses centrées sur les ressemblances ou sur les différences fournies par le sujet. Il est important de noter que c’est le questionnement sur la situation qui contraint le sujet à dépasser ses conduites naturelles de traitement (centration spontanée sur la différence). Le sujet se trouve face à une double contrainte liée à la situation et au questionnement.

Lorsque nous effectuons une telle analyse, nous sommes à la recherche d’indications permettant de travailler par la suite avec des sujets.

La confrontation à un nombre de différences important permet-elle à l'enfant d'entrer dans une approche opérative de la situation sous forme d'analyse / synthèse des propriétés en jeu ? N'est-ce pas ce jeu de différences et de ressemblances qui favorise l'émergence des propriétés de l'objet et permet à l'enfant de sortir de l'amalgame pour amorcer une combinaison de critères ? La multiplicité des différences ne limite-t-elle pas la prise en compte des ressemblances  ? Existe-t-il une proportion «idéale» de ressemblances et de différences qui permet de faire progresser l'enfant ?

Le sujet que nous observons, fonctionne de deux façons différentes :

  • soit il considère les états de façon successive sous forme d'un inventaire figuratif.

  • soit il les considère simultanément et parvient alors souvent à abstraire le critère commun dans la multiplicité des différences. Il cherche la ressemblance dans le critère commun au-delà de la perception des différences. Il effectue une recomposition sous un mode plus opératif en prenant en compte la transformation.

Nous enregistrons des cas où, quelle que soit la situation, le sujet souhaite trouver des différences et des ressemblances comme pour s’adapter à une éventuelle attente de notre part (effet Pygmalion). Ce type de réponse est plus fréquent chez les sujets les plus jeunes, procédant par identifications peu élaborées et donc assez facilement déstabilisés.

Nos expériences antérieures nous permettent de dégager certaines tendances. Notons ici les principales conclusions concernant la centration sur les différences ou les ressemblances.

  • Si les différences sont majoritaires et nombreuses, l'identification des ressemblances semble limitée. Le sujet fonctionne alors principalement de façon perceptive. Les jeunes enfants (5 - 6 ans) n'ayant pas structuré leur pensée sur le même mode ne parviennent pas à percevoir les ressemblances entre objets trop différents. Seuls les enfants âgés (9 - 10 ans) entrent dans une centration sur des ressemblances par delà les différences.

  • La variation d'une trop grande multiplicité de critères qualitatifs limite, voire interdit, la prise en compte des ressemblances.

  • Il semblerait que ce ne soit pas seulement le nombre ou la nature des critères, mais la combinaison des deux qui favorise l'analyse et la synthèse.

  • La différence quantitative n'est pas traitée par les jeunes enfants ou bien seulement dans certains cas où ils peuvent l'appréhender comme une qualité.

  • Il semblerait que l'aspect quantitatif ne soit pris en compte que lorsqu'il existe déjà des différences qualitatives. On peut penser que l'adjonction d'un critère qualitatif renforce le mécanisme spontané de prise en compte des différences puisque les différences sont alors plus massives.

  • Sans permanence de contenant, et parfois même de nature de contenu, il n'y a pas de comparaison d'objet possible. L'invariance de quantité ne peut alors exister.

  • Face à deux béchers identiques contenant une même quantité d'eau, on plonge un corps étranger métallique dans l'un des deux béchers. Nos sujets ne prennent pratiquement pas en compte la transformation. Ils considèrent l'état final comme étant l'adjonction de deux états, en l'occurrence l'état initial auquel on a ajouté un objet. Il semble que la centration sur la différence soit dominante. Par contre, il semble que le fait de prendre en compte la transformation et de considérer l'état final comme l'équivalent de l'état initial transformé, augmente la centration sur la ressemblance.

Des expériences ultérieures pourraient permettre de savoir si la prise en compte de la transformation joue un rôle dans la centration par rapport aux ressemblances et aux différences.