Le sujet agit sur un objet qui n'impose aucune contrainte. Il peut alors se livrer à des classifications, des sériations, des dénombrements... Cette causalité est propre à l'action du sujet ainsi qu'à ses interactions avec les objets.
La recherche de connexions causales peut s'effectuer dans deux cas de figure, au travers d'identifications qui portent :
soit sur des changements qualificatifs ou des déplacements inhérents aux objets
soit sur les résultats des propriétés de l'action du sujet et consistent alors à abstraire des objets les propriétés que le sujet leur confère par son action.
Les données objectives extérieures ainsi constatées font l'objet d'un contrôle expérimental qui permet d'élaborer un modèle causal, donc d'interpréter. Il paraît néanmoins important de faire une distinction entre :
les opérations appliquées aux objets, comme l'enfant qui, en dénombrant, impose par son activité cognitive, des connexions causales.
et
les opérations attribuées aux objets comme celles qui décrivent le processus causal de la transmission d'un mouvement et utilisent le contrôle expérimental pour affiner la prise de conscience du lien causal.
Nous comprenons que dans la constitution de l'objet, l'enfant puisse confondre les propriétés de l'objet avec les propriétés de son action. Ainsi nous pouvons établir une correspondance entre le travail d'identification et la mise en place progressive des opérations d'attribution et d'application. Cette dernière pourrait s'établir lorsque l'enfant parvient à différencier ce qui appartient à son action de ce qui appartient à l'objet.
Nous pouvons donc penser que l'objectivation et la spatialisation de la causalité sont des passages nécessaires dans l'identification de l'objet, au sens où, elles permettent à l'enfant de dissocier les faisceaux qualitatifs de l'objet, identifiables par l'attribution de l'action propre du sujet, identifiable par l'opération d'application. Toutefois, la lecture d'une expérience exige l'emploi d'instruments d'assimilation rendant cette lecture possible. Elle suppose l'utilisation de structures opératoires. A tous les niveaux, l'élaboration de la causalité procède en interaction avec celle des opérations, chacun de ces niveaux favorisant l'autre.
J. Piaget a montré que nous retrouvons dans les structures causales des formes nécessaires de compositions opératoires telles que la réversibilité, la symétrie, la transitivité.124 Toutefois, il précise qu'au départ, entre deux et six ans, les notions causales et l'organisation pré-logique sont indifférenciées. La plupart des actions causales étant irréversibles, il est nécessaire, pour qu'une action s'intériorise en opération, qu'elle se différencie suffisamment des actions causales ou de l'aspect causal de l'action en général. J. Piaget distingue alors trois stades.
Le caractère pré-opératoire de la pensée du stade I, vient d'une différenciation insuffisante d'avec les liens de causalité.
Au stade II, la différenciation s'effectue mais elle demeure limitée. Les opérations commencent à s'organiser pour elles-mêmes, mais la pensée opératoire procède de proche en proche, par contiguïté. La causalité issue de ces attributions ne connaîtra également que des séquences pour ainsi dire unilinéaires.
Au stade III, la différenciation de la causalité et des opérations est suffisante pour permettre le libre progrès de chacun. Les opérations fournissent une forme déductible de la causalité et l'expérience physique nécessaire à celle-ci active le travail de construction des opérations.
La causalité et les opérations ont une origine commune dans les actions. La première est liée essentiellement aux actions et les secondes à leurs coordinations. Elles se renforcent en se différenciant les unes et les autres mais lorsqu'elles sont indifférenciées, elles entravent l'analyse que le sujet peut avoir de l'action, du double point de vue opératoire et causal. Ainsi, l'indifférenciation du temps et de la vitesse peut conduire à des jugements (et non à des constructions causales) : l'enfant considère que « plus vite arrivé » équivaut à « moins de temps ». L'enfant est ainsi dans l'amalgame des composantes de l'objet.
Le passage de structures cognitives indifférenciées à des structures différenciées et coordonnées s'effectue au travers d'équilibrations progressives de déséquilibres périodiques et de rééquilibrations constantes.
Ce sont les résistances des objets eux-mêmes, au travers d'expériences physiques, qui permettent de structurer la réversibilité opératoire et les compensations propres aux actions causales. Les contradictions entre les faits observés et le modèle opératoire du sujet, obligent celui-ci à remanier sa pensée. Lorsque les contradictions sont senties, le fait de parvenir à les lever, conduit le sujet à effectuer des distinctions et à différencier les notions en jeu. J. Piaget rappelle que le dépassement des contradictions est un processus formateur des différenciations comme des coordinations.
Les problèmes matériels favorisent l'exercice des compensations qui, attribuées aux objets, ont d'autant plus de sens, dans la mesure où la prise de conscience s'effectue par constatation de la résistance des choses.
La causalité se structure par différenciation des opérations logiques. Elle comporte à la fois les rapports nécessaires et ne consiste pas en un simple emboîtement de lois, mais en une attribution des opérations aux objets eux-mêmes, et pas seulement des opérations appliquées. Elle se différencie de la légalité qui relève de la constatation et porte sur les relations observables.
‘« Le propre de la causalité est ainsi toujours de comporter un système de transformations sans pouvoir se réduire à une relation simple de cause à effet ».125 ’Les explications causales, 1971, p. 112
J. Piaget, Les explications causales, 1971, p. 133