5 . Le stade 6 (18 - 24 mois) : causalité représentative

Il correspond à l'avènement de la représentation. L'enfant perçoit les causes mais parvient en plus à les évoquer à partir de leurs effets : il parvient à établir une constitution mentale de la cause à partir d'un effet perçu. D’autre part, il acquiert aussi une capacité mentale de prévoir l'effet non perceptible, à partir de la cause observée. Nous assistons à la mise en place de deux processus parallèles :

• l'objectivation complète de la causalité avec dissociation totale des faisceaux qualitatifs réalisés par le sujet de l'action propre du sujet.

• la représentation où l'enfant se montre capable de déduction causale et non plus seulement de perception ou d’utilisation sensori-motrice de cause à effet.

Le développement et la mise en place de la causalité s'expriment par un passage du rapprochement phénoméniste (caractéristique des stades primitifs) à une représentation du lien causal. Cette transition s'effectue grâce à une objectivation progressive de la causalité liée à une décentration par rapport à l'activité propre du sujet et à une coordination plus poussée des relations sujet/objet et des relations entre objets.

‘« Tout le développement de la causalité sensori-motrice dans le sens de l'objectivation et de la spatialisation montre qu'elle est solidaire des constructions de l'objet, de l'espace et du temps, autrement dit de l'intelligence entière. D'autre part dès les premières conduites causales de pousser ou tirer, ... ces actions constituent déjà des produits de composition à partir de la préhension et des relations spatiales. C'est assez dire qu'en toute causalité sensori-motrice on trouve à l'oeuvre le système des schèmes de l'intelligence et leurs coordinations générales, les premières formes de ce qui constituera plus tard les opérations. »¹¹³ ’

Durant les deux premières années, la causalité est essentiellement pratique. L'enfant ne cherche guère à comprendre ce qu'il fait. C'est en organisant le monde que le sujet se découvre lui-même et qu'il règle ses actions en conséquence. La causalité suppose une interaction entre le « moi » et les « choses ». La causalité ne peut être éprouvée par l'enfant que comme un sentiment ou une impression que quelque chose se produit en conséquence de son activité. A la fin de la période sensori-motrice, l'enfant parvenant à se représenter les objets absents, peut reconstituer les causes en présence de leurs effets.

‘« Toute action sensori-motrice est causale en son mécanisme psychophysiologique et en ses résultats sur les objets puisqu'elle revient à les utiliser matériellement en les déplaçant, les reliant, etc. ... Cependant, aucune de ces actions ne demeure exclusivement causales puisqu'en se répétant, se généralisant, se reliant à d'autres, elle participe de l'élaboration continue d'un schématisme dominé par les exigences d'une coordination générale, ce second aspect des actions étant à l'origine des futures opérations de l'intelligence. »¹¹⁴ ’

L'évolution de la causalité au stade sensori-moteur semble nous éclairer pour la recherche que nous menons sur l'identification de l'objet. Elle nous permet de voir comment d'un stade de confusion objet/sujet, l'enfant parvient à structurer ces deux éléments indépendamment l'un de l'autre pour effectuer une mise en lien au regard de l'explication des phénomènes.