2.2.2 La particularité du management public

Bien que les concepts et les outils issus du secteur privé aient investi la fonction publique, le management appliqué aux organisations publiques est bien différent. Il est vrai que les organisations publiques sont gérées par des fonctionnaires de l’Etat, devenus des managers publics et bénéficiant d’une certaine autonomie pour gérer leurs organisations. Cependant, ces managers sont placés sous le contrôle des pouvoirs publics et agissent selon un ensemble de règles imposées par le droit public. Dès lors, la liberté des fonctionnaires publics est beaucoup plus limitée que celle des entrepreneurs privés. Les organisations publiques doivent édifier des projets de société et lutter contre les risques de fractures sociales, en proposant des services publics dans les mêmes conditions pour tous les citoyens.

J-C. Werrebrouck ³⁶⁷ rappelle la spécificité des rapports existants dans la sphère publique : ce sont des rapports basés sur des principes bureaucratiques ³⁶⁸ qui, comme le démontre M. Crozier ³⁶⁹ , sont des constantes caractéristiques de la société française. Ces rapports sont envisageables selon deux sortes de relation ³⁷⁰ :

• la relation qui lie les fonctionnaires entre eux : Bien que leurs relations se soient considérablement améliorées, les fonctionnaires accordent beaucoup d’importance à leurs droits et à leurs statuts hiérarchiques. En effet, les dirigeants français n’ont pas de possibilité d’intervention réelle auprès des fonctionnaires qui leur sont subordonnés, car ces derniers sont protégés par la Loi contre toute décision arbitraire (les fonctionnaires en France sont recrutés par concours et leur licenciement est chose exceptionnelle). En outre, les dirigeants ne peuvent pas délibérément prendre de décisions. J-C. Werrebrouck cite l’exemple d’un président d’université qui «ne peut pas s’installer librement dans une autre région, embaucher librement un professeur, etc.» ³⁷¹ . En vérité, les managers publics ne disposent que d’une marge de liberté limitée par rapport aux entrepreneurs privés. Ceci limite fortement leur rôle de novation et d’animation au sein des organisations publiques.
• la relation qui lie les fonctionnaires aux citoyens. Les fonctionnaires délivrent des services non marchands aux citoyens qui en réclament de plus en plus. Ceci a entraîné certes, une augmentation de responsabilités des fonctionnaires publics qui voient leurs activités de services, prendre le pas sur leurs activités de contrôle. En revanche, ces fonctionnaires ne peuvent pas entretenir des relations « affectives » (i.e. personnelles) avec leurs «clients» comme le font les entrepreneurs du secteur privé. Cette caractéristique a conduit certains fonctionnaires à oublier les objectifs de leur fonction, en ne s’investissant plus que sur les formes et les procédures ³⁷² .

Par ailleurs, J-F.Auby ³⁷³ souligne l’attachement des organisations publiques à l’accomplissement de leurs missions publiques, ce qui les distingue encore une fois des organisations privées. Cet auteur souligne que le fait de «vouloir réduire le management des organisations publiques à une simple transposition des règles de management privé revient à oublier les missions fondamentales et spécifiques des organisations publiques» ³⁷⁴ .

Pour mieux comprendre le management public, il et nécessaire de voir la particularité des organisations publiques et leur évolution. Dans cette perspective, nous allons définir ce que c’est qu’une politique publique et passer en revue les principaux écueils de son évaluation en France. Nous décrirons ensuite, les nouvelles règles à suivre pour améliorer la gestion des organisations publiques dans le cadre d’un management public.