6.1.2. Définition de l'investissement immatériel

Les études menées par l'OCDE660 ont conduit à remettre en cause l'analyse fondée sur les facteurs classiques de production. Il s'est avéré que ces facteurs n'expliquent pas de façon satisfaisante les liens existant entre le progrès technique, la croissance économique et les changements institutionnels. Il a été reconnu que la formation brute de capital fixe est une mesure limitative de l’investissement et qu’il faut mettre au point d’autres outils permettant de prendre en considération aussi bien les investissements matériels qu’immatériels661.

Le Comité National de l’Information Statistique en France considère que l’investissement immatériel est "‘une dépense qui, bien qu’inscrite en charge d’exploitation, développe la capacité de production et valorise l’entreprise en s’accumulant, sous la forme d’un capital amortissable, sur une production future et en constituant une valeur patrimoniale, cédable sur le marché’"662.

En utilisant le terme de capital au lieu d’investissement, L. Edvinsson et M. Malone663 proposent l’équation suivante :

capital immatériel = capital humain + capital structurel

Par capital humain, ils entendent la combinaison des connaissances du personnel, de son talent, de son esprit d’innovation et des capacités de chacun à accomplir sa tâche.

Le capital structurel comprend les ordinateurs, les logiciels, les bases de données, la structure organisationnelle, les brevets, les marques déposées, et toutes les capacités d’organisation qui soutiennent la productivité du personnel.

Pour notre part, nous aimerions insister sur le point de vue de l'analyse socio-économique664 assimilant l’investissement immatériel à une action de création d'actif dont les effets ne sont pas immédiats mais attendus dans les années à venir.

C'est une véritable immobilisation incorporelle au sens comptable du terme. or, de nos jours bon nombre d'entreprises et organisations continuent d'assimiler certains investissements immatériels à des dépenses de fonctionnement ce qui contribue à surestimer les charges d'exploitation de l'exercice en cours et partant à baisser sa rentabilité.

La définition socio-économique repose principalement sur la durée des effets :

‘Ainsi, toute action réalisée par une entreprise ou une organisation est qualifiée d'investissement immatériel, intellectuel ou incorporel (4I), à condition qu'elle soit durable, soutenue et échelonnée dans le temps et qu'elle génère des effets relativement solides et non éphémères et volatiles.’

Cependant, quelle que soit la définition adoptée, il convient de souligner que l’efficacité de l'investissement matériel dépend de l'investissement immatériel qui lui est associé et que les dirigeants des organisations doivent comprendre que :

  • les dépenses à consentir ne se situent pas uniquement au moment de l'introduction de l'innovation technologique, mais bien en amont ;

  • les dépenses d'investissement ne concernent pas uniquement le palpable, le visible et ce qui est immédiatement utilitaire, mais aussi la création du potentiel, l'assimilation de nouvelles logiques par les personnes concernées et le développement de leur autonomie et de leur intelligence.

Pour activer leur stratégie, les organisations ont intérêt à développer et à comptabiliser l'investissement immatériel.

‘Cela leur permettrait de mieux mener les diagnostics stratégiques, de réaliser efficacement les objectifs stratégiques et de prendre les bonnes décisions stratégiques665. ’

En effet, contrairement à l'investissement matériel qui entraîne des résultas économiques à court terme, l'investissement immatériel permet de réaliser deux types de résultats :

  • des résultats immédiats en réduisant les coûts visibles et/ou en augmentant les produits visibles, et en atténuant les coûts cachés ;

  • des résultats à long terme par la création de potentiel.

Ainsi, l'investissement immatériel accroît l'espérance future de gain sans sacrifier la satisfaction immédiate. Il s'ensuit que les investissements immatériels sont plus profitables économiquement que les investissements matériels dans la mesure où le retour sur investissement est plus important et plus rapide 666 .

Notes
660.

L’Organisation de Coopération et de Développement Economique.

661.

Christine Afriat, "l’investissement dans l’intelligence", op cit. p.11.

662.

Définition élaborée par le Comité National de l’Information Statistique en France, en 1987, in Christine Afriat, "L’investissement dans l’intelligence", op cit. p.15.

663.

L. Edvinsson et M. Malone, "Le capital immatériel de l’entreprise : identification, mesure, management", présenté et commenté par Mazars, Edition Maxima, Laurent du Mesnil, Paris, 1999, 269 pages, pp.26-27.

664.

Henri Savall et Véronique Zardet, "Ingénierie Stratégique du Roseau", op cit, p.58.

665.

Ibid, p.61.

666.

Henri Savall et Véronique Zardet, "Ingénierie Stratégique du Roseau", op cit, p.62.