IV . QUATRIÈME PARTIE :RECUEIL DES DONNÉES ET ANALYSE

A . SUIVANT LA CAUSALITÉ

I . APPROCHE D'UNE GENÈSE DES EXPLICATIONS CAUSALES À TRAVERS DES IDENTIFICATIONS D'ENFANTS

L'étude des liens que l'enfant effectue dans son discours nous paraît importante pour examiner comment l'enfant organise sa pensée et parvient à justifier son point de vue. La causalité et l'identité étant liées, nous souhaitons appréhender la construction de la causalité à travers les diverses identifications que l'enfant effectue.

C'est le caractère similaire d'un état à un autre qui amènera l'enfant à se demander « pourquoi ». Il semble donc important de s'attarder sur la genèse de la question « pourquoi » et de la réponse la plus fréquemment liée « parce que ». A travers la genèse de l'expression « parce que », c'est le lien causal que l'on étudie et au regard de tout ce qui précède, il semble fondamental de s'intéresser aux conditions de son apparition. Si nous faisons le choix d'examiner la relation du lien causal avec l'identité par l'intermédiaire de la conjonction de connexion causale « parce que » c'est parce que, comme nous l’avons souligné précédemment, cette conjonction présente le double avantage d'être fréquemment employée et ceci, spontanément, dès l'âge de 3 - 4 ans.

A l'issue d'un inventaire des diverses utilisations de cette conjonction, nous les hiérarchiserons pour tenter de faire émerger la construction causale au travers des différentes identifications des enfants. Les diverses utilisations de « parce que » une fois isolées donneront lieu à des regroupements qui s'élaboreront à partir de distinctions qu'effectuent Jean Piaget entre les explications psychologiques et les explications causales.

Dans les explications psychologiques, l'enfant fait appel à des motifs individuels ou collectifs. Il n'éprouve ni le besoin de prouver ce qu'il avance, ni d'analyser le pourquoi des propositions qu'on lui soumet, du fait de son égocentrisme.

Au stade supérieur qu'est l'explication causale, l'emploi de la conjonction « parce que » qualifiée par Jean Piaget de « parce que causal » marque une liaison de cause à effet entre deux phénomènes ou deux événements. Le sujet parvient à dire « ‘qu'il y avait les mêmes niveaux d'eau mais que là, il n'y a plus les mêmes parce que la bouteille est inclinée’ ». Il relie l'état initial à l'état final. Il dépasse la seule considération de deux états simultanément perçus pour accéder au lien causal qui vise à considérer la relation de cause à effet entre deux phénomènes en faisant intervenir la transformation.

Jean Piaget définit une autre utilisation du terme « parce que » qu'il caractérise de « parce que logique ». La justification de l'enfant ne marque plus « une liaison de cause à effet » mais « une implication de raison à conséquence » : (« c'est parce que j'ai fait ça que... ») L'apparition de ce type de démonstration logique est plus tardive que l'explication causale.

Entre les explications psychologiques et les explications causales, nous sommes amenés à distinguer des explications intermédiaires. Ces explications ne sont plus fondées sur la considération et la description d'un état, mais sur la mise en lien de deux états. Nous les caractérisons de justifications immédiates des états. Ces mises en lien ne sont encore qu'intuitives. Elles témoignent toutefois d'un progrès de l'enfant dans sa capacité à dépasser les justifications égocentriques ou les considérations d'états, pour accéder à une liaison entre deux états préparant ainsi la liaison sous une forme causale.