Plus de la moitié des Bibliothèques interrogées soulignent que leur démarche d’évaluation trouve son origine dans les documents produits par la DLL et la SDBD. La périodicité de l’exercice d’évaluation le prouve puisque 77,8% de l’échantillon déclarent évaluer de façon annuelle (voir fig.17 où on trouve 22, 2% de non-réponse) ; ils réunissent constamment des informations pour évaluer leurs niveaux d’activité ainsi que les ressources documentaires et les installations que possèdent leurs établissements. Mais personne n’indique évaluer quotidiennement, ni trimestriellement ni encore semestriellement.
L’analyse des questionnaires nous permet de relever que l’évaluation des dépenses, des ressources documentaires et de la satisfaction du public est conduite par les bibliothécaires dans un intervalle plus court. Alors que 15,6% de l’échantillon ont recours à l’évaluation chaque semaine pour gérer leurs dépenses, 18,1 % préfèrent la pratiquer mensuellement. En matière de gestion de ressources documentaires, nous remarquons que l’évaluation des documents destinés au prêt est plus fréquente que celle relative à la consultation sur place des documents que ce soit en libre accès ou en mode différé. Ceci peut s’expliquer par la disponibilité des données relatives aux transactions de prêts qui sont faciles à obtenir par les SI des Bibliothèques. Même constat pour la mesure de l’usage des services de référence et d’information d’une part, et des équipements en libre accès d’autre part. Il ressort de l’enquête que leur décompte hebdomadaire n’est pas effectué par toutes les Bibliothèques interrogées.
Pour ce qui concerne la satisfaction des publics dont l’appréciation suppose l’élaboration d’enquêtes plutôt qualitatives, force est de constater que son évaluation est peu fréquente. Ainsi, le pourcentage des bibliothécaires appréciant chaque mois la qualité perçue de leur service offert est de 10,8% alors que 4,7% évaluent la satisfaction de leurs publics annuellement. Ce résultat est révélateur des difficultés que rencontrent les Bibliothèques pour conduire des enquêtes auprès des usagers acquis de façon plus régulière, alors qu’elles constituent un outil d’aide à la décision important pour le choix des prestations de services.
Enfin, et d’après le questionnaire, le suivi de la gestion quotidienne du personnel qui consiste à définir les temps passés en travail interne et en service public est rarement effectué. Sinon, les choix de la périodicité sont différenciés du fait que 17,5% de l’échantillon déclarent contrôler annuellement les tâches de leurpersonnel et au moins 4,5% le font à un intervalle plus court (4,5% contrôlent les tâches du personnel mensuellement et 5% le font chaque semaine). Ce taux relativement faible peut s’expliquer par l’existence d’une certaine réticence vis-à-vis de la gestion du personnel. Comme le souligne P. Debrion 811 , cette gestion est perçue comme un outil de surveillance, alors qu’elle doit permettre de responsabiliser tous les personnels et de savoir si les ressources humaines sont bien utilisées et si la charge du travail n’est pas supérieur à la capacité du personnel.
Des observations de l’enquête, il ressort donc que plus l’aspect à évaluer demande une réflexion plus importante sur la méthode et un recours à des outils plus sophistiqués, moins la périodicité est courte. Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que très peu de bibliothécaires interrogés sont conscients des limites de leur pratique d’évaluation (voir fig.18). D’une part, 27,9% considèrent que leur pratique est peu satisfaisante alors 13,4% pensent le contraire. D’autre part, 15,1% de l’échantillon reconnaissent qu’ils évaluent à des intervalles irréguliers contre 29,1% qui estiment que la périodicité avec laquelle ils évaluent est constante. Les réponses aux questions ouvertes nous ont permis de relever quelques précisions concernant les raisons de la non satisfaction déclarée par certains bibliothécaires. Parmi les arguments que l’on peut citer, nous relevons surtout « la surcharge du travail incombant au personnel qui laisse très peu de temps aux bibliothécaires pour évaluer ». Certains avouent que « leur pratique est très souvent ponctuelle et qu’elle s’effectue lors de périodes d’activités plus calmes ». Le manque de personnel compétent et formé aux méthodes de collecte et d’analyse de données est encore un argument avancé par d’autres bibliothécaires qui constatent que l’évaluation de la satisfaction du public, de la consultation sur place des ressources et de l’usage du service de référence est difficile à réaliser à un intervalle régulier car elle implique des procédures qu’ils ne maîtrisent pas. Pour d’autres encore, en justifiant la périodicité irrégulière de leur pratique, « évaluer tout le temps n’est pas forcement utile » ; ils postulent pour un recours à l’évaluation en cas de besoin.
Les pratiques d’évaluation des Bibliothèques semblent dans la majorité des cas impliquer tout le personnel (voir fig.19). Ceci est valable aussi bien pour les Bibliothèques publiques (42,3%) que pour les Bibliothèques universitaires (34,1% pour les Bibliothèques d’universités et 10,5% pour les Bibliothèques de grands établissements). Cependant, nous constatons que la pratique d’évaluation est aussi confiée à une personne qui a la charge d’assurer son suivi et de réunir toutes les informations susceptibles de repérer les problèmes éventuels. Ainsi, les sources d’informations utilisées sont principalement informelles (voir fig.20). Elles sont constituées de remarques du personnel, d’observations et de critiques faites par les usagers acquis. Cet échange d’informations de bouche à oreille est une source non négligeable pour le bibliothécaire français ; il est susceptible d’apporter des indicateurs ne figurant pas dans les sources formelles.
Concernant les sources formelles, plus de 21% des Bibliothèques publiques et des Bibliothèques d’universités exploitent les données statistiques recueillies par leur SIGB. Par contre, seuls 7,8% des Bibliothèques de grands établissements utilisent cette source dans leur démarche d’évaluation. En d’autres termes, les sources formelles sont considérées moins importantes pour ces établissements que les sources informelles (fig.20).
Cependant, les résultats obtenus nous laissent penser que l’approche d’évaluation dans les Bibliothèques publiques et les Bibliothèques universitaires est beaucoup plus empirique que scientifique. D’abord, l’amélioration de cette approche s’appuie sur l’expérience professionnelle des évaluateurs (fig.20). De ce point de vue, nous pouvons déduire que la situation dans les Bibliothèques publiques n’a pas beaucoup évoluée depuis le rapport publié par A. G-Billon et T. Giappiconi 812 en 1998. Nous relèverons à cet égard, que la situation s’avère analogue à celle observée dans les Bibliothèques universitaires. Ensuite, l’enquête nous apprend que les Bibliothèques publiques et les Bibliothèques universitaires utilisent très peu les normes ISO 11620 et ISO 2789 (fig.21). Seuls 13% de l’ensemble des Bibliothèques interrogées déclarent recourir à ces outils stratégiques pour sélectionner leurs indicateurs et mesures de performance. Il est donc permis d’avancer que dans les faits :
L’examen détaillé des méthodes de collecte de données montre par ailleurs, que les Bibliothèques utilisent plus les méthodes quantitatives que les méthodes qualitatives. En effet, 34% de l’échantillon (fig.22) se servent effectivement du module statistique de leur SIGB pour calculer le nombre d’emprunteurs, d’exemplaires en prêt et d’usagers inscrits. Ce module est largement exploité pour l’évaluation de l’offre documentaire et de l’activité bibliothéconomique 813 de la Bibliothèque. Il est intéressant de constater par contre, que 20% de l’échantillon collectent les données relatives à l’usage sur place (voir fig.22). Mais, ils précisent qu’il s’agit d’un décompte manuel concernant un aspect spécifique de l’usage sur place (tels que les ressources électroniques ou encore les dossiers de presse). Ce décompte est refait à des intervalles plus ou moins larges. Le tourniquet ou la cellule photo électronique est un outil opérationnel utilisé par 17,1% de l’échantillon pour le décompte automatique du nombre d’entrées. Comme autres méthodes de collecte de données, 1,9% de l’échantillon indiquent qu’ils élaborent des fiches de tâches de personnels pour le suivi quotidien des activités attribuées au personnel.
Les enquêtes de satisfaction auprès des usagers sont peu conduites dans la mesure où elles ne sont effectives que pour 24,1% de l’échantillon. Ces derniers soulignent cependant, que le recours à cette méthode qualitative est peu fréquent en raison de la complexité de sa mise en œuvre et de l’interprétation de ses résultats. Ils notent également la lourdeur de la mise à jour régulière des grilles d’enquêtes. D’autres bibliothécaires mettent en cause le caractère très général des exemples d’enquêtes qui sont proposés par la littérature professionnelle et qui ne reflètent pas la réalité du changement des Bibliothèques françaises et de leur public.
Nous remarquons que l’utilisation des enquêtes est focalisée sur deux types de services. Le premier concerne la fourniture des documents à savoir le prêt à domicile, la consultation sur place de certains types de supports d’information (le plus souvent les microformes et les catalogues de la Bibliothèque) et la délivrance de copies d’extraits de documents provenant d’autres Bibliothèques. Ce dernier service est valable pour le cas des Bibliothèques universitaires. Le second type de services recouvre l’accueil (notamment par le décompte des heures d’ouverture), les orientations ainsi que la formation dispensée par le personnel au profit des usagers actifs.
Quant à l’évaluation du contenu des ressources documentaires, nous notons que le taux des Bibliothèques n’ayant pas conçu un plan de développement des collections est prédominant. Il a dépassé les 50% dans l’échantillon choisi pour représenter les Bibliothèques publiques et les Bibliothèques universitaires (voir fig.23). Mais, plus du quart restant se sert de cet outil pour répondre à des objectifs d’évaluation différents.
Dans l’ensemble, les bibliothécaires concernés par notre étude utilisent le plan de développement (voir fig.24) pour évaluer de façon détaillée l’état de leur collection (17,7%), le niveau intellectuel de chacun de ses domaines (15,3%) ainsi que la question de rotation des documents (13,3%). Mais, l’appréciation de l’usage de la collection apparaît très peu pratiquée par les Bibliothèques interrogées. La consultation sur place de la collection est appréciée par 5,7% de l’échantillon, alors 7,7% de ce même échantillon ont conçu des plans de développement des collections pour évaluer l’usage à domicile des collections. Même taux obtenu pour l’évaluation de l’usage de la collection par type de lecteur (7,7%).
Il apparaît clair que l’appréciation de la disponibilité des ressources documentaires que ce soit par type de lecteur ou par segment documentaire est difficile à mettre en place pour les bibliothécaires. Ce constat peut s’expliquer par le manque de disponibilité d’outils pratiques facilitant l’évaluation de l’usage des ressources documentaires. D’ailleurs, si les appréciations issues de la segmentation intellectuelle des ressources documentaires apparaissent mieux pratiquées, c’est en raison de l’utilisation du SIGB qui permet de mesurer l’état et la rotation des collections par domaine.
Néanmoins, les conclusions de l’analyse du contenu de cet outil nous conduisent à relever quelques divergences entre les Bibliothèques publiques et les Bibliothèques universitaires. En effet, nous constatons que la pratique de la segmentation intellectuelle est plus importante dans les Bibliothèques universitaires que dans les Bibliothèques publiques (voir fig.25). A l’inverse de ces dernières, les Bibliothèques des grands établissements n’ont d’ailleurs, aucune pratique de l’évaluation de l’usage des ressources documentaires (i.e. l’usage sur place, à domicile ou par type de lecteur).
En dehors de ces quelques points divergents, les analogies entre les Bibliothèques publiques et les Bibliothèques universitaires sont évidentes en matière de politique documentaire. Nous notons, dans les deux cas, la volonté de développer des collections de façon adaptée. Cet intérêt va dans le sens des recommandations du conseil supérieur des Bibliothèques 814 .
P. Debrion, « La gestion des ressources humaines : quelques indicateurs », in : Bulletin de Bibliothèques de France, t.45, n°1, pp. 71-74.
A. G-Billon, op. cit., 1999
Cela renvoie essentiellement aux fonctions d’acquisition, du catalogage, d’indexation, de conservation et de désherbage.
Conseil Supérieur des Bibliothèques, op. cit., 1998