La promotion avec changement de position nous intéresse particulièrement dans la mesure où elle constitue une étape décisive dans la carrière de l'agent et une décision importante pour l'administration.
Pour l'agent, ce type de promotion traduit la reconnaissance par l'administration de sa valeur professionnelle. Pour l'administration, il s'agit d'aboutir, dans l'intérêt du service, à une concordance optimale entre le profil et les aspirations du personnel à promouvoir et les exigences du poste à remplir.
En raison de son importance, cette forme de promotion exige, de la part de l'administration, la mise en place d'un système d'évaluation du personnel qui permet d'apprécier de manière objective aussi bien les compétences que les performances des agents.
Or, dans la pratique, les principes retenus par la fonction publique pour nommer les agents dans des postes de responsabilité sont l'ancienneté et/ou le choix.
Le principe de promotion à l'ancienneté est une source de démotivation des fonctionnaires. En effet, les nouvelles compétences recrutées, quel que soit leur niveau de performance, doivent attendre longtemps avant de pouvoir bénéficier d'une promotion.
Ce processus est démotivant à la longue, dans la mesure où il met sur un même pied d'égalité ceux qui s'impliquent dans le travail et donnent des résultats avec ceux qui sont contre-performants. Le principe du choix est subjectif, il nourrit le développement du clientélisme au sein de l'administration.
‘«Le chef qui vient d'être nommé à la tête du service où je travaille actuellement, bien qu'il soit ancien, ne possède pas les compétences requises pour diriger ce service. En effet, ni sa formation académique, ni son expérience professionnelle ne sont en adéquation avec la responsabilité qui lui a été attribuée. D'ailleurs, il a d'énormes problèmes relationnels avec ses agents qui n'apprécient pas sa façon de gérer le service».Ainsi, le système de promotion au sein de l'administration publique ne permet pas d'être promu dans la hiérarchie administrative suivant la formule de la compétence ou de la compétition. Cela ne veut pas dire que les administrations publiques marocaines ne disposent pas de compétences de qualité ; bien au contraire, mais la logique ambiante veut que les qualités du fonctionnaire se mesurent à l'aune de la fidélité qu'il témoigne à son chef et de l'aptitude à se soumettre à ses volontés.
D.B. Ali 530 note que dans ce contexte " ‘le chef n'est pas un simple supérieur hiérarchique lié à ses collaborateurs par des liens professionnels, mais un bienfaiteur et un despote. Il octroie des faveurs et des privilèges, il châtie, il gracie et il exige la soumission’ ".
Ce même auteur fait remarquer que dans ce système " ‘la loyauté à elle seule n'est pas suffisante, elle doit être doublée de servitude. La promotion n'est pas l'aboutissement d'un parcours professionnel ou intellectuel, mais la récompense du zèle manifesté par le subordonné à servir le chef’ ".
Ce système pousse le fonctionnaire à investir dans la création de liens de réseaux et d'allégeance, au lieu de se consacrer à la formation et au perfectionnement dans son travail. La conséquence immédiate qui en découle est l'encouragement de la médiocrité et l'inefficience.
Le renouveau du service public suppose des agents compétents, mieux formés, bien payés et motivés, capables de participer à l’organisation et au fonctionnement du service.
Ceci implique la mise en oeuvre d’une gestion plus fine et plus rationnelle des hommes et des emplois. Le système en vigueur a fait son temps et doit céder la place à un système d'évaluation des performances des fonctionnaires avec des objectifs négociés et contractuels.
Les principes généraux qui doivent gouverner les systèmes de promotion sont, à titre principal, le mérite, le rendement, et l'aptitude à tenir convenablement un nouvel emploi.
A ce titre, il convient de souligner que les aptitudes managériales de l'agent sont rarement prises en compte dans les nominations, seule sa technicité est généralement appréciée.
Or, ce dont ont besoin aujourd'hui, les administrations publiques, ce sont de véritables managers capables de planifier, d'animer, d'organiser, de communiquer, d'évaluer, d'encadrer, de former, de négocier, de gérer les conflits, etc.
Pour améliorer le système de promotion de l'administration, nous proposons de :
mettre en place un système d'évaluation du personnel qui permet d'apprécier de manière objective aussi bien les compétences que les performances des agents ;
adopter une gestion plus fine et plus rationnelle des hommes et des emplois ;
mettre au point et utiliser des outils opérationnels permettant de piloter les activités et les performances des agents ;
remplacer le système en vigueur par un système dévaluation des performances des fonctionnaires avec des objectifs négociés et contractuels ;
tenir compte dans la promotion du mérite, du rendement et de l'aptitude à tenir convenablement un nouvel emploi ;
prendre en considération les aptitudes managériales de l'agent dans les nominations.
Driss Ben Ali, professeur à l'université Mohamed V de rabat, "La méritocratie en marche", article publié dans la Vie économique n° 4065, du 28 avril 2000, p.7.