4.3.4.1. Inadéquations engendrées par le système de recrutement

le recrutement est un moyen qui est censé réduire les écarts quantitatifs et qualitatifs entre les besoins et les ressources. Toutefois, peu d'organisations se soucient de l'évaluation du rapport coût/efficacité de chaque opération de recrutement. D'aucuns diront qu'il est difficile de pouvoir quantifier le retour sur ce type d'investissement. Cependant, cela n'empêche pas de se poser la question du coût et des enjeux d'un recrutement non réussi. En d'autres termes, combien coûte un agent qui ne présente pas les capacités ou les motivations requises et qui va occuper un poste pendant plusieurs années avec un niveau de performance médiocre, voire nul ? "‘Un recrutement raté a beaucoup plus de conséquences dans la mesure où il va se payer pendant des dizaines d'années’"524.

Comme nous l'avons souligné précédemment525, les modes de recrutement prévus par les dispositions réglementaires en vigueur font subir à l'administration un certain nombre de dysfonctionnements assez coûteux.

C'est ainsi que dans la majorité des cas l'administration n'a pas toute la latitude pour choisir ses futurs fonctionnaires. Au contraire, ces derniers peuvent opter pour le département de leur choix.

‘«J'ai toujours cherché à être embauché par une administration publique pour les avantages qu'elle présente en termes de sécurité et de stabilité de l'emploi».
Cadre de maîtrise Assez souvent’

Ainsi, l'administration recrute souvent des agents dont les profils ou les qualifications sont en décalage par rapport à ses missions. En effet, certains fonctionnaires jugent que leur formation n'était pas correctement adaptée à leur travail au moment où ils ont été recrutés dans la fonction publique. La raison évoquée le plus souvent est celle d'une insuffisance de formation ou de surqualification.

‘«J'ai une licence en géographie préparée en langue arabe et j'ai réussi le concours de recrutement au sein de l'administration "A". D'abord, dans le cadre de la formation initiale, j'ai éprouvé d'énormes difficultés à suivre les cours techniques dispensés en langue française concernant des matières, telles que la comptabilité et l'économie où j'ai été très déphasé par rapport à des licenciés en économie ou en gestion. Mes difficultés se sont accrues par la suite après mon affectation, dans la mesure ou l'emploi qui m'a été confié nécessite une maîtrise de la langue française et de l'outil informatique, ainsi que des connaissances sérieuses en économie».
«J'ai un troisième cycle en gestion d'entreprises et je passe la majeure partie de mon temps à établir des bordereaux d'envoi. C'est une activité d'exécution banale, routinière et sans intérêt, qui ne nécessite pas un niveau universitaire pour l'accomplir».
Cadre de maîtrise Assez souvent’

En conséquence, les agents recrutés en vue d'occuper certains postes de responsabilité ne possèdent pas toujours les compétences managériales nécessaires qui leur permettent d'occuper pleinement les fonctions dévolues à ces postes.

‘«dans l'administration on accorde beaucoup d'importance aux connaissances techniques du candidat au détriment de ses compétences managériales. La conséquence en est que l'administration regorge de cadres qui ont une très grande maîtrise technique des dossiers et de faibles aptitudes de communication, d'animation d'équipes et d'organisation».
Cadre supérieur Souvent’

Par ailleurs, comme nous le verrons, ci-après, le système de formation, dont la mission est de préparer les agents à une bonne occupation des emplois qui leur sont confiés, n'assure pas efficacement cette adéquation.

Notes
524.

C. Batal, "La gestion des ressources humaines dans le secteur public : l’analyse des métiers, des emplois et des compétences", op cit, p.55.

525.

Cf. Supra, pp.145-149.