Conclusion du quatrième chapitre : Notre diagnostic 

Dans ce chapitre, nous avons procédé à une description de la pratique d’évaluation telle qu’elle est perçue par le bibliothécaire français. Les résultats nous montrent que les bibliothécaires sont effectivement sensibles à la pratique d’évaluation et sont conscients de son rôle dans l’amélioration de la gestion de leurs établissements. Au terme de cette analyse, nous dégageons quatre conclusions positives :

• Les analogies entre les Bibliothèques publiques et les Bibliothèques universitaires sont nombreuses ; elles concernent aussi bien les missions que les politiques documentaires engagées. 
• La pratique d’évaluation dans les Bibliothèques françaises est dotée de finalités claires qui sont établies eu regard des missions pré-définies ; elle est conduite par des personnes qualifiées occupant des postes clefs dans l’établissement ; elle est menée dans le cadre d’un management qui se veut de plus en plus participatif ;
• Une volonté d’harmonisation des pratiques d’évaluation anime les bibliothécaires qui sont très sensibles à l’information et aux nouvelles technologies ;
• La tendance consiste aujourd’hui à élargir le champ de l’évaluation à l’analyse de l’efficience et de l’efficacité de l’établissement.

Cependant, nous avons observé un nombre important de problèmes qui sont rencontrés par les bibliothécaires responsables de l’évaluation dans leurs établissements. Ces problèmes se justifient par :

• le caractère empirique et irrégulier de la pratique d’évaluation qui prédomine encore dans les établissements en France ;
• le manque de motivation du personnel quant à l’échange de résultats des pratiques d’évaluation entre les Bibliothèques ;
• la prédominance des bilans statistiques par rapport à des analyses plus approfondies notamment celles relatives à la qualité des services et à la recherche de l’impact.

Beaucoup de bibliothécaires sont conscients des limites de leurs SIGB pour l’exploitation des informations. Ces systèmes sont incapables d’exploiter les indicateurs de performance et de traiter les données permettant d’évaluer la qualité des services, le rapport coût-efficacité et la pertinence. Techniquement, les bibliothécaires ne disposent pas de moyens pratiques susceptibles de mesurer l’utilisation des services et des ressources électroniques. Ils ne peuvent pas collecter et traiter les données internes et externes par le même système. Ils ont recours très souvent à un ou plusieurs autres logiciels standard pour établir des statistiques et éditer des tableaux de bord et des rapports. A la présence de ces problèmes, s’ajoute le manque de temps et le manque de personnels suffisants pour évaluer de façon régulière tous les maillons de l’organisation.

Les témoignages recueillis concernant l’amélioration des performances des Bibliothèques viennent affirmer que la parution récente des normes n’est pas suffisante pour amener les Bibliothèques à développer leur pratique. Formés les bibliothécaires aux concepts et aux techniques d’évaluation s’avère nécessaire d’après l’enquête :

• Sur le plan méthodologique, nous avons observé la faible capacité des bibliothécaires à classer les niveaux de performance. En outre, nous avons constaté que l’effort d’utilisation de l’information pour la prise de décision ne prend pas suffisamment en compte l’évolution de l’environnement de l’établissement. En plus, les bibliothécaires interrogés consacrent beaucoup de temps à l’évaluation des ressources documentaires au détriment des autres ressources.
• Sur le plan instrumental, les bibliothécaires déclarent leur faible connaissance des méthodes de collecte de données qualitatives et des méthodes de calcul des indicateurs de performance.

Face à leurs modes d’organisations et à leurs problèmes, l’alternative viable pour les bibliothécaires français, partageant plus ou moins les mêmes préoccupations d’amélioration des performances, est d’adopter un outil d’évaluation informatisé. C’est pourquoi, ils sont favorables à la mise en place d’un SIAD. Celui-ci devrait :

• contenir une matrice d’indicateurs de performances organisée selon trois critères d’évaluation (l’efficacité, l’efficience et la pertinence) ;
• être compatible aux différents SI employés en Bibliothèque pour récupérer les données internes et externes ;
• proposer surtout plusieurs modèles de rapports et de tableaux de bord.

Ce système devrait mobiliser les bibliothécaires pour une réflexion stratégique et actualisée sur les performances de leurs établissements et, par conséquent sur les thèmes prioritaires. Pour essayer de répondre aux besoins actuels des bibliothécaires, nous proposons dans le chapitre suivant, un prototype de SIAD dont les principales fonctionnalités sont le recueil et le stockage de données, le traitement des données et la communication des résultats d’évaluation. Il importe cependant, de souligner que la viabilité d’un tel système dépend largement de la nécessaire mise en place d’un processus cohérent qui tient compte des missions de la Bibliothèque et de son environnement. Comme noté précédemment (cf. premier chapitre), le dispositif d’évaluation est un processus constitué de deux étapes. La première d’ordre méthodologique consiste à définir un projet d’action en se basant sur des objectifs hiérarchisés. La définition du projet est d’une importance primordiale parce qu’elle détermine le fonctionnement de la Bibliothèque à court, à moyen et à long termes, la répartition de ses ressources ainsi que l’offre de ses services. La seconde étape d’ordre opérationnelle concerne la collecte et l’analyse des informations pour repérer les situations d’incertitudes ou les possibilités offertes à l’établissement. Il est utile donc, de souligner ici que le recours à un SIAD ne suffit pas pour résoudre tous les problèmes des bibliothécaires. Nous avons vu que ces derniers ont besoin d’acquérir avant tout une démarche d’analyse plus objective et un comportement plus rationnel. Dans cette optique, nous proposons ci-après, deux exemples de dispositifs spécifiques d’évaluation testés sur le terrain. Le premier construit aux regard à la vocation et au contexte particuliers d’une Bibliothèque publique desservant une population de plus de 20 000 habitants. Le second correspond au cas d’une Bibliothèque universitaire.