1.2.5. essai de DEFINITION DU CONCEPT DE CULTURE

Le lecteur s'interrogera certainement sur l'intérêt de préciser le concept de culture, dans la mesure où le management interculturel n'est pas au centre de la problématique de cette thèse. Cependant, au cours des diagnostics socio-économiques menés sur le terrain, les personnes interviewées essayent d'imputer les causes de certains dysfonctionnements repérés à des variables culturelles134 liées soit à la "la culture bureaucratique"135, soit à "la culture de service public"136. Cela, nous a amené à nous interroger sur l'existence ou non au sein de l'administration publique marocaine d'un impact de la culture, d'une part, sur l'adéquation "formation-emploi"137 et, d'autre part, sur la mise en oeuvre de la méthode de formation intégrée138.

Par ailleurs, comme nous le verrons dans les développements qui vont suivre, certains auteurs défendent l'idée selon laquelle les cultures se forment spontanément. Cependant, l'émergence du concept de "culture d'entreprise"139 a incité certains dirigeants à vouloir soutenir la culture spontanée par des mesures spécifiques et des valeurs complémentaires. Dans quelle mesure la formation peut-elle figurer au rang de ces mesures spécifiques ?

Ainsi, ces questions nous ont incité à clarifier ce concept de culture, et à nous interroger sur sa relation au changement.

En effet, la culture constituerait, semble-t-il, pour l'entreprise un atout, voire un avantage compétitif140. cette affirmation ne fait pas l'unanimité chez les auteurs en management. Si certains estiment que la culture est effectivement une variable qui agit sur le niveau de performance de l'organisation, d'autres pensent, au contraire, qu'elle n'a aucun effet, voire qu'elle n'existe pas.

le développement de l'approche culturelle, et de la considération de la culture comme une variable explicative du fonctionnement de l'organisation s'est fait récemment, dans les années 1970, dans un contexte de crise141. En effet, la publication de certains ouvrages142 prônant l'idée d'une culture forte comme facteur de performance a coïncidé, d'une part, avec la situation de crise que subissaient les pays occidentaux, et d'autre part, avec la situation d'euphorie que connaissait l'économie japonaise.

cependant, comme le souligne F. Petit143, il serait erroné d'attribuer les raisons du développement de l'analyse culturelle des organisations au seul contexte de crise. En effet, ce développement "‘satisfait aussi des exigences épistémologiques : contribuer à garder l'analyse systémique144 de toute assimilation de l'organisation à un organisme vivant et cerner, en référence à l'analyse stratégique, les capacités culturelles de l'acteur organisationnel, individuel, et collectif’".

le fait de tenir compte ou non de la variable culturelle pour comprendre les mécanismes de fonctionnement des organisations a suscité tout un débat polémique entre deux approches extrémistes145 :

Ce débat stérile est aujourd'hui dépassé, cédant la place à une vision de complémentarité entre les deux approches. En effet, les contributions de certains auteurs146laissent entendre que les apports s'appuyant sur l'identité et la culture permettent de compléter et d'enrichir l'analyse stratégique. Avant d’analyser le concept de culture comme variable pouvant expliquer le fonctionnement des organisations, nous essayerons tout d’abord de le définir.

Notes
134.

Voir annexe 3,"Analyse des entretiens issus des diagnostics socio-économiques", pp.446-489.

135.

Cf. Infra, pp.112-113.

136.

Cf. Infra, pp.123-126.

137.

Voir "Défis socioculturels", pp.192-196, ainsi que l'annexe 1, "Corps d'hypothèses", thème 1, "Management des ressources humaines", p.442.

138.

Cf. Infra, pp. 287-298 et 369-375.

139.

Cf. Infra, pp.52-58.

140.

B.J. Barney, "Organizationnal culture : can it be source of sustained competitive advantage?", Academy of management review, 11 (3), pp.656-665.

141.

Caroline Cintas et Géraldine Mantione, "L'audit de la culture : l'approche par les conventions, un nouveau cadre méthodologique ?", Communication à la 2ème Université du printemps de l'IAS sous le thème "Audit social et progrès du management", Marrakech, Maroc, mai 2000, vol 1, 367 pages, p.109.

142.

w. Ouchi, "Théorie Z", Paris, InterEditions, 1982, 282 pages et T. Peters et R. Waterman, "Le prix de l'excellence", Paris, InterEditions, 1983, 359 pages.

143.

F. Petit, "Les théories organisationnelles", in Le cadre du travail, 1993, 346 pages, p.338.

144.

Cf. infra, p.88 et p.122.

145.

C. Cintas et G. Mantione, "L'audit de la culture...", op cit, p.109.

146.

P. Bernoux, "La sociologie des organisations", Editions du Seuil, 1985, 378 pages.