1.2.3.1. définition et objectifs de la formation

Belanger, Benabou, Bergeron, Foucher et Petit 98 considèrent que la formation " ‘est un ensemble d’activités d’apprentissage planifié visant l’acquisition de connaissances, d’habiletés, et d’attitudes, propres à faciliter l’adaptation des individus et des groupes à leur environnement socioprofessionnel et, en même temps, à la réalisation des objectifs d’efficacité de l’organisation’ ". Cette définition met l’accent sur la formation en tant que :

  • processus intégré aux stratégies possibles de l’organisation, englobant des formes diverses d’apprentissage (formation formelle, rotation des postes...), et dépassant la simple notion d’acquisition d’un métier ;

  • moyen permettant d'améliorer l'adéquation des formations aux emplois ;

  • mesure aidant à la réalisation des performances visées par les organisations.

M. Sonntag99 note que, dans son acception la plus courante, la formation désigne "‘un temps libéré, spécifiquement consacré à l'acquisition de compétences. Elle est souvent emblématisée par les stages’". La formation ainsi perçue occulte les apprentissages générés par les situations de travail qui ne sont pas simplement répétitives. Pourtant, on rencontre au sein des organisations de nombreuses personnes qui sont compétentes et bien formées sans avoir bénéficié de stages de formation, et dont les qualifications ne sont pas reconnues par un diplôme officiel.

a. Meignant100 estime que les organisations n'ont pas de problème de formation. Elles ont des problèmes que, peut-être, la formation peut contribuer à résoudre. Parmi ces problèmes, celui-ci : "‘disposer à temps, en effectifs suffisants, et en permanence, des personnes compétentes et motivées, pour effectuer le travail nécessaire en les mettant en situation de valoriser leurs talents avec un niveau de performance et de qualité, à un coût salarial compatible avec les objectifs économiques, et dans un climat social le plus favorable possible’." L'auteur commente lui-même cette définition, en reconnaissant qu'il s'agit de la définition même de la finalité de la gestion des ressources humaines.

H.M. de Boislandelle101, précise que la formation professionnelle est une variable de gestion des ressources humaines de première importance pour les entreprises. Grâce à elle, le personnel peut s'adapter et se préparer aux changements de natures diverses auxquels il est confronté. Il distingue trois attitudes chez les organisations à l'égard de la formation :

  • une stratégie de contrainte ou de refus (on subit le coût et on ne fait rien) ;

  • une stratégie opportuniste (on utilise l'obligation de former au mieux) ;

  • une stratégie d'adhésion (on considère la formation comme un investissement productif).

H. Savall102 parle "d'éducation permanente" et note que celle-ci n'est pas seulement l'affectation de moyens financiers et de pédagogie plus ou moins classiques à l'élévation du niveau professionnel, voire culturel, du travailleur. Dans une conception actuelle, plus informelle, l'éducation permanente englobe "‘l'apprentissage et la mise en oeuvre de procédures d'apprentissage professionnel, culturel, social, visant à enrichir les aptitudes individuelles au sein d'un réseau de relations interpersonnelles plus riches et plus efficaces’".

Pour M. Boyé et G. Ropert 103 , la formation vise à partir ‘"de l'analyse collective et individuelle de l'existant et des besoins en formation, à concevoir, planifier, réaliser et évaluer des activités d'apprentissage en vue d'optimiser les ressources humaines par l'acquisition et la mise en oeuvre des compétences requises pour la réalisation d'objectifs partagés par l'entreprise et ses salariés’ ". Les auteurs rejettent donc aussi bien l'idée d'offrir des catalogues de formation dont les contenus dépendent essentiellement des compétences et des goûts des formateurs que celle s'appuyant sur le traitement "en séquentiel" des besoins individuels collectés sur demande. Ils préconisent, en outre, de savoir en quoi la formation peut contribuer aux changements d'organisation, à l'utilisation de nouveaux outils, à la mise en pratique de nouveaux modes de management, au démarrage d'une démarche de qualité, à la meilleure compréhension des objectifs de service.

C. L-Leboyer104, en opérant un rapprochement entre le développement des compétences et la formation, souligne que le développement des compétences et la formation traditionnelle ne relèvent pas du même esprit. Même si leur objectif général visant à "rendre les individus aptes à remplir les missions de l'entreprise" semble identique dans les deux cas, l'auteur estime que le développement des compétences est différent pour quatre raisons :

  • le développement des compétences ne peut pas faire l'objet de manuels pédagogiques et n'est pas une activité de formation placée sous l'autorité d'un responsable ;

  • la formation ne précède plus le travail, elle l'accompagne. L'acquisition de nouvelles compétences n'est donc plus une activité antérieure au travail ou qui se déroule à côté du travail. Elle se réalise au cours même du travail et par son intermédiaire ;

  • la gestion des compétences ne passe pas par l'élaboration de plans de formation. Elle s'appuie sur la mobilité en cours de carrière qui apporte des occasions de développement individuel en ménageant des occasions d'apprendre ;

  • l'évolution actuelle des organisations, sans rendre obsolètes les compétences traditionnelles, impose l'acquisition de nouvelles compétences d'où l'importance, à tous les niveaux, de la capacité à apprendre, à le faire en permanence et de manière autonome, y compris en cherchant à mieux se connaître soi-même.

Pour notre part, nous estimons que la formation est l'une des voies fondamentales permettant de développer les compétences. Ainsi, nous définirons au cours de cette thèse la formation comme étant :

Un processus fondé sur une ingénierie visant à adapter les compétences individuelles d'une organisation aux besoins de ses objectifs opérationnels et stratégiques 105 .

De cette définition nous pouvons retenir que la formation est :

  • un processus : parce-que sa mise en oeuvre suppose la réalisation d'un ensemble d'étapes enchaînées (identification des besoins, définition d'objectifs d'évolution des compétences, élaboration des plans de formation, préparation des programmes pédagogiques, rédaction des manuels de formation, réalisation de la formation, évaluation) ;

  • fondé sur une ingénierie : dans la mesure où la formation se professionnalise et fait appel à des techniques précises qui permettent de réaliser les étapes évoquées ci-dessous de manière méthodique ;

  • visant à adapter les compétences individuelles d'une organisation aux besoins de ses objectifs opérationnels et stratégiques : par le fait qu'elle vise à améliorer les compétences des personnels en vue de réaliser :
    • d'une part, les objectifs opérationnels et corriger les dysfonctionnements liés à la gestion courante ;

    • d'autre part, les objectifs stratégiques dictés par la stratégie choisie par les dirigeants et qui peuvent concerner : la mise en oeuvre de changements organisationnels, l'intégration de moyens technologiques nouveaux en vue de s'adapter à l'évolution de l'environnement économique et social, et l'accroissement de l'implication du personnel dans les changements et dans la vie de l'organisation par la mobilité, l'association aux décisions, et la mise en place de modes de gestion participatifs.

A ce titre, il convient de signaler que les premiers objectifs sont visés sur le court terme, alors que les seconds sont considérés sur le long terme. La question qui se pose alors est de savoir si les coûts générés par la formation doivent être considérés comme une charge ou un investissement. Nous essayerons d'apporter une réponse à cette question dans le sixième chapitre de cette thèse106.

Ces objectifs élargis ne semblent pas accrocher, de manière significative, les entreprises et organisations marocaines, dans la mesure où plusieurs responsables pensent que la formation du personnel ne relève pas de leur responsabilité.

Ils arguent que c'est l'etat qui, par son système éducatif, doit offrir aux entreprises et aux organisations les qualifications dont elles ont besoin107.

Cette conception, valable à l'ère du taylorisme, est inadaptée à notre époque où la reconfiguration des postes de travail exige, en permanence, des qualifications en perpétuelle évolution. A cet effet, M.E. Porter108 signale que le degré de qualification de la main d'oeuvre dépend, entre autres, du système éducatif du pays mais aussi du mode d'organisation du travail dans l'entreprise.

a insi, dans ce contexte, l'Etat doit certes fournir aux entreprises et aux organisations des personnes formées aux disciplines de base mais ne peut se substituer aux organisations pour y ajouter ce qu'apporte le temps, le métier, la carrière, l'environnement ...

A ce titre, A. Riboud109 souligne que le système éducatif et le système productif doivent marcher ensemble dans l'intérêt général et que toute césure entre eux entraînerait fatalement des problèmes de compétences des salariés.

Par ailleurs, notons que le marché de la formation professionnelle offre plusieurs méthodes permettant d'améliorer les compétences des personnels. Parmi ces méthodes, nous avons choisi, pour mener les expérimentations réalisées au cours de cette recherche, la méthode de formation intégrée mise au point par l'analyse socio-économique.

Nous verrons dans la troisième partie de cette thèse que cette méthode permet de réaliser aussi bien les objectifs opérationnels que stratégiques choisis par les organisations qui la mettent en oeuvre110.

Toutefois, afin de permettre aux lecteurs d'avoir une idée préliminaire de cette méthode nous en présenterons ci-dessous un bref aperçu.

Notes
98.

Laurent Bélanger, André Petit et Jean-Louis Bergeron, "Gestion des ressources humaines, une approche globale et intégrée", Gaëten Morin Editeur, 1983, 441 pages, p.229.

99.

M. Sonntag, "développer et intégrer la formation en entreprise", Editions Liaisons, 1994, 210 pages, p.2.

100.

A. Meignant, "manager la formation", Editions Liaisons, 1997, 421 pages, p.25.

101.

H.M. de Boislandelle, "dictionnaire de gestion, vocabulaire, concepts et outils", Editions Economica, 1998, 475 pages, p.177.

102.

H. Savall, "enrichir le travail humain, l'évaluation économique", Editions Economica, 1989, 240 pages, pp.127-128.

103.

M. Boyé et G. Ropert, "gérer les compétences dans les services publics", op cit, p.98.

104.

C. L-Leboyer, "la gestion des compétences", op cit, pp.129-133.

105.

Cf. Infra, pp.108-109.

106.

Cf. Infra, pp.231.

107.

M. Chraibi "valoriser l'homme", in actes du colloque organisé par l’AGEF avec la collaboration de la Fondation Konrad Adenauer, en 1995 à Casablanca, sous le thème "formation continue et développement de l’entreprise", 216 pages, p.27.

108.

M.E. Porter, "L'avantage concurrentiel des nations", interEditions, 1993, 873 pages, p.10.

109.

A. Riboud, "L'entreprise éducatrice : contraction et perspective", in après-demain n°338, novembre 1991.

110.

Cf. Infra, p.287 et s.