Représentations de soi et représentations sociales.

Ces considérations nous conduisent à discuter des liens entre représentations de soi et représentations sociales. Pour Reuchlin (1990) M 3 , le modèle cognitiviste postulant que l’organisme sélectionne de l’information dans son milieu, la traite pour en construire des représentations internes et règle son comportement sur ces représentations a été utilisé pour reformuler des idées anciennes en psychologie sociale et pour reformuler aussi les idées relatives aux représentations. Il a eu, par l’une et l’autre de ces voies, un impact sur les formulations relatives à cette représentation largement sociale qu’est le concept de soi.

Pour Jodelet D 4 , une première définition de la représentation sociale sur laquelle s'accommode la communauté scientifique est la suivante : “C’est une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social. Egalement désignée comme savoir de sens commun ou encore savoir naïf, naturel, cette forme de connaissance est distinguée, entre autres, de la connaissance scientifique. Mais elle est tenue pour un objet d’étude aussi légitime que cette dernière en raison de son importance dans la vie sociale, de l’éclairage qu’elle apporte sur les processus cognitifs et les intéractions sociales”.

Mais la notion de représentation sociale se situe à la jonction du psychologique et du sociologique parce qu’elle est à la fois un mécanisme psychique, en tant qu’expression de l’esprit humain, et un mécanisme sociologique, en tant que produit culturel.

Le maître du premier degré se re-socialise en fonction des transformations matérielles et idéologiques de sa société professionnelle, ainsi que par son entrée dans de nouveaux rôles selon les âges de la vie et les évènements de son histoire personnelle. Ce sont des indices relatifs à ces situations matérielles et idéologiques et à ces rôles que nous avons souhaité introduire dans notre étude de la représentation de soi et de leur avenir des enseignants du premier degré en fonction.

Il faut aussi préciser si une représentation de soi peut être considérée comme sociale ou si elle est sociale dans la mesure où la conscience de soi s’obtient dans l’intéraction avec d’autres. Pour saisir la forme sociale des représentations citons une nouvelle fois Moscovici : “En d’autres mots, pour pouvoir saisir le sens du qualificatif du social, il vaut mieux mettre l’accent sur la fonction à laquelle il corrrespond que sur les circonstances et les entités qu’il reflète. Celle-ci lui est propre, dans la mesure où la représentation contribue exclusivement aux processus de formation des conduites et d’orientation des communications sociales” (Moscovici, 1976, p. 76) S 5 . Doise précise que “les représentations sociales sont des principes générateurs de prises de position liées à des insertions spécifiques dans un ensemble de rapports sociaux et organisant les processus symboliques intervenant dans ces rapports” (Doise, 1986, p. 85) W 6 .

Les représentations de soi sont “des principes générateurs de prises de position” car elles sont “la partie active de la représentation” dont le rôle est “le passage à l’acte” par le comportement.

Ces représentations sociales sont liées à des insertions sociales spécifiques, par le fait de “la dimension fondamentalement sociale des différentes images de soi qui se superposent chez un même individu ”.

Le concept de soi organise les processus symboliques intervenant dans les rapports sociaux .On pourrait dire, avec Greenwald (in Piolat et al., 1992) M 7 que “l’ego serait au service des fonctions d’observation (perception) et d’enregistrement (mémorisation) de l’expérience personnelle, il joue en quelque sorte le rôle d’historien de la personne ”.

Si nous reprenons la définition donnée par Jodelet “une représentation peut-être socialement élaborée et partagée”.

Il existe deux grands modèles de représentations : d’origine perceptive et d’origine sémantique, qui peuvent prendre deux formes, celle de propositions ou de schémas. Les représentations mentales du soi peuvent appartenir à l’une ou l’autre de ces deux grandes classes.

Nous pouvons placer toute la partie autobiographique du concept de soi dans la dimension d’origine perceptive désignée pareillement comme “épisodique” dans la mesure où elle est simultanément imagée et séquentielle.

La dimension sémantique caractérise bien la représentation de soi et la représentation sociale. La représentation qu’a un individu d’un fait social a évidemment bien un caractère social, sans pour cela avoir le statut de représentation sociale.

C’est pourquoi nous souhaitons, à travers les traitements effectués sur une collection de représentations individuelles, caractériser quelques aspects des éléments constitutifs des représentations sociales. C’est ainsi que nous nous proposons d’engager l’étude de la représentation de soi et de son avenir dans le métier d’enseignant à travers le traitement opéré sur une collection de représentations de soi et de son avenir individuelles.

La représentation sociale de soi peut ainsi se rapprocher de la notion de représentation sociologique L 8 .

Notre travail a donc porté sur la dimension “représentation sociale” de la représentation de soi et de son avenir. Il se composera de deux moments. Un premier a essayé de définir un système de catégorisation pertinent pour la représentation de soi et de son avenir. Nous avons adopté la procédure d’analyse de contenu d’une collection d’autoportraits dirigés par une série de questions dites ouvertes. Dans un second temps, à partir de ces catégories nous avons réalisé un questionnaire fermé, en reprenant la notion d’image sociale afin de pouvoir travailler sur les attitudes en relation avec ces catégories.

Notes
M.

.Reuchlin, Les différences individuelles dans le développement conatif de l’enfant, Paris, PUF, 1990.

D.

.Jodelet, Les représentations sociales, Paris, PUF, 1989.

S.

. Moscovici (1976), La psychanalyse, son image et son public., Paris, PUF,1961.

W.

. Doise, Les représentations sociales : définition d’un concept, in W. Doise, A. Palmonari (eds), L’étude des représentations sociales, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1986.

M.

. Piolat, M.-C. Hurtig, M.-F. Pichevin, Le Soi, recherches dans le champ de la cognition sociale, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1992.

L.

ittéralement: qui relève de l’étude de faits sociaux