Conclusion

Le concept d’évaluation est évoqué dans de nombreuses thématiques de la littérature professionnelle en France comme ailleurs. Cependant, force est de constater, lors de notre revue de la littérature, que les définitions et les objectifs sont variés, que les critères et les instruments sont diversifiés et que certaines idées reçues sont véhiculées sur l’évaluation.

L’évaluation est souvent présentée comme un outil de contrôle et de sanction, un instrument d’expertise ou un outil de légitimation. Or, nous avons constaté dans le premier chapitre de la thèse que l’évaluation contient le mot « valeur » et qu’évaluer une organisation, c’est avant tout juger des valeurs de cette organisation

Au terme d’un aperçu sur les approches développées en sciences politiques et en en sciences de la gestion qui mettent en évidence la nécessaire corrélation entre les valeurs et les faits, l’organisation et son environnement, nous dégageons dans le deuxième chapitre le besoin de repenser l’évaluation dans une perspective managériale. Cela suppose que l’on considère l’évaluation comme un processus d’information et d’aide à la décision fondé sur l’apprentissage et que l’on tienne compte de la pluralité des contraintes et des intérêts des différents acteurs de l’organisation. L’enjeu principal de ce processus réside dans la manière d’expliquer en amont des faits pour prendre une décision jugée satisfaisante à un moment donné. Cette décision est convertie en scénarios d’actions dont les effets sont en aval évalués.

L’étude de l’environnement socio-politique et technico-économique en mutation des bibliothèques -exemple d’organisation visée par notre recherche- nous a conduit dans le troisième chapitre à s’interroger sur les performances de ces établissements. L’étude du cadre normatif et institutionnel qui règle la pratique d’évaluation des bibliothèques en France nous a permis de constater l’intérêt croissant des autorités de tutelle (politiques et administratives) pour l’évaluation.

L’étude de ces environnements et les quelques exemples d’enquêtes décelant les besoins et les problèmes des bibliothécaires, en matière d’évaluation nous ont permis de postuler que l’évaluation des performances des bibliothèques au sens où l’entend la norme ISO 11620, est actuellement insatisfaisante, mais elle ne met pas en doute ni la volonté ni la conscience des bibliothécaires pour améliorer leur pratique. Nous postulons que pour l’améliorer, nous devrons recourir à une démarche d’évaluation scientifique normalisée et partagée. Cette démarche devra s’appuyer sur un système d’information et d’aide à la décision susceptibles de résoudre les problèmes courants des bibliothécaires.

En interrogeant les bibliothécaires, nous avons observé dans le quatrième chapitre que :

Le dispositif d’évaluation des performances que nous avons décrit dans le cinquième chapitre est construit, en tenant compte de la réalité des besoins et des attentes des bibliothécaires en matière d’évaluation. Il tend de contribuer, du moins en partie, à résoudre les problèmes récents que rencontrent les bibliothécaires dans leur pratique d’évaluation.

Le dispositif est construit d’après la situation réelle de deux exemples de bibliothèques : une Bibliothèque publique et une Bibliothèque universitaire. Sa mise en œuvre est dépendante des spécificités de leurs situations. Pour nous, la conception et la réalisation de ce dispositif repose sur deux approches complémentaires et nécessaires : une approche stratégique et une approche opérationnelle.

L’approche stratégique de notre dispositif est empruntée aux méthodes de management : la revue de la littérature nous a appris que l’évaluation est une démarche stratégique complexe qui ne saurait s’effectuer sans une formalisation préalable des valeurs et des objectifs d’une organisation.

Cette démarche est à construire en groupe et à intégrer dans le système de planification de l’organisation. Dans cette optique, nous avons dans un premier temps, proposé pour chacune de deux Bibliothèques-sites un exemple de plan d’actions, bâti au regard des valeurs auxquelles ces établissements se réfèrent et tendent d’obtenir.

Ce plan est constitué d’objectifs généraux déterminées en fonction des valeurs de références et subdivisés en objectifs stratégiques. Pour chacun des objectifs, nous avons déterminé une série d’actions. Nous avons constaté, durant la validation des plans par les responsables des deux bibliothèques que la structure choisie est valable aussi bien pour une Bibliothèque publique que pour une Bibliothèque universitaire. Cette étape de planification est pour nous nécessaire pour concevoir notre dispositif d’évaluation.

Comme nous l’avons décrit et illustré à travers l’étude de cas des deux Bibliothèques, le dispositif d’évaluation intervient avant, pendant et après la mise en place de l’action.

En dépit de l’intérêt que pourrait avoir notre approche, nous sommes consciente de ses limites. Il nous est difficile de valider des modèles et des postulats sur des terrains dont nous ne sommes pas acteur. La mise en place du processus tel que nous le préconisons se construit à travers le temps et s’adapte en fonction de l’évolution de la Bibliothèque. Une prise en compte de la notion d’apprentissage est de ce point de vue nécessaire.

L’approche opérationnelle du dispositif a consisté à réaliser le prototype ASSESS dont les fonctionnalités, les limites et les perspectives de développement sont exposées à la fin de l’étude.

Pour l’instant, ce prototype permet au bibliothécaire de :

Sur le plan opérationnel, nous envisageons d’étendre les fonctionnalités de ce prototype sur d’autres domaines d’évaluation d’une bibliothèque. Nous souhaitons l’expérimenter dans d’autres environnements pour apprécier sa compatibilité, son extensibilité et son interactivité.

Sur le plan stratégique, nous avons pour projet de continuer à travailler dans le cadre du groupe « évaluer pour mieux gérer» à la recherche des solutions méthodologiques et technologiques pouvant convenir au contexte précis des Bibliothèques en France. Nous envisageons également d’intervenir, dans le cadre de la formation continue organisée par l’ENSSIB, en collaboration avec la CNFPT pour contribuer à vulgariser le concept d’évaluation et présenter notre dispositif d’évaluation à des bibliothécaires dans le but de l’adapter à la réalité et la mouvance des besoins.