b : De la permanence de l'objet, premier principe de conservation à l'invariance des quantités physiques et spatiales

‘« Même une fois acquis ce qui constitue sans doute le premier des principes de conservation, c'est-à-dire la croyance en la permanence de l'objet solide, de sa forme et de ses dimensions, d'autres problèmes se posent tôt ou tard à l'esprit quant à la conservation de la substance elle-même. En effet, l'objet de la perception change seulement d'apparence, et le travail de la pensée, dans l'élaboration de cet invariant, ne consiste qu'à corriger, en les coordonnant, les perceptions successives, ou à reconstituer la représentation des objets absents. Par contre, lorsqu'un objet donné, dans un même champ de perception est soumis à des transformations réelles, telles que des sectionnements ou des changements de disposition des parties, le problème qui se pose alors, est de savoir si ces transformations affectent l'ensemble des caractères de l'objet, y compris son volume idéal, son poids ou sa quantité de matière, ou si elles ne concernent que l'aspect géométrique (forme et dimensions) en respectant les constantes physiques ».135 .’

Une longue expérience est nécessaire pour passer de l'invariance qui caractérise la permanence de l'objet à celle qui porte sur les quantités physiques et spatiales constitutives de l'objet lui-même, telles que le nombre d'éléments (vers 6 - 7 ans), la substance solide ou liquide (vers 7 - 8 ans)... La raison en est que, pour conserver ces notions, l'enfant doit construire des systèmes d'opérations dont les bases sont la réversibilité (retour à l'état antérieur) et la composition des différences perçues (compensation des dimensions perçues de l'objet).

L'élaboration des structures d'opérations concrètes, ou groupements, correspond précisément à cette construction qui exige elle-même en retour l'élaboration d'invariants. Les mêmes raisonnements qui conduisent à la conservation du tout, peuvent ainsi être utilisé dans le cas d'un système donné de notions, (comme la quantité de matière) et rester sans significations, chez les mêmes sujets, pour un autre système de notions (comme le poids).

‘« On pourrait penser qu'avant sept ans, l'enfant juge en fonction des données perceptives et que plus tard il se détache des apparences immédiates et procède à un raisonnement réfléchi. Les choses, en vérité, ne sont pas aussi simples. Entre sept et neuf ans, par exemple, l'enfant juge des poids comme à six ans, et il est cependant convaincu de la conservation des quantités de matière, qu'il justifie avec les mêmes arguments, les mêmes formulations qui, après neuf ans, serviront à justifier aussi le poids. Les conservations numériques (nombre d'éléments dans des rangées de jetons plus ou moins espacés) sont les plus précoces (dès six ans et demi), sans doute à cause de la remarquable simplicité des correspondances terme à terme applicables aux quantités discontinues. Certaines conservations spatiales (longueur, surface) sont intermédiaires (entre sept et huit ans). »136

Ces décalages incitent donc à penser que de telles notions ne sont pas le produit d'une soudaine « conversion à la raison », qui imposerait universellement ses règles, mais une construction interne à chaque domaine de la représentation, où les attributs et relations sont signifiés de façons diverses.

La construction des invariants au sein d'un système de transformation est évalué au moyen des épreuves de conservation.

Notes
135.

Le développement des quantités physiques chez l'enfant, J. Piaget, 1978, p. 6

136.

Encyclopédia Universalis, P. Gréco, vol. 8, p. 343