3.2.1.2. Courant gestionnaire

La "juridicisation" excessive accentue l'inefficacité de l'administration et la paralyse. En effet, à la difficulté d'application de la loi dans ses infimes détails s'ajoutent les contradictions de certains textes conçus de manière isolée.

D'un autre côté, le citoyen, devenu conscient de son double statut de "financeur" de l'action de l'Etat et de consommateur du service public, exige des comptes, autant sur l'utilisation des deniers publics, que sur la qualité des services publics rendus.

‘De ce fait, la légitimité de l’action publique, longtemps basée exclusivement sur la puissance publique, a changé de nature pour se fonder sur la qualité des prestations fournies. Ainsi, pour rendre les services publics plus efficients et de qualité meilleure, les méthodes modernes de management, ont été introduites et appliquées au secteur public.’

Parmi les méthodes gestionnaires introduites dans l'administration, A. Bartoli406cite particulièrement la RCB (rationalisation des choix budgétaires) et la DPO (direction par objectif).

Selon cet auteur, la RCB a été inspirée du PPBS (Plannig Programming Budgeting System) utilisé dans l'armée américaine. Elle reposait sur un système de planification d'objectifs et de moyens avec contrôle des réalisations budgétaires. Outre la maîtrise des fins et des moyens, la RCB visait à remplacer le processus dysfonctionnel de décision qui était centralisé par un système plus décentralisé incitant les responsables centraux à fixer des objectifs précis et quantifiés.

a ce titre, la RCB devait être accompagnée d'une méthode de contrôle de gestion et d'une démarche formalisée, la direction par objectif (DPO). Cette dernière est basée sur une participation des cadres à fixer des objectifs pour eux-mêmes et pour leurs unités et à organiser le travail en fonction de ces objectifs.

A. Bartoli, affirme que ces méthodes gestionnaires n'ont pas connu de succès au sein de l'administration pour les raisons suivantes407 :

Les raisons d'échec évoquées par A. Bartoli relèvent beaucoup plus du pilotage et du type de management mis en place que des spécificités de l'administration. s i ces mêmes méthodes étaient appliquées dans l'entreprise privée dans des conditions similaires à celles de leur application dans l'administration publique, elles connaîtraient certainement le même revers.

Devant ces états d'échec, le New Public Management (NPM) est venu apporter des solutions susceptibles d'augmenter l'efficience, l'efficacité, la flexibilité, et l'innovation de l'Etat, tout en préservant le service public.

D'après ses précurseurs, le New Public Management (NPM) est une stratégie de modernisation du secteur public qui s'oppose aussi bien à la privatisation qu'à la gestion bureaucratique traditionnelle. Il apporte un ensemble cohérent de méthodes de gestion susceptibles d’insuffler un esprit d’entreprise, et un souci d’optimiser les ressources allouées au service public.

M. Finger et B. Ruchat confirment le transfert des techniques de management du secteur privé au secteur public lorsqu'ils notent que "‘par l'introduction d'instruments de gestion du privé, le NPM cherche à transformer l'organisation webérienne ou bureaucratique en une organisation entrepreneuriale, fonctionnant comme si elle était en situation de concurrence et de marché, et conduisant ainsi à des gains d'efficience et d'efficacité’"408.

Ces deux auteurs soulignent que le NPM est un processus de transformation organisationnelle qui se distingue des méthodes de conduite de changement fondées sur une intervention unique, telles que le reengineering (ou reconfiguration)409.

Par sa visée de transformation globale et en profondeur, ne se limitant pas à la simple introduction d'outils de gestion du secteur privé au secteur public410, le NPM se rapproche de la méthode d'intervention socio-économique.

‘Cependant, s'il est vrai que le NPM met l'accent sur les performances des organisations publiques, il n'en demeure pas moins qu'il se contente de proposer des préceptes sans aucun outil opérationnel permettant d'atteindre l'efficacité et l'efficience escomptés. ’

Sur ce point, non seulement l'intervention socio-économique offre des outils opérationnels testés avec succès aussi bien dans des organisations publiques que privées, mais elle vise aussi le développement conjoint des performances économiques et sociales des organisations. D'ailleurs, Y. Emery411 reproche au NPM d'avoir négligé la gestion du personnel, lacune comblée par le courant des systèmes sociaux.

Notes
406.

a. bartoli, "le management dans les organisations publiques", op cit, pp.13-14.

407.

Ibid, p.14.

408.

Finger et Bérangère Ruchat, "Le new public management : Etat, administration et politique", in "une nouvelle approche du management public", Ouvrage collectif sous la direction de ces deux auteurs, op cit, p.34.

409.

Finger et Bérangère Ruchat, "Le new public management : Etat, administration et politique", op cit, p.35.

410.

Finger et Bérangère Ruchat, "Le new public management : Etat, administration et politique", op cit, p.36.

411.

Y. Emery, "Origine, spécificités, évolutions du management public", op cit, p.95.