3.4.1.2- L’essentiel des projets américains en cours

Parallèlement aux initiatives européennes, on voit se développer dans les pays nord-américains, des projets de recherche fortement impulsés par des associations de bibliothécaires. Force est de constater toutefois, que le débat sur la question de l’évaluation n’est pas récent dans ces pays qui ont d’ailleurs beaucoup investi dans ce domaine. Les Etats-Unis se sont même servis de l’évaluation comme d’un véritable levier pour la transformation de la gestion de leurs politiques publiques.

Comme le rappelle L. Roubon 727 , les origines de la pratique de l’évaluation aux Etats-Unis remontent à la fin du XIXe siècle. A l’époque, cette pratique avait pour but le contrôle des finances publiques 728 .

Mais, le champ d’action de l’évaluation s’est considérablement étendu depuis son institutionnalisation en 1972. L’évaluation est devenue alors, un devoir de justification aux autorités publiques pour tout fonctionnaire américain et un droit reconnu aux citoyens de contrôler l’activité et la morale publique 729  ; elle est pratiquée par des experts indépendants ayant des spécialités diversifiées : des statisticiens, des sociologues, des économistes et des spécialistes d’administrations publiques.

A l’évidence, cette culture de l’évaluation s’est enracinée dans toutes les organisations américaines telles que les Bibliothèques qui jouissent d’une renommée internationale en ce domaine. P. Carbone rappelle à cet effet, que les Etats-Unis est parmi les premiers pays anglo-saxons qui se sont les plus engagés dans l’élaboration des manuels d’évaluation pour les Bibliothèques et l'application des indicateurs de performance 730 .

Toutefois, l’examen de l’expérience américaine nous montre qu’il s’agit essentiellement d’évaluations conçues à l’intérieur des établissements, dans une perspective d’amélioration des mesures de performance. Ces pratiques font également, l’objet de partenariats entre des Bibliothèques de même type ; elles ont comme objectif commun la gestion efficiente des programmes conçus pour améliorer la qualité des services des Bibliothèques, en vue de mieux rendre compte aux organisations gouvernementales et/ou privées qui les financent 731 .

Par ailleurs, l’expérience américaine révèle que l’évaluation sert à renforcer l’autonomie et la capacité d’action d’un groupe humain. R. Bérard constate à cet égard, que l’évaluation est devenue plus participative dans les Bibliothèques universitaires aux Etats-Unis, dans la mesure ou elle est « structurée en équipes animées par un leader qui (…) supervise, aide et conseille. Les équipes se réunissent régulièrement pour définir leurs objectifs – sans en référer systématiquement à la hiérarchie – et évaluer leur action » 732 .

Comme conséquence à l’irruption massive des nouvelles technologies dans les Bibliothèques américaines 733 , les méthodes de collecte ont évolué ces dernières années. Ces méthodes sont conçues pour venir en aide aux établissements qui éprouvent des difficultés à évaluer leurs services et ressources électroniques.

Il s’agit pour les Bibliothèques universitaires 734 , 735 publiques 736 , 737 et de recherche 738 , de se doter de moyens pour justifier leurs dépenses en nouvelles technologies. Ces Bibliothèques souhaitent en fait, déterminer dans quelle mesure les nouveaux services et ressources acquis répondent aux besoins du public ; elles souhaitent savoir précisément, quels en sont les usages et les coûts réels. Pour y parvenir, les Bibliothèques américaines participent massivement à des projets de recherche qui sont commandités par différentes associations de Bibliothèques : nous retenons essentiellement l’Association of Research Library (ARL) et l’Institute of Museum and Library Services (IMLS) qui financent les recherches sur l’évaluation des services et des ressources électroniques. A cela s’ajoute le programme GéoLib conduit en partenariat entre le FREAC de l’université de Floride et le Department of Education de l’université de Colorado.

Notes
727.

L. Rouban. « L’évaluation, produit d’importation ? : une tradition bien ancrée dans les pays anglo-saxons », in : Problèmes politiques et sociaux, n°853, 23 février 2001, pp. 21-23.

728.

En 1921, l’agence General Accounting Office a été créée pour aider à rationaliser les décisions publiques. Depuis, les travaux de cette agence financés par le Département de la Défense au sein du Congrès ont évolué. Ils se sont diversifiés, puisqu’ils concernent l’évaluation rétrospective et prospective des programmes sociaux, économiques et politiques de l’administration fédérale.

729.

M. Crozier. « L’échec de l’évaluation en France tient au modèle jacobin », in : Pouvoirs locaux, revue trimestrielle de l’Institut de la décentralisation, n°38, 1998, pp. 40-43.

730.

P. Carbone, op. cit., 1998.

731.

S. L. Baker, op. cit., 1991.

732.

R. Bérard. « Les Bibliothèques universitaires américaines : exemple ou modèle ?, in : Bulletin des Bibliothèques de France, t.43, n°6, 1998, pp. 16-24.

733.

Le nombre de Bibliothèques publiques connectées au réseau Internet est passé de 20%9 en 1994 à 83,6% en 1998 (Bertot, 1999). Les Bibliothèques de recherche américaines ont dépensé 49 millions de dollars à l’achat des ressources électroniques en 1998 ( http://www.arl.org ). L’informatique s’est également développée dans les Bibliothèques universitaires, étant donné que tous les campus américains sont câblés et équipés, y compris les chambres de résidences universitaires (R. Bérard, 1998).

734.

C. McClure et C. Lopita. « Managing technology, assessing the academic networked environment », in : The journal of academic librarianship, juillet 1996, pp. 285-289.

735.

N. Van House, op. cit. 1990.

736.

C. M. Koontz, et al. “Collecting detailed in-library usage data in the U.S. public libraries: the methodology, the results and the impact”, in : Proceedings of the 3rd Northumbria International Conference on Performance Measurement in Libraries and Information Services, Value and Impact, 27-31 août 1999, pp. 175-179.

737.

C. McClure, J. C Bertot et J. Ryan, « Developing national network statistics and performances measures for US public libraries : issues, findings and recommendations », in : Performance measurement & metrics : the international journal for library and information services, vol.1, n°1, avril 2000, pp. 15-42.

738.

C. McClure et al. ARL E-Metris project : developing national statistics and performance measures to describe eletronic information services and resources for ARL libraries, novembre 2000 http://www.arl.org/stats/newmeas/emetrics/phaseone.pdf (site web consulté le 16/01/2001).