8.1.1.1. Entretiens qualitatifs

Les entretiens ont porté sur des durées variant entre deux et trois heures et étaient le plus souvent individuels et conduits à l’aide d’un guide d’entretien préétabli selon le modèle de l'analyse socio-économique. Ils étaient menés, avec l'ensemble des membres des micro-espaces choisis, d’une manière semi-directive et sans restriction bien que notre intervention ne visait que le domaine de la formation. En effet, les dysfonctionnements relevant des différents domaines de fonctionnement des services sont interdépendants et agissent en interaction les uns avec les autres.

En matière de formation intégrée, nous avons particulièrement mis l'accent sur les dysfonctionnements engendrés par :

  • l'inadéquation formation-emploi relevant aussi bien d'une faible que d'une forte qualification ;

  • les besoins de formation intégrés aux situations de travail ;

  • l'indisponibilité de certaines compétences (manque de spécialistes, défaut de savoir-faire...) ;

  • les dispositifs de formation (programme, organismes, organisation, logistique...).

Les premiers entretiens réalisés ont été menés avec l'encadrement immédiat et avaient pour objectifs de :

  • préciser l'objet de notre intervention, ainsi que son utilité pour le service ;

  • lister les opérations régulières effectuées dans les micro-espaces étudiés ;

  • recenser le personnel de ces micro-espaces ;

  • recueillir les premiers dysfonctionnements repérés grâce à l'observation directe de l'encadrement de proximité ;

  • établir le planning des interventions.

A ce premier stade du diagnostic, nous avons déjà pu déceler l'existence de deux types de profils de responsables complètement opposés :

  • d'une part, ceux qui ont un véritable profil de manager et qui sont sensibles à la formation de leurs collaborateurs. Avec ce type de responsables, nous n'avons pas rencontré de difficulté dans la mesure où dès les premiers contacts, nous étions agréablement surpris de constater que tous les documents nécessaires au déroulement de l'intervention étaient déjà préparés (détail des opérations effectuées dans le micro-espace, liste du personnel comportant leur garde, niveau d'instruction et expérience professionnelle, proposition de planning d'intervention). Plus que cela, le personnel était largement informé et sensibilisé à l'importance de notre action. Cela allait faciliter la suite du déroulement de l'intervention ;

  • d'autre part, ceux qui considèrent que la formation de leurs collaborateurs n'est pas prioritaire ou ne relève pas de leurs attributions principales. Ce type de responsables a d'autres préoccupations professionnelles et relègue la formation du personnel au second plan. Pour les structures coiffées par ce type de responsables, nous étions amenés à établir tous les documents préparatoires et à organiser nous-mêmes les différentes phases de l'intervention.

D'une manière générale, les premières impressions des personnels étaient fort encourageantes dans la mesure où lors de chaque présentation, la méthode de formation intégrée a été accueillie avec satisfaction et avec le désir de la voir se concrétiser.

Les informations recueillies, au moyen des entretiens qualitatifs, ont été analysées selon la méthode d'analyse des entretiens mise au point par H. Savall et l'équipe des intervenants-chercheurs de l'ISEOR796.

Les entretiens menés avec l'encadrement immédiat ont permis :

  • d’identifier les principales opérations effectuées régulièrement par chaque service ainsi que les tâches qui en découlent ;

  • d’avoir une première idée sur l'état des compétences et sur les dysfonctionnements dont souffre l'unité.

Les entretiens menés auprès des autres catégories de personnel ont permis de :

  • valider et de préciser les informations collectées auprès des chefs immédiats ;

  • repérer de nouveaux dysfonctionnements ;

  • faire le point sur les insuffisances de compétences par opération et par agent.

Par ailleurs, il convient de signaler que lors des différents entretiens menés nous avons rencontré trois difficultés inhérentes à l'appréhension des personnels, à leur réticence et à la surestimation de certaines tâches.

En ce qui concerne la première difficulté, nous avons constaté que contrairement à l'encadrement qui a d'emblée accueilli favorablement notre intervention, certains agents d'exécution ont été au départ plus ou moins méfiants.

D'une part, ces derniers avaient toujours pensé que leur formation n'intéressait pas l'administration, et, d'autre part, ils avaient accueilli notre intervention avec suspicion du fait qu'ils n'étaient habitués à recevoir, dans les services, que les inspecteurs vérificateurs et les auditeurs internes.

Ce n'est qu'après un grand effort de communication et d'explication de l'objectif de notre action qu'ils ont commencé à adhérer progressivement à la démarche.

toujours dans le cadre de cette difficulté relative à l'appréhension des personnels, certaines personnes, qui se considéraient comme étant parfaitement formées, ont affiché au départ une certaine opposition à l'idée de leur formation, notamment, sur les lieux de travail.

Pour ces personnes, la formation est un acte dévalorisant qui impliquerait la détection chez elles de lacunes professionnelles. Elles craignaient d'être discréditées aux yeux de leurs collègues.

Nous avons pu convaincre cette catégorie d'agents d'adhérer à notre projet en vantant les avantages de la polyvalence recherchée et les conséquences fâcheuses pour le service d'une forte vulnérabilité.

La deuxième difficulté avait trait à la réticence de certains agents qui ne voulaient pas communiquer le contenu de leur poste de travail et décrire la manière dont ils s'acquittaient de leurs tâches.

Leur attitude s'expliquait par leur crainte de perdre le pouvoir dont ils ont toujours disposé dans la mesure où ils étaient les seuls à maîtriser, au sein du service, les attributions de leur poste de travail.

Mais, ils ont fini par adhérer à la méthode dès que nous leur avons expliqué que la démarche de formation intégrée est fondée sur un échange mutuel des connaissances et des savoir-faire.

En effet, ils avaient compris qu'ils étaient gagnants dans l'opération dans la mesure où en partageant avec leurs collègues leurs connaissances et savoir-faire, ils allaient recevoir, en contrepartie, les connaissances et les savoir-faire de tous les autres collègues.

Enfin, la troisième difficulté rencontrée au niveau des entretiens qualitatifs résidait dans la surestimation par certains agents de leur charge de travail et de la complexité de leur poste de travail. Ces agents voulaient se faire valoir à nos yeux et aux yeux de leur direction.

Nous avons pu surmonter cette difficulté en procédant à des recoupements avec les informations recueillies auprès d'autres personnes occupant les mêmes postes de travail mais aussi en recourant à l'observation directe qui constitue un autre mode de collecte des données prévu par l'analyse socio-économique.

Ces difficultés, que certains acteurs ont essayé d'imputer à la culture bureaucratique ambiante au sein de l'administration, sont en fait engendrés par les comportements produits par le mode de management en vigueur. Pour preuve, les personnes concernées ont adopté une attitude plus réceptive au changement à partir du moment où elles ont été sensibilisées aux apports positifs de la méthode de formation intégrée qui leur a été proposée.

La figure n°21 ci–après donne une synthèse des difficultés rencontrées lors des entretiens qualitatifs menés par nos soins dans le cadre des diagnostics socio-économiques.

Figure n°21 : Synthèse des difficultés rencontrées lors des entretiens qualitatifs
Type de difficulté Cause de la difficulté Attitude adoptée pour la surmonter
Attitude de certains responsables considèrent que la formation de leurs collaborateurs n'est pas prioritaire ou ne relève pas de leurs attributions principales ;
ont d'autres préoccupations professionnelles et relèguent la formation du personnel au second plan.
nous étions amenés à établir tous les documents préparatoires et à organiser nous-mêmes les différentes phases de l'intervention.
Appréhension de certaines catégories du personnel ils pensaient que leur formation n'intéressait pas l'administration ;
ils n'étaient habituées à recevoir, dans les services, que les inspecteurs vérificateurs et les auditeurs internes ;
se considèrent comme étant parfaitement formées ;
elles perçoivent la formation comme un acte dévalorisant qui impliquerait la détection chez elles de lacunes professionnelles ;
elles craignaient d'être discréditées aux yeux de leurs collègues.
nous avons pu convaincre cette catégorie d'agents à adhérer à notre projet en vantant les avantages de la polyvalence recherchée et les conséquences fâcheuses pour le service d'une forte vulnérabilité.
Réticence de certains agents ne voulaient pas communiquer le contenu de leur poste de travail et décrire la manière dont ils s'acquittaient de leurs tâches ;
ils craignaient de perdre le pouvoir dont ils ont toujours disposé dans la mesure où ils étaient les seuls à maîtriser, au sein du service, les attributions de leur poste de travail.
nous leur avons expliqué que la démarche de formation intégrée est fondée sur un échange mutuel des connaissances et des savoir-faire ;
ils avaient compris qu'ils étaient gagnants dans l'opération dans la mesure où en partageant avec leurs collègues leurs connaissances et savoir-faire, ils allaient recevoir, en contrepartie, les connaissances et les savoir-faire de tous les autres collègues.
Surestimation par certains agents de leur charge de travail et de la complexité de leur poste de travail voulaient se faire valoir à nos yeux et aux yeux de leur direction. nous avons fait des recoupements avec les informations recueillies auprès d'autres personnes occupant les mêmes postes de travail ;
nous avons fait recours à l'observation directe.

Notes
796.

Voir annexe 3, "Analyse des entretiens issus des diagnostics socio-économiques", pp.455-496.