5.2.2. MISE en place D'une gestion prévisionnelle des ressources humaines (GPRH)

Le Ministère marocain de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative (MFPRA) considère que l'adoption d'une véritable stratégie de valorisation du potentiel humain des administrations passe nécessairement par la mise en place d'une gestion prévisionnelle moderne et performante des effectifs, des emplois et des carrières des agents 619.

Pour bien cerner cette notion de gestion prévisionnelle des ressources humaines (GPRH), nous essayerons tout d'abord de la définir avant de développer son contenu.

Pour ce faire, nous passerons en revue les définitions données à la GPRH par les auteurs que nous avons consultés à l'occasion de cette recherche.

Ainsi, L. Mathis met l'accent sur la fonction de préparation, au moment opportun, des compétences nécessaires, lorsqu'il considère que "‘la gestion prévisionnelle a pour objet de permettre à l'entreprise de disposer en temps voulu du personnel ayant les qualifications (connaissances, expérience, compétences et aptitudes) et la motivation nécessaires pour pouvoir et vouloir exercer les activités ou les fonctions et les responsabilités qui se révéleront nécessaires, à tout moment, à la vie et à l'évolution de l'entreprise’"620.

La gestion prévisionnelle des ressources humaines (GPRH) recouvre donc pour cet auteur le champ des décisions concernant, notamment, le recrutement, la formation et la promotion du personnel, compte tenu des besoins immédiats et futurs.

D. Thierry estime que la gestion prévisionnelle des ressources humaines (GPRH) doit permettre d'assurer une triple articulation nécessaire entre les emplois (besoins) et les compétences (ressources), le présent et moyen terme, la stratégie de l'organisation et l'évolution de son personnel.

De ce fait, il définit la GPRH comme étant "‘la conception, la mise en oeuvre et le suivi de politiques et de plans d'actions cohérents :

Pour M. Boyé et G. Ropert, la gestion prévisionnelle des ressources humaines (GPRH) s'inscrit dans une approche globale et intégrée en matière de gestion des emplois et des ressources humaines. En outre, ils lui assignent la mission de "‘prévoir avec suffisamment de précision si les ressources humaines sont à terme suffisantes, excédentaires ou déficitaires’"622.

Ces deux auteurs mettent l'accent sur la nécessité d'une réelle connaissance des activités et de leurs organisations actuelles et futures sous forme d'emplois et de métiers ainsi que de l'évolution correspondante des qualifications.

S. Alecian et D. Foucher rejoignent le point de vue des deux auteurs précédents lorsqu'ils inscrivent la gestion prévisionnelle des ressources humaines (gprh) dans le cadre d'une gestion anticipée des emplois et des compétences.

Selon ces deux auteurs, celle-ci a pour objet "‘d'identifier les écarts entre les besoins actuels et les besoins futurs en emplois et en compétences de l'organisation. Il s'agit d'anticiper les écarts prévisibles afin d'engager des politiques et des plans d'action pour les réduire’"623.

En ce qui nous concerne, nous définirons la gestion prévisionnelle des ressources humaines (GPRH) comme :

Au moyen de la gestion prévisionnelle des ressources humaines (GPRH), l'administration pourra allouer efficacement ses agents en fonction de ses priorités et de l'évolution de ses missions.

Au regard de cet objectif, une gestion qualitative des emplois, conduite à partir de l'approche métiers, constituerait un moyen efficace permettant de concilier le cadre statutaire et réglementaire de la fonction publique avec les exigences des modes de gestion moderne des personnels.

En effet, le statut de la fonction publique contient des outils permettant une bonne adéquation des ressources aux besoins. Parmi ces outils, le principe de carrière devrait constituer un atout facilitant la gestion prévisionnelle des emplois et des carrières dans la mesure où il dote l'administration d'une visibilité sur l'évolution de ses effectifs et d'une capacité d'anticipation.

Le parcours d'un agent peut être envisagé dans la durée, par exemple sous la forme d'alternances organisées de périodes de formation et de mobilité.

Néanmoins, la mise en place d'une gestion prévisionnelle des ressources humaines au sein de l'administration n'est pas sans susciter certaines appréhensions. En effet, elle risque de se heurter à un certain scepticisme entourant les conditions de sa mise en oeuvre, à la prégnance d'une gestion statutaire et juridique des personnels et à la contrainte du cadre budgétaire fondé sur le principe de l'annualité.

Pour surmonter ces obstacles, il convient de responsabiliser les services opérationnels et de développer des pratiques modernes de gestion du personnel.

Malgré l'éventualité de se heurter aux obstacles sus cités, il se dégage un consensus sur l'utilité de mettre en oeuvre une gestion prévisionnelle au sein des administrations.

Elle est perçue comme un levier essentiel de modernisation de la gestion publique dans la mesure où elle permet d'anticiper les évolutions à venir, d'assurer une gestion plus rationnelle d'une ressource humaine appelée à se raréfier ou du moins à se stabiliser, et de satisfaire les besoins de l'administration et des agents.

S. Vallemont confirme l'apport positif de la gestion prévisionnelle des ressources humaines (GPRH) lorsqu'il précise que: "‘Si la gestion prévisionnelle ne peut pas résoudre tous les maux de la fonction publique, pour autant elle constitue un des volets essentiels de toute politique de personnel, qui doit s'attacher à satisfaire les besoins de l'administration en terme de service public, mais aussi à répondre aux attentes des agents’"624.

L'élaboration et la mise en oeuvre des outils de gestion prévisionnelle constituent un investissement coûteux en temps et en moyens financiers :

C'est donc un investissement immatériel 625 de longue haleine nécessitant la mobilisation de nombreuses énergies, alors même que les bénéfices qui en sont attendus ne peuvent se manifester que dans la durée. En outre, comme pour tout investissement immatériel, les retombées risquent d'être perçues comme incertaines.

D'un autre côté, la gestion prévisionnelle des effectifs suppose que les ministères dépensiers s'engagent explicitement dans une politique visant à optimiser leur gestion budgétaire et à abandonner les pratiques actuelles tendant à maximiser leurs besoins en moyens et effectifs.

Cette gestion requiert la mise au point d'indicateurs fiables permettant aux gestionnaires de bien évaluer les résultats obtenus et d'adapter leurs besoins aux ressources disponibles.

Sur un autre plan, les problématiques liées à la gestion prévisionnelle peuvent contribuer à enrichir le dialogue social. Les représentants et les gestionnaires du personnel sont en effet demandeurs d'une réflexion sur l'évolution des compétences, la formation et le parcours de carrière des agents.

En outre, le thème de la gestion prévisionnelle des ressources humaines, proche des préoccupations des personnels, pourrait donner de la substance à un dialogue social déconcentré.

A notre avis, la mise en place d'une politique prévisionnelle de gestion des ressources humaines suppose :

Notes
619.

Publication du Ministère marocain de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative, "La réforme administrative au Maroc", op cit, p.33.

620.

L. Mathis, "La gestion prévisionnelle et la valorisation des ressources humaines", Les Editions d'organisation, 1982, 213 pages, p.35.

621.

D. Thierry, "La gestion prévisionnelle et préventive des emplois et des compétences", Editions L'Harmattan, Collection "Pour l'emploi", 1993, in J-M. Le Gall, "La gestion des ressources humaines" op cit, pp.67-68.

622.

M. Boyé et G. Ropert, "Gérer les compétences dans les services publics", op cit, p.78.

623.

S. Alecian et D. Foucher, "Guide du management dans le service public", op cit, p.123.

624.

Serge Vallemont, "Moderniser l'administration, gestion stratégique et valorisation des ressources humaines", op cit, p.141.

625.

Cf. Infra, p.229.