4.1.3 La nécessité d’une démarche «scientifique» pour l’évaluation des Bibliothèques

De par la définition fournie dans le premier chapitre, le rôle de l’évaluation est de permettre aux bibliothécaires de déterminer régulièrement dans quelle mesure ils ont répondu aux besoins qu’ils sont sensés satisfaire en termes d’efficacité, d’efficience et de pertinence, le but étant d’améliorer les performances de leur organisation et leurs effets. De même, le rôle joué par l’évaluation dépend non seulement de l’implication et de la motivation de tous les acteurs de l’organisation, mais surtout de la définition préalable des objectifs et des stratégies. Enfin, l’évaluation implique une disposition à vouloir s’auto évaluer et à rendre disponible pour chacun les résultats de ses activités et ses services. Mais, qu’en est-il des pratiques d’évaluations poursuivies en Bibliothèque ?

Il résulte d’un rapport national, publié en 1998 par A. Girard-Billon 761 et T. Giappiconi, que le retard dans le développement des pratiques d’évaluation concerne tout particulièrement les Bibliothèques. Les résultats de ce rapport élaboré à partir d’une enquête 762 , portant sur les méthodes d’évaluation en usage dans les Bibliothèques publiques, démontrent que :

Ces problèmes nous conduisent à formuler un certain nombre d’interrogations sur les obstacles qui peuvent freiner une application dynamique et partagée de l’évaluation au sein des Bibliothèques françaises.

Bien sûr, les bibliothécaires comptent et établissent des statistiques de façon régulière. Les rapports diffusés par la DLL et la SDBD le prouvent. Toutefois, nous n’avons pas connaissance de ce que leur apportent effectivement ces rapports. Les critiques relevés dans le deuxième chapitre concernant la publication tardive de ces rapports et leur contenu sommaire nous amènent à postuler le manque de pratique et les connaissances « rudimentaires » de la notion d’évaluation chez les bibliothécaires. Nous pensons que les questionnaires remplis pour les ministères et l’élaboration des rapports d’activités pour leurs tutelles directes (la collectivité territoriale pour une Bibliothèque publique et le conseil d’administration pour une Bibliothèque publique) constituent les seuls recours à l’évaluation dans les Bibliothèques en France.

En l’absence de travaux d’évaluation produits par les Bibliothèques qui affirment ou réfutent ce postulat, pouvons-nous alors, considérer que la légitimité est actuellement la seule raison d’être de la pratique d’évaluation dans les Bibliothèques ? Cette question nous renvoie encore une fois, au principe de transparence qui a longtemps fait défaut dans les établissements publics, car on considérait l’évaluation comme étant la recherche de la faute et de l’incrimination. Dés lors, la finalité de mettre à disposition de tous, des informations permettant de juger les effets et les coûts des politiques de ces organisations est rarement atteinte.

Pouvons-nous alors rendre responsables les établissements de formations des bibliothécaires de l’insuffisance de connaissances de ces derniers et du modeste avancement de la recherche sur l’évaluation des Bibliothèques ? Il ressort d’une enquête de l’IFLA menée en 1997 par le groupe de travail « évaluation » de l’Association des Directeurs de Bibliothèques Universitaires (ADBU) qu’un manque de formation et d’information est ressenti chez les bibliothécaires qui n’ont pas acquis au cours de leur formation initiale des connaissances approfondies concernant le management et l’évaluation. A l’époque, l’enseignement du module d’évaluation pour la préparation du diplôme de conservateur des Bibliothèques en France ne dépassait pas les 25 heures sur un total de 696 heures de formation. Cette situation a bien évolué au cours de ces deux dernières années car nous remarquons une forte mobilisation des établissements 763 pour contribuer à instaurer une culture d’évaluation dans les Bibliothèques françaises. A cela s’ajoute, le progrès de la recherche que nous l’avons vu au travers de la description des projets de recherche en cours et auxquels les Bibliothèques font part. Leur participation dénote probablement d’un changement de l’état d’esprit que nous avons observé dans la littérature au travers de quelques initiatives récentes entreprises dans les Bibliothèques en France. En revanche, nous ne savons pas si ce nouvel état d’esprit est suivi de changements dans le mode de gestion des Bibliothèques.

Notes
761.

A. Girard-Billon, op. cit., 1999.

762.

Il s’agit de questionnaires adressés à près de 500 Bibliothèques publiques (94 Bibliothèques départementales de prêt et 399 Bibliothèques municipales des villes de plus de 20 000 habitants) dont 128 ont été retournés remplis. La grille de ces questionnaires a été élaborée à partir de la norme ISO 11620, de la boîte à outils produite par l’IFLA et de l’ouvrage de A. Kupiec publié en 1994 (et référencée dans notre liste bibliographique).

763.

Pour la formation continue, il y a environ 100 heures consacrées aux questions d’évaluation en générale durant l’année universitaire 2000/2001, dont un quart consacré exclusivement à l’évaluation des collections, et un peu à l’évaluation des personnels. Quant à la formation initiale, l’ENSSIB a programmé durant la même année 6 heures au module de l’évaluation.