1.2.5.1. définition du mot "culture"

d'un point de vue étymologique, culture vient du latin "colore" qui signifie "bâtir, conserver, soigner, former"147. Ce terme a plusieurs sens, tous dérivés de son origine latine : le labourage de la terre. Ainsi, dans la plupart des langues occidentales, "culture" est l’équivalent de "civilisation" ou de "raffinement de l'esprit" et désigne souvent les résultats de ce raffinement tels que le savoir, l'art, et la littérature148.

Dans le langage courant, le mot culture représente davantage la culture de masse149, celle diffusée à l'ensemble du public par la presse, la télévision, et les centres culturels. On dit aussi que telle personne "est cultivée" pour indiquer qu'elle est érudite.

En management, ce terme a été emprunté à l'anthropologie sociale150, et mis à la mode dans les années 1980 pour expliquer le modèle japonais. Cependant, le concept de culture existait bien avant cette date. En effet, ce terme est semble-t-il d'origine anglaise, dans la mesure où c'était l'anthropologue britannique, E. B. Tylor qui l'avait défini pour la première fois dans son ouvrage "Primitive culture", paru en 1871151. Par ailleurs, certains spécialistes des relations humaines se référaient déjà, dans les années 1960, à la notion de culture mais sans l'employer explicitement, comme par exemple Blake et mouton qui parlaient du climat de l'entreprise152.

Cependant, les anthropologues ne sont pas arrivés à se mettre d'accord sur une définition du mot culture entièrement suffisante, bien qu'on en compte plus de 250153. Ainsi, en raison de leur multiplicité et divergences, il serait difficile de recenser et de rapprocher, de manière exhaustive, les différentes concepts donnés par la littérature. Aussi, pour l'appréhender, essayerons-nous de relever quelques définitions qui nous paraissent les plus significatives.

Pour C. Kluckhohn154, la culture est un phénomène qui permet d'identifier un groupe. Elle est acquise et transmise entre les membres de ce groupe : "‘la culture est la manière structurée de penser, de sentir, et de réagir, d'un groupe humain, surtout acquise et transmise par des symboles et qui représente son identité spécifique’".

Pour leur part, J-P. Helfer, M. Kalika et J. Orsoni155 placent la culture sur le plan national et mettent l'accent sur l'ensemble des valeurs et idéaux partagés par les habitants d'un pays : "‘Le terme culture doit être entendu de façon large. Au niveau national, il s'agira du système de valeur, des idéaux partagés par les habitants d'un pays donné’".

Pour G. Hofstede156, la culture est la programmation mentale qui détermine les modes de comportements et de pensées d'un individu, d'un groupe, d'une organisation ou d'une nation : "‘la culture est par essence une organisation mentale collective ; cette partie de notre conditionnement que nous partageons avec les autres membres de notre nation, de notre région, de notre groupe, mais aussi avec ceux d'autres nations, d'autres régions ou d'autres groupes’".

La contribution de E.T. Hall, auteur de deux ouvrages intéressants157, a retenu notre attention. Dans son premier ouvrage "l es différences cachées", cet auteur définit la culture comme étant "‘un programme partagé par toutes les personnes appartenant au même système et qui conditionne le comportement réciproque de celles-ci’".

Dans un second ouvrage intitulé "Le langage silencieux"158, le même auteur identifie dix sous-systèmes s'enchaînant pour former le système global qu'est une culture.

Le sous-système temps suscite un intérêt particulier dans la mesure où la gestion du temps est une donnée fondamentale avec laquelle le manager est tenu de composer pour réaliser les différentes actions qu'il planifie. Ce souci de respecter ses engagements dans les délais convenus peut ne pas être partagé par tous les partenaires du manager, notamment ceux qui opèrent dans son environnement externe. Cette dimension du temps doit être, en outre, analysée et intégrée aux autres dimensions culturelles.

Les définitions présentées ci-dessus mettent l'accent sur deux caractéristiques fondamentales de la culture :

  • la culture est acquise, elle n'est pas héréditaire. Elle provient de l'environnement social de l'individu, pas de ses gènes. A ce titre, elle doit être distinguée de la nature humaine et de la personnalité individuelle. La nature humaine est transmise dans les gènes. L'expression désigne ce que tous les êtres humains ont en commun. "‘c'est le niveau universel du programme mental de chacun’ " 159. La personnalité d'un individu, au contraire, représente ses caractéristiques personnelles, qu'il ne partage avec personne. La personnalité d'un être humain est composée d'éléments héréditaires et d'autres acquis : ‘"...Elle est fondée sur des traits qui sont en partie hérités avec son code génétique unique, et en partie acquis. Cette acquisition se fait à la fois sous l'influence de la programmation collective (la culture) et de l'expérience personnelle’"160. Le fait que la culture soit apprise, de manière informelle, dès les premiers mois de l'existence, rend les êtres humains peu conscients de ce phénomène d'apprentissage.

  • la culture est un phénomène collectif, du fait qu'elle est, au moins en partie, partagée par les membres d'un groupe vivant, ou ayant vécu, dans le même environnement social. C'est ce caractère collectif de la culture qui a incité G. Hofstede à la définir comme "‘la programmation collective de l'esprit qui distingue les membres d'un groupe, ou d'une catégorie de personne par rapport à un autre’"161.

A cet effet nous nous proposons de définir la culture comme :

l'ensemble des valeurs et des idéaux, acquis et transmis dans l'environnement social des individus et qui conditionnent leurs comportements réciproques, notamment lorsqu'ils appartiennent à un même système.

Cet aspect collectif de la culture a envahi les entreprises et les organisations, ce qui a incité les auteurs à mettre au point le concept de "culture d'entreprise". que signifie alors ce concept de culture d'entreprise ? Quelles sont ses composantes et dimensions ?

Notes
147.

Jean-Marcel Kobi et Hans Wüthrich, "Culture d'entreprise, mode d'action - diagnostic et intervention", Nathan - Entreprise, Paris, 1991, 220 pages, p.32.

148.

Geert Hofstede, "Cultures and organizations softeware of the mind intercultural cooperation and its importance for survival", Mc Graw-Hill Intenational (UK) Limited, 1991, traduit en français par Marie Waguet sous le titre "vivre dans un monde multiculturel, comprendre nos programmations mentales", Les Editions d'organisation, 1994, 330 pages, p.19.

149.

Pierre R. Turcotte, "Comportements en milieu organisationnel", Sherbrooke, Consul 2000, Editeur, 1997, 657 pages, p.502.

150.

L'anthropologie sociale est la science qui s'occupe de l'étude des sociétés humaines.

151.

Tylor Sir Edwart Burnett (1832-1917), Anthropologue britannique, "Primitive culture", 2 vol, 1871 ; "Anthropology", 1881, in Madeleine Grawitz, "Méthodes des sciences sociales", 10ème Edition, Dalloz, 1996, 826 pages, p.179.

152.

Y-F Livian et P. Louart, "Le voyage de la culture et de la motivation, repenser la grh", editions economica, 1993.

153.

Madeleine Grawitz, "Méthodes des sciences sociales", op cit, p.179.

154.

C. Kluckhohn, in H.M. de Boislandelle, " dictionnaire de gestion, vocabulaire, ...", op cit, p.102.

155.

J-P. Helfer, M. Kalika et J. Orsoni, "Management, stratégie et organisation", Editions Vuibert, 1998, 372 pages, p.276.

156.

G. Hofstede et Daniel Bollinger, "les différences culturelles dans le management. Comment chaque pays gère-t-il ses hommes ?", Les Editions d'organisations, 1987, 268 pages, p.17.

157.

E.T. Hall, "les différences cachées", Editeur Stern, in Maurice Bommensath, "Secrets de réussite de l'entreprise allemande. La synergie possible", editions d'Organisation, Paris, 1991, 201 pages, p.54.

158.

E.T. Hall, "Le langage silencieux", Points, 1984, 237 pages.

159.

Ibid, p.20.

160.

Ibid, p.21.

161.

Geert Hofstede, "Cultures and organizations...", op cit p.20.