deuxième partie : GESTION DES RESSOURCES HUMAINES DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE MAROCAINE

Le Maroc s'est engagé, depuis les années 80, dans un vaste programme d'ajustement structurel visant le rétablissement des grands équilibres macro-économiques. La recherche de ces équilibres s'est accompagnée d'une politique de libéralisation de l'économie du pays, d'un désengagement de l'etat de certains secteurs d'activité au profit du secteur privé, et d'une volonté de s'intégrer dans le mouvement de mondialisation déclenché à l'échelon planétaire.

Conscient du rôle que doit jouer l'administration dans la conduite de ces réformes, le Maroc a, depuis 1994, entrepris avec le concours du PNUD470un vaste programme de modernisation de son administration, "‘la prise de conscience d'un immense besoin de réforme de l'Etat et de l'administration, partagée par la plupart des pays, s'accompagne de la nécessité d'un travail plus approfondi vers la valorisation de l'action administrative pour progresser dans ce que l'on appelle communément la mondialisation, la globalisation et la compétitivité’"471.

Dans ce programme de modernisation de l'administration, le management des ressources humaines constitue l'un des axes prioritaires "‘Les ressources humaines, qui furent depuis longtemps considérées comme un coût pour l'administration, sont aujourd'hui perçues comme un véritable investissement qu'il faut constamment valoriser afin d'en tirer le meilleur avantage pour la collectivité’"472.

‘En effet, c'est de la qualité des ressources humaines de l'administration, de leur motivation, et du degré de leur implication dans le processus de changement que dépend la réussite des réformes engagées.’

Or, dans la réalité quotidienne, la pratique du management des ressources humaines au sein des administrations publiques semble souffrir d'un déficit de stratégie et de professionnalisme 473. Rares sont les administrations qui demandent à leur direction des ressources humaines un diagnostic des difficultés locales, un programme d'actions, des moyens appropriés et des indicateurs de suivi.

Actuellement, dans la plupart des services, il se dégage le sentiment que la fonction "ressources humaines" souffre d'une mauvaise image, celle de son assimilation à des fonctions d'intendance et de pure gestion administrative.

en outre, elle pâtit fréquemment d'une pénurie de moyens humains, financiers, et matériels. Les responsables des ressources humaines sont rarement préparés, par leur carrière antérieure, à l'exercice de ces missions spécialisées et leur action dans ce domaine ne fait pas l'objet d'une évaluation rigoureuse.

‘Par ailleurs, l'Etat, plus que par le passé, a besoin aujourd'hui de mettre en place un management stratégique de ses ressources humaines, privilégiant la gestion des compétences. ’

En effet, celles-ci se trouvent actuellement au coeur des réflexions menées sur le thème de l’emploi et de la performance, aussi bien au niveau des organisations qu'à l’échelle macro-économique. Les termes du débat font de l’amélioration des compétences l’enjeu d’une plus grande efficacité.

Si les entreprises ont été forcées à développer leur réflexion sur le thème de la compétence en raison d’une intensification de la concurrence, l’Etat est pour sa part soumis à des contraintes spécifiques qui le confrontent à la même problématique.

Le resserrement de la contrainte budgétaire dessine un cadre de gestion dans lequel les gains d’efficacité doivent résulter davantage d’une dynamique de mobilisation interne que de moyens supplémentaires.

De façon plus déterminante, la réflexion sur la compétence s’impose du fait de l’apparition de nouvelles missions et de nouveaux défis. Les politiques publiques s’inscrivent de surcroît dans des cadres d’intervention renouvelés, issus principalement de la décentralisation, de la déconcentration, et de l’intégration dans l'économie mondiale.

En outre, aux attentes accrues des usagers à l’égard d’une administration, dont les prestations sont de plus en plus évaluées par rapport à celles du secteur privé, s’ajoute le souhait des agents d’un management des ressources humaines plus motivant, et d’une meilleure reconnaissance de leurs compétences.

Cependant, alors que dans certaines administrations étrangères des contraintes similaires ont été à l’origine de réformes de grande ampleur, la fonction publique marocaine semble en retrait par rapport à ce mouvement.

‘La notion même de compétence n'est pas bien cernée et les responsables des ressources humaines ne sont pas unanimes quant à sa signification. Le terme peut renvoyer pour certains à la qualification d’un poste et désigne dans ce cas les compétences nécessaires à l’exercice d’une fonction. D'autres responsables font référence aux compétences individuelles mobilisables en situation professionnelle. Enfin, Il y a ceux qui renvoient à la reconnaissance institutionnelle des compétences au travers du système de classification. ’

A cette complexité de la notion, s’ajoutent des difficultés spécifiques qui expliquent que l’Etat appréhende encore mal la notion de compétence. Tout d’abord, l’administration doit gérer une très grande diversité de compétences et de métiers, ainsi qu’un nombre d’agents considérable. Plus fondamentalement, alors que l’analyse des missions tend à devenir un sujet majeur de réflexion au sein de l’Etat, l’administration ne tire encore qu’imparfaitement les conséquences, en termes de compétences, des évolutions relevées. Par conséquent, le management des ressources humaines dans l'administration fait peu de place à une logique de compétence. D'ailleurs, la compétence, mot symboliquement absent du statut général, demeure une notion peu familière à l’administration.

L'analyse des caractéristiques du management des ressources humaines dans l'administration publique marocaine sera traitée en trois chapitres :

chapitre 4 :
caractéristiques de la gestion des ressources dans l'administration publique marocaine ;
chapitre 5 :
nécessité du renouvellement de la gestion des ressources humaines ;
chapitre 6 :
place de l'investissement formation dans le management des administrations publiques au Maroc.
Notes
470.

Programme des Nations Unies pour le Développement.

471.

A. Sedjari, "La réforme de l'administration au Maroc entre le conservatisme d'hier et le changement d'aujourd'hui", in "La mise à niveau de l'administration face à la mondialisation", ouvrage collectif sous la direction du même auteur, Edition l'Harmattan - Gret, 1999, 346 pages, p.8.

472.

Abdelouahed Ourzik et Salah Bouasria, exposé introductif des actes de la table ronde autour du thème "La gestion des ressources humaines dans l'administration publique : la pratique et les perspectives", organisée à Rabat par le Ministère marocain des Affaires Administratives, du 06 au 07 juin 1997, série actes de séminaire n°1, 69 pages, p.11.

473.

Rapport de la banque mondiale, "Questions relatives à l'administration marocaine", 1996, in publications de la revue marocaine d'administration locale et de développement, op cit, p.365.