3.1. DEFINITION, NATURE ET PRINCIPAUX COURANTS DU MANAGEMENT

dans cette section nous essayerons de définir le concept de "management", ses objectifs, ses niveaux, ainsi que ses principaux courants théoriques.

3.1.1. Essai de définition du concept de "management"

La définition du terme management pose certaines difficultés qui traduisent des divergences entre les auteurs, à trois niveaux : l'origine du terme, sa dénomination, et son contenu.

En ce qui concerne son origine, on rencontre généralement deux types d'auteurs :

  • ceux qui pensent que le terme "management" est d'origine anglo-saxonne, ce qui incite certains francophones à le prononcer avec une pointe d'accent anglais ;

  • ceux qui rappellent317 qu'il s'agirait d'un vieux mot français d'origine latine (venant de manus, la main), proche du verbe italien maneggiare (manier, conduire). Ce terme, semble-t-il longtemps oublié dans la langue française, a fini par être officialisé par l'académie française en 1973.

Nous estimons que ce débat est marginal. Le plus important c'est de noter qu'aujourd'hui, les termes "management" et "manager" existent bel et bien dans la langue française et que comme le précise o. a ktouf 318 , le premier y est défini comme "conduite", "direction d'une entreprise", alors que le second y prend la signification de "manier", "diriger".

Sur un autre plan, l'activité de conduite des organisations porte plusieurs dénominations différentes. Ainsi, on retrouve dans la littérature des termes tels que "gestion", "administration", "management", ou "gérer", "administrer", "manager", ou encore "gestionnaire", "administrateur", "cadre", "dirigeant", "manager", "manageur". Certains auteurs pensent que ces différentes dénominations se justifient par l'existence de particularités qu'il convient de distinguer, alors que d'autres pensent que ces distinctions n'ont aucune raison d'être, dans la mesure où le travail de gérer est semblable, quel que soit le lieu de son exercice.

D'après le dictionnaire Le Robert319, les termes "gérer" et "gestion" proviennent du verbe latin "gerere", qui signifie "mener à bien", "diriger", voire "gouverner".

Les termes "administration", "administrer", proviennent également du latin, du verbe "administrare", qui veut dire "gérer un bien", "gérer et défendre les intérêts des autres". On peut également le concevoir dans le sens de "veiller à ce que les choses se fassent", ou encore pour désigner l'activité "d'encadrer les autres pour qu'ils réalisent ce qu'ils ont à faire".

Il se dégage de ces précisions, d'ordre sémantique, que les sens et les nuances qui peuvent exister entre les différentes appellations sont très proches les unes des autres et plaident en faveur d'une utilisation quasi indifférente des divers termes qui désignent l'activité du gestionnaire.

En ce qui nous concerne, d'une part, afin de ne pas s'encombrer inutilement de nuances et de différenciations subtiles, et, d'autre part, pour ne pas créer de la confusion, nous utiliserons indifféremment dans cette thèse, les termes de gestion et management.

Nous avons sciemment éviter le terme "administration" pour ne pas créer chez le lecteur une confusion avec "l'administration publique" qui constitue notre terrain d'expérimentation.

Enfin, le troisième malentendu qui oppose les auteurs a trait au sens et au contenu du management. En d'autres termes, les questions qui se posent sont : Quelle est l'utilité du management ? Est-il une science ou un art ? Quelles sont les disciplines et les techniques auxquelles il fait appel pour atteindre ses buts ?

Comme il est difficile d'obtenir un consensus autour des réponses à ces questions, nous essayerons d'y apporter des réponses à travers une synthèse des définitions préconisées par les auteurs cités ci-dessous. Toutefois, nous tenons à préciser que les définitions ci-après sont citées à titre purement indicatif et ne constituent nullement un échantillon exhaustif ou représentatif de la littérature en management.

A ce titre, certaines définitions mettent l'accent sur la fonction d'optimisation des ressources financières, matérielles, et humaines qui incombe au management en vue d'atteindre les objectifs économiques et sociaux de l'organisation. Ainsi, pour o. aktouf320, "‘le management est une série d'activités intégrées et interdépendantes, destinées à faire en sorte qu'une certaine combinaison de moyens (financiers, humains, matériels, etc.) puisse générer une production de biens ou de services économiquement et socialement utiles, et, si possible, pour l'entreprise à but lucratif, rentables’".

Non loin de cette définition, a. bartoli, pour qui le management est composé de deux éléments, le "macro-management", qui correspond au pilotage global de l'unité, et le "micro-management ", qui traduit la gestion des relations entre "manageur" et "managé", définit le management comme "‘un ensemble de démarches, méthodes et processus de définition d'objectifs : organisation, allocation de ressources, animation, et contrôle d'une entreprise ou d'une unité de travail’"321.

Une autre catégorie de définitions renvoie aux notions de :

  • métier , qui met l'accent sur l'aspect pratique du management impliquant la maîtrise de savoir-faire techniques et relationnels ;

  • conduite d'hommes et de femmes, qui suppose des styles de management différents et appropriés ;

  • contexte, qui fait allusion à l'environnement (interne et externe) au sein duquel les styles de management sont pratiqués.

Dans cette catégorie nous trouvons Serge Alecian et Dominique Foucher322, pour qui "‘le management est le métier qui consiste à conduire, dans un contexte donné, un groupe d'hommes et de femmes ayant à atteindre en commun des objectifs conformes aux finalités de l'organisation d'appartenance’".

Parmi les définitions classiques qui focalisent l'éclairage sur les grands axes du travail du manager à travers le fameux "podc", p lanifier, o rganiser, d iriger et c ontrôler, nous citerons celle de Raymond Alain Thiétard323, qui considère le management comme "‘une action ou art ou manière de conduire une organisation, de la diriger, de planifier son développement, et de la contrôler’". Il en ressort également que le management est à la fois un art et un processus structuré, faisant appel à d'autres disciplines scientifiques.

h. savall et v. zardet324 se démarquent sensiblement des auteurs précédents lorsqu'ils prescrivent le "management socio-économique"325, qui consiste à améliorer conjointement la performance économique des organisations et leur performance sociale, et qui met à la disposition des managers des outils opérationnels de pilotage. Ils proposent en outre une définition du management qui met l'accent, d'une part, sur le caractère scientifique de l'approche managériale, et, d'autre part, sur les enjeux contradictoires auxquels les acteurs sont confrontés et autour desquels un consensus opératoire doit être construit pour produire les biens et les services. Ainsi, pour ces deux auteurs, le management est "‘un objet d'étude scientifique correspondant à l'observation et à l'analyse rigoureuse des comportements, des actes, et des pratiques d'acteurs, dans et autour d'une organisation’"326.

Nous pourrons déduire des définitions présentées ci-dessus que le management est à la fois un art et une science. Il fait appel à des habiletés innées, intuitives, et personnelles, à des connaissances théoriques, et à des principes établis selon le développement de la science, en sus d'autres facteurs qui interviennent dans la vie de l'organisation et dans la fonction management. D'où les formules chères à Peter Drucker327, "‘l'essence du management est de rendre productif le savoir...Et dans sa pratique, le management est vraiment un art libéral’".

Sa raison d'être est de conduire vers un but une organisation composée d'individus. De ce fait, le management reste une discipline à la croisée de la sociologie des organisations et de la pratique directoriale, dont la clé d'évaluation est d'ordre économique et financier. en s'adaptant à un monde en changement et à des organisations mouvantes, la science du management est toujours en évolution et fait par conséquent appel à des champs de connaissances éclectiques. c'est une science inexacte qui elle-même fait appel à d'autres sciences inexactes, telles que la psychologie, la sociologie, l'économie, la science politique, et même l'anthropologie.

Dans l'esprit de notre recherche nous retiendrons que:

le management est l'activité qui a pour finalité d'amener l'organisation à atteindre les buts pour lesquels elle existe, et ce, par une utilisation optimale de ses ressources humaines, matérielles, et financières.

cette définition du management recouvre les notions d’activités de direction, en liaison avec la conduite des hommes. Cette dernière activité occupe dans notre conception du management une place particulière. Nous nous inscrivons dans les évolutions modernes du management où les mots d'ordre sont implication, motivation, et valorisation des ressources humaines, au lieu de contrôle, pouvoir, autorité, obéissance, longtemps privilégiés dans la conception traditionnelle du management.

Charles Handy328 note, dans le même ordre d'idée, qu'on doit "‘faire confiance aux capacités des individus ou des groupes tant qu'il n'est pas clairement établi qu'ils ne sont pas à même de remplir leur mission. Le devoir du dirigeant consiste à s'assurer que les individus ou les groupes possèdent les compétences requises pour exercer la responsabilité qui leur est assignée et comprendre les objectifs de l'organisation, et qu'ils sont animés de la volonté de les atteindre’".

Ainsi, de nos jours la mission fondamentale des managers consiste à apporter à leurs collaborateurs les connaissances et la formation leur permettant de posséder les compétences nécessaires pour accomplir leur mission sans avoir à recevoir d'ordre de la hiérarchie.

‘Dans ce sens, nous pensons que le management socio-économique est une approche susceptible de créer et de renforcer la confiance entre les chefs et les collaborateurs, tout en dotant ces derniers des compétences leur permettant d'être suffisamment autonomes et performants dans leur travail. ’

Nous sommes convaincus que si les six principes fondamentaux du management socio-économique, cités ci-après, sont appliqués convenablement, ils peuvent contribuer efficacement à la réalisation des performances économiques et sociales des administrations publiques marocaines :

  • structurer périodiquement et synchroniser régulièrement l'organisation ;

  • développer les démarches contractuelles entre acteurs, aussi bien internes qu'externes ;

  • adopter des systèmes d'information et de communication plus stimulants et relativement plus transparents ;

  • développer des pratiques et des procédures plus heuristiques : souples, simples, itératives et efficaces ;

  • renoncer aux choix illusoirement maximisateurs ;

  • toiletter périodiquement.

L'application des principes du management est assurée par tous ceux qui dans une structure assurent une activité d'encadrement. On distingue en conséquence des niveaux différents de management.

Notes
317.

P. Hermel, "Le management participatif - sens, réalités, actions.", Editions d'Organisation, 1992, préface d'Hervé Serieyx et Dimitri Weiss, 256 pages.

318.

omar aktouf, "le management entre tradition et renouvellement", 3ème édition, Gaëtan morin éditeur, 1994, 664 pages, p.16.

319.

Dictionnaire Le Robert, 1994.

320.

omar aktouf, "le management entre tradition et renouvellement", op cit, p.15.

321.

a. bartoli, "le management dans les organisations publiques", op cit, p.159.

322.

Serge Alecian et Dominique Foucher, "guide du management dans le service public", les éditions d'organisation, 1994, 406 pages, p.18.

323.

Raymond Alain Thiétard, "le management", Presses universitaires de France (que sais-je ?), 1982, 126 pages, p.5.

324.

Pour approfondir les outils de pilotage du management socio-économique, voir H. Savall et v. zardet, "Maîtriser les coûts et les performances cachés...", ouvrage précité.

325.

Ibid, p. 9.

326.

H. Savall et V. Zardet, "Ingénierie stratégique du roseau...", op cit, p.51.

327.

Peter Drucker, "Managing in a time of great change", Butterworth-Hienemann, 1995, in Pierre Morin, "L’art du manager, de Babylone à l’Internet ", Editions d’Organisation, 1997, 228 pages, p.52.

328.

Charles Handy, "Le nouveau langage de l'organisation et ses implications pour les dirigeants", in "Le leader de demain", editions village mondial, paris, 1997, 296 pages, p.33.