Chapitre 5 : neceSsite du renouvellement de la gestion des ressources humaines dans l'administration publique marocaine

Ces dernières années, la forme et l'efficacité de l'administration publique ont été largement remises en cause, en raison d'une triple crise, organisationnelle, institutionnelle, et managériale537 :

c ette triple crise nous amène à penser qu'une réponse adéquate à notre problématique ne doit pas porter uniquement sur la mise en oeuvre de la formation intégrée. Si cette dernière est une condition nécessaire pour améliorer le fonctionnement des organisations, elle demeure néanmoins insuffisante. En effet, elle doit être accompagnée de démarches managériales qui font de la gestion des ressources humaines un pivot central de modernisation de l'administration 540 .

De nouvelles conceptions et pratiques de gestion des ressources humaines se sont développées au cours des quinze dernières années, la plupart du temps en complément et non en substitution des approches antérieures541.

Les administrations publiques ont saisi ces nouvelles conceptions pour opérer le passage d'une approche administrative de gestion du personnel à une approche managériale des ressources humaines542.

Ce passage se traduit par la reconfiguration et l’activation d’instruments traditionnels que sont le recrutement, la formation, la rémunération, l’évaluation, et la gestion des carrières.

Parallèlement, de nouvelles approches managériales, plaçant la gestion des ressources humaines au coeur de leur démarche, voient le jour, telles que la gestion de projets, démarches qualité, gestion des compétences, ...

Ces approches ont le plus souvent un substrat théorique commun en relation avec les projets de modernisation des administrations publiques543 qui appellent :

Devant ces impératifs dictés par les changements inéluctables de la société, certains pays ont opté depuis longtemps pour l'introduction de réformes radicales dans leurs administrations publiques, en vue de leur permettre de mieux affronter les défis et les exigences du développement.

Au Maroc, le discours du changement administratif n'a cessé d'être d'actualité comme l'affirme K. Naciri : "‘Au centre d'un débat national exigeant et ambitieux, l'administration publique marocaine, interpellée par l'usager-citoyen ainsi que par les différents opérateurs nationaux et étrangers, ne peut qu'interpeller la réflexion aussi bien de la classe politique que de l'université et de ses chercheurs’"548. Cependant, c'est la mise en oeuvre de ce changement qui a toujours buté contre ce qu'on appelle en management "‘les forces de résistance au changement’".

En ce qui concerne l'administration publique marocaine, elle opère dans un environnement caractérisé par le désengagement du secteur public de plusieurs secteurs d'activité, qui étaient traditionnellement les siens, au profit du secteur privé engendrant ainsi l'émergence d'un nouveau rôle de l’Etat549

Celui-ci a obligé l'administration publique marocaine à engager de nombreux chantiers550, tels que la modernisation et la structuration des institutions touchant à l’assainissement des finances publiques, à la renégociation de la dette publique, à l'internationalisation de l’économie, à la privatisation, aux droits de l’homme, à la consolidation de l’Etat de droit, au renforcement de la démocratisation de la vie politique, à l'instauration d’un dialogue social entre l’Etat, les représentations syndicales, et les opérateurs économiques, etc.

Par ailleurs, si l'on tient compte de la position stratégique qu’occupe le Maroc, de par sa proximité géographique avec l’union européenne et de son désir de constituer un pôle d’attraction des investisseurs étrangers, on comprend dès lors pourquoi la modernisation de l'administration est devenue un sujet d'actualité.

L'administration publique marocaine se trouve ainsi confrontée :

Conscients du rôle primordial que doit jouer l'élément humain dans tout projet de changement, les pouvoirs publics marocains ont inscrit la rénovation de la gestion des ressources humaines parmi les axes prioritaires retenus dans le cadre de la réforme de l'administration publique marocaine551.

Les politiques de rénovation de la gestion des ressources humaines à mettre en oeuvre visent à améliorer les relations avec l’usager, la flexibilité, la cohésion, et l’implication du personnel afin de faire sortir le fonctionnaire de l’univers de l’anonymat, fondé sur la stricte application des règlements et de le faire entrer dans un autre univers, celui de la responsabilité.

‘Cela nous incite à poser la problématique de rénovation de la gestion des ressources humaines comme suit : "comment faire évoluer les représentations et les comportements de l’ensemble des agents des administrations publiques marocaines pour plus de responsabilité et davantage d’efficacité ?".’

La réponse à cette question n'est pas aussi simple qu'on peut le penser dans la mesure où l'administration publique agit dans un contexte particulier.

En effet, en plus des défis imposés par son environnement externe, l'administration doit faire face à de nombreuses évolutions internes, quantitatives et qualitatives, qu'elle n'a pas toujours été en mesure d'anticiper :

Dans la première section de ce chapitre, nous analyserons les défis imposés par l'environnement interne et externe de l'administration, défis qui mettent sa gestion des ressources humaines au premier plan.

Dans la seconde section, nous livrerons notre conception de la politique de rénovation de la gestion des ressources humaines permettant à l'administration publique marocaine de relever ces défis.

Notes
537.

H. Chomienne, "Quelle GRH pour les organisations administratives publiques ?", 9ème congrès de L'AGRH? 19-20 novembre 1998.

538.

R. Laufer et A. Burlaud, "Management public. gestion et légitimité", op cit.

539.

C. Desmarais et N. Lequart, "GRH dans les organisations publiques", Document de travail proposé dans le cadre du séminaire Recemap, du novembre 1999, Université Nancy 2, France, 11 pages, p.1.

540.

Voir nos hypothèses prescriptives n°5 et 6, "Corps d'hypothèses", p.441.

541.

A. Bartoli, "le management des organisations publiques", op cit, p.111.

542.

C. Batal, "La gestion des ressources humaines dans le secteur public", op cit, pp.21-27.

543.

C. Desmarais et N. Lequart, "GRH dans les organisations publiques", op cit, p.1.

544.

Lionel Chaty, "L’administration face au management. Projets de service et centres de responsabilité dans l'administration française", Paris, L’Harmattan, 1997, 288 pages.

545.

C. Desmarais et N. Lequart, "GRH dans les organisations publiques", op cit p.2.

546.

P. Louart, "Structures organisationnelles, vers un continuum public-privé", Revue française de gestion, septembre-octobre, 1997.

547.

J. Marsaud, "efficacité : placer le fonctionnaire et le citoyen au centre du management public communal", in Le Maire entrepreneur ?", coordonné par R. Le Duff et J. J. Rigal, Presses Universitaires de Pau, 1996.

548.

K. Naciri, Directeur de l'Institut supérieur de l'administration, "L'administration publique marocaine entre la problématique du contexte et les exigences de la rénovation", in "La mise à niveau de l'administration face à la mondialisation", ouvrage collectif sous la direction de A. Sedjari, op cit, p. 91.

549.

Driss Guerraoui, Faculté de Droit, Rabat, "Nouveaux rôles de l'Etat et devenir du service public", in "Le devenir du service public", op cit, pp.329-338.

550.

Mustapha El Ktiri, Inspecteur des Finances, Enseignant-chercheur, "la réforme de l'administration marocaine entre les exigences du développement et les contraintes de l'ajustement", in Annales marocaines d'économie, Revue de l'association des économistes marocains, n°6, Automne 1993, 149 pages, pp.53-61.

551.

abdelhak Akla, professeur de droit et de sciences administratives à la faculté de Droit de Rabat, "Le changement une urgence pour une administration asthénique", REMALD, n°27, avril-juin 1999, 148 pages, p.70.

552.

extraits du rapport de la Banque Mondiale : "questions relatives à l'administration marocaine", (1996), in REMALD n°6, op cit, pp.365-379.