b . L'argument d'identité

Un problème se pose alors :

- Comment se fait-il que l'argument d’identité soit le premier argument à se détacher des autres ?

En effet, si cet argument nécessite une mise en relation, il devrait apparaître après la compensation. Nous sommes donc amenées à poser plusieurs hypothèses pour tenter d'expliquer l'apparition de l'argument d'identité dans nos protocoles, de façon nettement supérieure aux autres arguments :

Analysons ces hypothèses de plus près.

Affirmer que « ‘on n'en a pas ajouté, ni enlevé’ » peut être envisagé à différents niveaux. Soit le sujet est conscient qu'aucune transformation (ajout ou retrait) n'a affecté la quantité et il emploie l'argument d'identité pour témoigner de cette absence de transformation. Dans ce cas, le sujet effectue une abstraction réfléchissante.

Mais le sujet peut aussi se situer juste dans le prolongement de l'action ayant permis d'obtenir l'objet qu'il considère. Ainsi, pour fabriquer la boule de pâte, il a fallu « mettre » de la pâte à modeler; pour remplir le bécher, il a fallu verser de l'eau... Le sujet se situerait dans une prise de conscience de l'effet de ses actions et l'objet obtenu serait encore dépendant de cette action, pas tout à fait dissocié de celle-ci, donc du sujet.

Certaines formulations peuvent aller dans ce sens.

ex : Marianne (conservation des liquides)

« ‘T'as ni versé, t'en a pas mis de côté de l'eau, t'en a pas mis par exemple dans les verres, t'en a pas mis.’ »

Cette formulation est l'expression de la transformation ayant conduit à la formation de l'état considéré. Marianne énonce une action particulière pouvant être attribuée à quiconque et donc témoigner d'une forme de généralisation à travers l'emploi du pronom indéfini « on n'en a pas enlevé, on n'en a pas ajouté ».

ex : (conservation des longueurs)

« ‘On n'a ni effacé un chemin, et on n'en a ni mis un autre’. »

ex : Laurie (conservation de la substance)

« ‘On n'en a ni enlevé, ni mis’. »

ex : Laurie (correspondance terme à terme)

« ‘T'en as pas ajouté de rouges ni de verts et t'en as pas enlevé de rouges ni de verts, alors, ça fait autant.’ »

ex : Loïc (correspondance terme à terme)

« ‘T'en as pas remis un autre, t'en as pas enlevé un autre’. »

A travers leurs formulations spontanées, nos sujets nous expliquent que c'est toujours le même objet qui est pris en compte, cet objet étant considéré de façon globale et non analytique.

Ainsi, nos sujets encore très proches de l'action pourraient utiliser l'argument d'identité sous une forme moins évoluée que celle qui consiste à identifier l'absence de transformations ayant pu affecter la quantité. Au cours des diverses suggestions, ils s'approprieraient la formulation de l'argument d'identité et se contenteraient de la répéter par la suite. Ceci serait une explication au décalage observé entre la théorie, nos diverses réflexions et les observations concernant l'apparition des trois arguments.

Attachons-nous maintenant à l'argument de compensation qui devrait être l'argument qui apparaît en premier et donc le plus accessible par nos sujets du groupe I.