1.2.5.2. Définition de la culture d'entreprise

dans un article important sur la culture, Allaire et Firsirotu162 ont essayé d'adapter au management des organisations les différentes approches de ce concept en anthropologie. Ils ont de ce fait distingué deux courants majeurs regroupant chacun quatre écoles163.

l'approche qui, au départ, semble dominer la littérature en management est celle de l'école structuro-fonctionnaliste. Les précurseurs de cette école conçoivent la culture d'entreprise comme une force d'intégration et de cohésion. Ainsi, selon Peters et Waterman164, "la corporate culture", désignée également sous le nom de culture organisationnelle, représente "les principes directeurs et les valeurs partagées" d'une entreprise. Pour Deal et Kennedy165, le concept de culture se compose de "‘la cohésion des valeurs, mythes, héros et symboles que réalise l'entreprise’". alors que J.H. Martin166 définit la "corporate culture" comme un "‘ensemble commun d'attitudes, de valeurs, et de croyances, qui guide les membres de l'organisation’".

enfin, N. Lemaître167propose une vision consensuelle de la culture "‘un système de représentations, et de valeurs partagées par tous les membres de l'entreprise’"; c'est pourquoi la culture est un système structurant qui oriente les comportements des membres d'une organisation.

Cependant, d'autres conceptions de la culture ont vu le jour avec le courant "idéationnel", notamment, qui est impulsé essentiellement par Smircich168. Celui-ci précise qu'il existe deux conceptions majeures de la culture d'entreprise : la culture est une variable que l'on peut modifier ou la culture est une variable indépendante et, selon l'approche adoptée, les méthodes d'enquêtes seront différentes. L'auteur quant à lui adopte une approche cognitiviste de la culture.

La contribution de Schall169 va, elle aussi, marquer la littérature en management. Il propose de synthétiser les organisations et les cultures comme des phénomènes de communication. Hall appuie cette suggestion lorsqu'il pense que "‘la culture est communication et la communication est culture’".

Ce dernier se réclame de l'école symbolique de Geertz et conçoit la culture comme un système d'idées. Il donne la définition suivante : "‘la culture est un système de valeurs se reflétant dans les pratiques (comportements, normes) partagées par la majorité des membres d'un groupe"170.’

Contrairement à l'anthropologie, où la signification du concept de "culture" ne fait pas l'unanimité, malgré la domination de certains grands courants de recherche, la littérature en management est arrivée à un relatif consensus.

En effet, d'une vision statique de la culture d'entreprise : "‘un système structuré de valeurs fondamentales, de codes, de représentations, une structure immatérielle de socialisation’"171, on est passé à une vision dynamique.

La définition proposée par E. H. Schein172 représente cette conception dynamique de la culture d'entreprise : "‘un modèle d'hypothèses fondamentales, inventé, découvert, ou développé, par un groupe donné, durant son apprentissage de la résolution des problèmes d'adaptation à l'environnement et d'intégration interne, modèle suffisamment éprouvé pour être considéré comme valide et par conséquent être à même d'être enseigné aux nouveaux membres comme la manière correcte de percevoir, penser, et ressentir, en relation avec ces problèmes’".

Cette définition, qui conçoit la culture comme un processus dynamique, nous convient parfaitement dans la mesure où elle prend en considération deux composantes : une composante externe "adaptation à l'environnement" et une composante interne "intégration interne", alors que les définitions précédentes n'envisageaient que la composante interne.

Par ailleurs, cette définition considère, pour la première fois, la culture comme un processus finalisé introduisant la notion d'efficacité.

E. schein propose un modèle de culture à trois niveaux :

Certains auteurs comme Hofstede173 ne considèrent que deux niveaux : les pratiques (symboles, héros, rites) et les valeurs. Cela dénote la difficulté d'appréhender le concept de culture et son caractère multidimensionnel.

Ainsi, se pose la question de savoir quelles sont les composantes de la culture d'entreprise.

Notes
162.

Y. Allaire et M. Firsirotu, "Theories of organizationnal culture, organization studies", 5/3, pp. 193-226, in C. Cintas et G. Mantione, "L'audit de la culture...", op cit, p.119.

163.

Le premier courant considère la culture comme un système socioculturel. Il comprend les fonctionnalistes (Malinowski 1884-1942), les structuro-fonctionnalistes (radcliffe Brown 1881-1955), les écologico-adaptationnistes (Harris), les historico-diffusionnistes (Kluckhohn et Kroeber). Le deuxième courant conçoit la culture comme un système idéationnel. Il regroupe les cognitivistes (Goodenough), les structuralistes (levi-Strauss), l'école de la structure d'équivalence mutuelle (Wallace) et enfin, l'école symbolique (Geertz).

164.

Tom Peters et Robert Waterman, "i n search of excellence", new york, Harper and Row, 1982; "le prix de l'excellence", InterEditions, 1983, 359 pages.

165.

M. Bosche, "Corporate culture, la culture sans histoire", revue française de gestion, n° 47-48, septembre-octobre, 1984, pp.29-38.

166.

J.H. Martin, "Managing specialized coroporate cultures, gaining control of the coroporate culture", Jossey Bass Publishers, 1985, pp.148-162.

167.

N. Lemaître, "La culture d'entreprise, facteur de performance", Gestion, février, 1985, pp.19-25.

168.

L. Smircich, "Concepts of culture and organizational analysis", administrative Science Quaterly, 28, 1983, pp.229-240.

169.

M. S. Schall, "A communication rules approach to organizational culture", Administrative Science Quaterly, 28, 1983, pp.557-581.

170.

E. T. Hall, "la danse de la vie", Edition Le Seuil, 1959, in C. Cintas et G. Mantione, "L'audit de la culture...", op cit, p.110.

171.

C. H. Besseyres des Horts, "Vers une gestion stratégique des ressources humaines", Editions d'Organisation, Paris, 1988, in C. Cintas et G. Mantione, "L'audit de la culture...", op cit, p.110.

172.

E. H. Schein, "Organisation culture and leadership", San Francisco, Jossey-Bass, 1985, 358 pages, in R. Calori et T. Atamer, "L'action stratégique", Editions d'Organisation, Paris 1986, 296 pages, p.205.

173.

G. Hofstede, B. Neuijen, D. Ohayv et G. Sanders, "Measuring organizational cultures : a qualitative and quantitative study across twenty cases", Administrative science Quaterly, n° 35, pp.286-316.