Introduction générale

Le Maroc, dont les politiques économiques à venir seront marquées par les profondes mutations générées, d’une part, par la mondialisation progressive des échanges et, d’autre part, par la mise en place de la zone de libre échange avec l’union européenne à l’horizon 2010, doit miser, entre autres, sur ses ressources humaines pour assurer la reconversion et la modernisation de son potentiel économique.

Chacun de ces deux événements constitue à la fois un défi qu’il est nécessaire de relever et, une réelle opportunité qu’il s’agit de saisir afin d’optimiser la contribution des organisations privées et publiques au développement économique du pays.

Les entreprises privées marocaines, conscientes, plus que jamais, de l'enjeu de la formation en tant qu'investissement rentable permettant d'accompagner et d'anticiper le changement, ont vite adhéré au programme de mise à niveau de l'économie1 mis au point par le gouvernement marocain.

les opérateurs économiques marocains ont accueilli l'annonce de ce programme avec un grand soulagement dans la mesure où, parmi les dispositifs qu'il préconise, la formation s'érige comme un moyen incontournable, qui permet d'améliorer les compétences humaines, et, partant, la compétitivité des entreprises.

Cependant, s'il faut se féliciter de la satisfaction exprimée par les opérateurs économiques à l'égard du programme de mise à niveau envisagé, il n’en demeure pas moins que ces opérateurs restent sceptiques quant à son application.

‘Ils pensent que, par son inertie et sa lenteur, l'administration publique marocaine constitue un handicap à l'efficacité de ces réformes. ’

A cet égard, le président de la C.G.E.M2 précise «‘qu’il n’y a pas de mise à niveau des entreprises sans celle de leur environnement, en particulier des administrations publiques’»3. Il se dégage un constat unanime selon lequel l'administration fonctionnerait mal et nécessiterait un remodelage à l'image de ce que les usagers attendent d'elle4.

Certes, l'administration publique marocaine a mis en oeuvre, depuis quelques années, tout un programme de modernisation visant à améliorer aussi bien ses modes de gestion que ses structures, dans la perspective d'une efficacité meilleure. n éanmoins, elle reste confrontée à certains écueils, qui ont pour dénominateur commun l’inefficience humaine . Or, le capital humain reste à nos yeux un facteur de productivité indispensable pour les organisations soucieuses d’améliorer leur performance.

Le Maroc a besoin aujourd’hui d’une administration qui dialogue, qui explique et qui est réellement au service de l’usager : en somme, passer d’une administration de service public à une administration de service au public.

L'administration publique marocaine ne peut relever les défis auxquels elle est confrontée qu'en s'appuyant sur des femmes et des hommes motivés, bien formés et compétents.

En effet, comme le souligne G. Le Boterf5, pour contrecarrer les effets de l’incertitude qui plane sur les organisations, les dirigeants doivent miser de plus en plus sur les compétences des personnels, leur capacité d’adaptation et d’initiative, leur capacité d’apprendre, plutôt que sur une prévision fine des évolutions du contenu des emplois. le professionnalisme des personnels est davantage lié à la capacité de faire face à l’incertitude, qu’à la définition totalisatrice d’un poste de travail.

Les questions qui se posent alors sont : Où trouver ces compétences ? Faut-il les chercher sur le marché du travail, ou favoriser, par un processus de formation adapté, les ressources humaines en place ?

L'administration qui se veut innovante ne doit pas s'appuyer uniquement sur l'injection en son sein de qualifications pointues, dénichées grâce au recours à des recrutements externes.

Elle doit également valoriser les connaissances et les qualifications existantes sur la base desquelles elle devra construire de nouvelles compétences. Une politique de changement de l'administration marocaine ne peut être efficace que si elle prévoit un processus de changement de son personnel.

C'est avec les femmes et les hommes qui composent l'administration que le changement se fera. La modernisation de l'administration se fera avec tous les fonctionnaires, quelle que soit leur position dans la hiérarchie des fonctions.

Accepter cette affirmation, c'est reconnaître le rôle stratégique de la fonction de gestion des ressources humaines, et, particulièrement celui de la formation.

Une politique de gestion des ressources humaines dynamique et préventive doit permettre à l'administration de disposer des compétences nécessaires au bon moment. Nous avons l'intime conviction que le développement du potentiel humain des administrations publiques marocaines ne peut s'effectuer qu'avec la mise en oeuvre d'une politique de formation qui permet de faire face aux défis, actuels et futurs, dictés par l'environnement.

Si les responsables des administrations publiques au Maroc sont unanimes à reconnaître les vertus assignées à la formation, il n'en demeure pas moins que celles-ci sont bien souvent remises en cause par la dure épreuve des réalités quotidiennes.

En effet, les pratiques du management dans les administrations publiques au Maroc alimentent plusieurs zones d'ombre sur la place de la formation. La relation entre la formation et l'évolution des carrières reste confuse.

Le mieux formé n'est pas toujours le plus performant, ni nécessairement le mieux placé pour les promotions. Il n'existe aucun déterminisme mécanique qui ferait que se suivent formation6, compétence7, performance8, et responsabilité hiérarchique.

Notes
1.

L'Economiste n°304, 1997, "Les à-côtés de la mise à niveau officielle", p.16.

2.

Confédération générale des entreprises marocaines regroupant les patrons des entreprises privées marocaines.

3.

L'économiste n° 304, 1997, op cit. p.16.

4.

A. sedjari, professeur à la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat, "Etat et développement administratif au Maroc. Tradition ou modernité", Editions guessous, rabat, 1993, 185 pages, p.15.

5.

G. le boterf, "De la compétence, essai sur un attracteur étrange", les éditions d'organisation, paris, 1994, 158 pages, p.11.

6.

Cf. Infra, p.35-39.

7.

Cf. Infra, pp.22-28.

8.

Cf. Infra, pp.28-34.