Bien qu'elles soient plus récentes, ces écoles sont difficiles à classer ou à caractériser. Il s'agit d'une dizaine de chercheurs qui ont pu asseoir les bases des théories modernes des organisations.
Ce courant, connu sous le nom de l'école des systèmes sociaux, est représenté notamment par trois professeurs nord-américains365, le plus souvent groupés deux par deux pour écrire des ouvrages dans lesquels ils développent les grands principes de leur pensée366. Il s'agit de Richard Cyert, James March et Herbert Simon (prix Nobel d'économie 1978).
Ces auteurs puisent le fondement de leur pensée aussi bien dans le courant classique que dans celui des relations humaines. Leur apport fondamental consiste en une critique sévère de la théorie de la firme et notamment des deux concepts de "la rationalité absolue" et des "rendements décroissants"367.
Au principe de "la rationalité absolue", ils opposent celui de "la rationalité limitée" en s'appuyant pour construire leur thèse sur les trois constatations suivantes368 :
les groupes qui composent les organisations ne sont jamais homogènes et par conséquent il n'y a pas nécessairement de consensus entre eux autour des mêmes objectifs. La solidarité qu'ils peuvent manifester est momentanée, en vue de défendre au mieux les intérêts de chacun ;
les salariés ne sont pas attachés dans l'absolu à l'entreprise qui les emploie. Ils y restent tant qu'ils sont persuadés que ce qu'ils en tirent comme avantage (rémunération, sécurité, prestige, etc.) est supérieur à l'effort qu'ils lui consacrent ;
les décisions prises, au sein des entreprises, face à certains problèmes ne constituent pas nécessairement les meilleures solutions, "the one best way", mais elles s'orientent vers des solutions satisfaisantes. Ainsi, la satisfaction des acteurs remplace l'optimisation des ressources.
B. Lussato résume la conception de cette école sur l'entreprise comme suit : "‘une coalition coopérative viable aussi longtemps qu'elle procure suffisamment de satisfactions à ses membres pour qu'ils continuent à apporter leur contribution’"369.
En outre, ces auteurs pensent que la loi des rendements décroissants ne se vérifie pas dans la mesure où les salariés, au fil du temps, aiguisent leurs compétences grâce, notamment, aux processus d'apprentissage et aux expériences cumulées. Pour produire moins cher, il faut produire davantage et par conséquent il faut grignoter sur les parts de marché des concurrents.
J-P. Helfer, M. Kalika et J. Orsoni, "Management, stratégie et organisation", op cit, p.353
R. Cyert et J-G. March, "Processus de décision dans l'entreprise", Dunod, 1970, 340 pages ; J-G. March et H. simon, "les organisations", Dunod, 1969, 252 pages.
La théorie des rendements décroissants, qui pour les économistes classiques, était liée à l'hypothèse de la stabilité du progrès technique, est aujourd'hui remise en cause dans différents domaines (effets de la recherche et d'innovation, etc.).
J-P. Helfer, M. Kalika et J. Orsoni, "Management, stratégie et organisation", op cit, p.354.
B. Lussato, "Introduction critique aux théories des organisations (modèles cybernétiques, hommes, entreprises)", Dunod, 1972, 192 pages, pp.70-71.