6.2.4. Dimension sociale

La gestion des ressources humaines ne vise pas uniquement le développement des compétences des personnels et l’amélioration des conditions de travail, d’hygiène et de sécurité. Elle intègre parfaitement la notion de productivité sur laquelle la majorité des organisations fondent leur compétitivité.

Or, cette logique exige la réduction des coûts, ce qui se traduit souvent par une réduction des effectifs, car les ressources humaines ont toujours été considérées essentiellement comme un coût. Il s’ensuit une diminution du nombre d’emplois.

C’est une question de fond à laquelle l’investissement-formation devra trouver une réponse permettant d’ouvrir de nouveaux horizons et de gérer différemment ces contradictions vives entre l’intérêt des entreprises et des organisations et l’intérêt de la société.

Dans ce contexte contradictoire, l’investissement-formation doit-il poursuivre des visées de productivité immédiate dont chacun perçoit confusément qu’elles contribuent à des crises sociales, tout en ayant à l’esprit que la survie des entreprises et des organisations non performantes est remise en cause ?

L’ouverture de la formation sur des questions autres que la logique économique est encore peu courante dans les faits. En tout cas, si les progrès technologiques et organisationnels permettent au système de production de devenir encore plus performant, cette question se posera par la force des choses699.

Comment l’investissement-formation peut-il contribuer à débloquer la situation sociale ? Comment moderniser sans exclure ?

En raison du retard accusé par les organisations en matière de formation professionnelle, ne serait-il pas judicieux dans un premier temps d'accélérer le rythme pour ensuite trouver un rythme de croisière ?

L’analyse socio-économique apporte une réponse à ces questions en soulignant que la mise en cohérence des compétences individuelles au sein du système de production exige une approche globale des problèmes.

Elle place les ressources humaines au centre de l'analyse stratégique. A cet effet, le rajustement permanent du couple (stratégie/ compétences) aux contraintes et opportunités de l'environnement devient une nécessité, d'où l'intérêt de développer des stratégies à la fois économiques et sociales.

Ainsi, le développement du potentiel humain, des compétences et des comportements professionnels sont au coeur des préoccupations de la stratégie socio-économique 700.

En effet, celle-ci estime que toute stratégie doit nécessairement comporter des objectifs de création de potentiel matériel et immatériel, condition indispensable, pour atteindre les objectifs économiques et sociaux de l'organisation.

Elle défend l’idée selon laquelle une formation bien comprise au sein des organisations devra, non seulement développer les compétences individuelles, mais aussi intégrer ces compétences dans une organisation cohérente qui déterminera la performance globale.

Enfin, l’opposition temps de travail/temps de formation, inscrite dans nos représentations mentales, considère que le second est au service du premier et y prépare.

Cette logique est remise en cause par la crise de l’emploi, non qu’elle soit complètement fausse, mais parce qu'elle se heurte à un démenti économique partiel qui montre que l’embauche n’est pas directement dépendante de l’emploi de nos jours.

Dans les organisations qualifiantes, le temps de travail est un temps de formation701. La formation professionnelle n’est plus considérée comme un temps de préparation à une activité déterminée mais comme un temps qui permet de comprendre l’environnement socio-économique, de développer les aptitudes, de répondre au désir de connaître, de se former aux nouvelles technologies, etc.

Toutes ces fonctions n’assurent pas directement l’emploi mais l’employabilité. Sous ce statut, l’investissement-formation contribue à des transformations de la vision du monde702 .

La dimension sociale de l’investissement-formation recouvre les préoccupations de la société et les difficultés liées à la désarticulation de la relation traditionnelle entre l’emploi et la formation.

Cependant, celle-ci peut contribuer à l’ouverture de nouveaux horizons acceptés par une société. La formation intégrée que nous présentons dans la troisième partie de cette thèse en est une parfaite illustration.

Notes
699.

michel sonntag, "Développer et intégrer la formation en entreprise", op cit, p.46.

700.

H. Savall et V. Zardet, "Ingénierie Stratégique du Roseau", op cit, p.444.

701.

michel sonntag, "Développer et intégrer la formation en entreprise", op cit, p.48.

702.

Ibid, p.49.