3- Le guide d'entretien oral : ouvert.

Une liste formée d’une série de dix-sept questions dites ouvertes, laissant les enseignants libres de leurs réponses a été préparé.

  1. Quel est votre parcours d’études et de diplômes ?
  2. Quelle était, au moment de votre entrée dans l’Education Nationale, la catégorie socio-professionnelle de votre famille ?
  3. Quelles sont vos autres expériences de la vie avant l’enseignement ?
  4. A quel moment avez-vous décidé de devenir enseignant ?
  5. A quel âge êtes-vous entré dans l’enseignement ?
  6. Quelles sont les raisons qui vous ont incité à choisir le métier d’enseignant ?
  7. Avez-vous hésité à choisir l’enseignement ?
  8. Pensez-vous rester dans l’enseignement toute une carrière ?
  9. Quels sont les points, dans la pratique du métier , qui vous paraîssent satisfaisants ?
  10. Quels sont les points, dans la pratique du métier, qui ne vous paraîssent pas satisfaisants ?
  11. Comparativement à quelques années, en quels points le métier d’enseignant est-il plus facile ?
  12. Comparativement à quelques années, en quels points le métier d’enseignant est-il plus difficile ?
  13. A quel niveau enseignez-vous cette année?
  14. A quel niveau préfériez-vous enseigner ?
  15. Rechoisiriez-vous le métier d’enseignant ? Quelles en sont les raisons ?
  16. Vous est-il déjà arrivé de penser sérieusement à quitter l’enseignement ?
  17. Si oui, à quels moments de votre carrière ces doutes sont-ils apparus ? Pourquoi penser à quitter le métier dans lequel on s’est engagé ? Si non, quels motifs avez-vous pour ne pas avoir envisagé un départ?

Nous étions dans l’obligation d’organiser, de structurer nos rencontres, mais il nous fallait aussi profiter du fait que nous avions des contacts avec des écoles des départements du Rhône, du Doubs, des Hauts de Seine.

Les moments d’entretien se sont déroulés en deux temps.

Le premier : pendant le mois de novembre 1993 pour les enseignants du Rhône, du Doubs et des Hauts de Seine, le vendredi et, ou le samedi matin.

Trois écoles du Rhône, deux du Doubs et trois des Hauts de Seine, ont été consultées. Elles ont été sélectionnées en fonction d’un enseignant connu qui y travaillait. Le second temps : de novembre à décembre 1993, pour le Vaucluse. Les écoles ont été choisies au hasard, cependant avec la volonté de travailler aussi bien avec des groupes scolaires urbains (Zone d’Education Prioritaire ou non) d’Avignon, Cavaillon, Carpentras, Orange, qui sont les villes les plus importantes en population du Vaucluse, qu’avec des écoles rurales de tout le département, de l’école à classe unique à l’école à plusieurs classes des villages.

En tant qu’instituteur-maître-formateur, nous avions une action au sein de la formation initiale et ainsi, avons souvent fait coincider les visites à rendre à des professeurs d’école stagiaires de deuxième année d’I.U.F.M. en exercice dans une classe, en même temps que nos rendez-vous avec des enseignants. Ils ont été interviewés pendant les récréations ou souvent pendant l’interclasse de midi, où plusieurs assurent un service de cantine. Les réunions ont rassemblé en moyenne cinq à huit personnes pour les groupes scolaires les plus importants mais se sont limitées à un seul pour les écoles à classe unique.

En règle générale, avant toute rencontre, nous demandions l’autorisation à l’I.E.N. de la circonscription et la permission au directeur d’école. Selon les cas, il a fallu compter de trente minutes à une heure par groupe. Les entretiens ayant lieu dans des lieux géographiques différents et nécessitant de notre part de nombreux déplacements, il a été souhaitable de les conduire par groupe au préalable informés et volontaires.

L’effectif total de la population est de 87 maîtres (34 hommes et 53 femmes) du premier degré, composé uniquement de personnes réellement en exercice dans une école.

D’après l’ensemble des maîtres interrogés, le nombre moyen d’enfants scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires est de 155 élèves par établissement. La grande majorité d’entre eux en compte moins de 250 (seuls 10 % en ont plus). Leur nombre par classe varie entre 10 et 35, la moyenne s’établissant à 24.

Dans notre population, près d’un tiers des maîtres sont à l’école maternelle (31%). Ce sont presque exclusivement des femmes : 96% dans les petites et moyennes sections, 91 % en grande section et dans les classes muti-niveaux. Il faut remarquer qu’à l’école maternelle près de la moitié des classes fonctionnent à multi-niveaux (41%).

Dans les classes primaires, un peu moins d’un tiers travaillent en classes multiples.

L’interview de groupe poursuit en général deux objectifs simultanés : réunir des informations factuelles et observer les attitudes des personnes qui interviennent, en notant la caractéristique de leur intervention (constructive, négative, sans rapport avec le thème). Il peut apporter des indications précieuses. Les sujets qui osent s’exprimer les premiers (ceux qui jouissent peut-être d’une plus grande facilité d’expression) entraînent les autres. Grâce à cette stimulation, des propositions apparaîssent par un débat d’idées.

Le déroulement des rencontres s’est toujours opéré selon le même scénario.

Avant même l’entretien, par le jeu des questions, il nous fallait ôter toute crainte aux maîtres en leur expliquant oralement le but de notre recherche entreprise.

L’important était de créer un certain courant de sympathie et de compréhension, tout en essayant de rester aussi naturel et sincère que possible. Il fallait par ailleurs demeurer neutre : notre but était de prendre de l’information et non pas de juger.

Les enseignants, dans l’ensemble, se sont montrés intéressés par le sujet et il nous a même été quelquefois nécessaire de fournir des explications complémentaires concernant les objectifs de notre enquête. Le langage employé n’a été ni prétentieux ni technique, afin de rester le plus simple pour donner le maximum de confiance. Notre préoccupation a été également d’éviter toute précipitation, d’être accueillant et ouvert tout en sachant ramener l’entretien vers ses objectifs véritables.

Nous avons eu constamment à l’esprit d’éviter :

D’une manière générale, nous avons essayé de donner l’impression d’être plutôt impersonnel ; les maîtres étaient interrogés en tant que membres d’un groupe social déterminé, et non en tant que personnes privées.

Ainsi, la relation qui nous unissait se devait de rester la plus superficielle pour éviter l’empathie. Il arrivait que l’enquêté ait envie de faire plaisir à l’enquêteur mais nous avions également le souci que la relation enquêteur-enquêté ne devienne pas conflictuelle. En effet, même volontaires, des personnes peuvent ressentir un interrogatoire un peu comme une agression.

De plus, par notre problématique, notre recherche peut s'intéresser en quelque sorte à la vie intime des individus. La réserve que nous avons certaines fois ressentie sur quelques points se devait d’être respectée, même si elle risque de voiler un aspect de notre travail.

Par ailleurs, nous avons essayé de ne pas susciter de sentiment d’indiscrétion et de ne pas adopter d’attitudes autoritaires, qui provoquent des blocages bien compréhensifs et nuisent à l’enquête.

La notation des réponses a été identique pour tous les entretiens.

Si on exclut l’enregistrement sonore ou filmé opéré à l’insu du sujet (ce procédé soulève des objections graves), on ne dispose que de deux moyens imparfaits :

Nous avons choisi de noter de manière systématique, au cours des échanges, les réponses aux questions posées et parfois même les réactions lorsque celles-ci nous semblaient pertinentes.

Quelques critiques sont à apporter par rapport aux informations recueillies.

Les réponses données l’ont presque toutes été de façon spontanée, sans qu’il y ait eu besoin d’insister. Les questions qui mettent en cause la personnalité ou l’intimité des individus ont, en revanche, pour certains, engendré beaucoup moins “d’élan” et, par là, peut-être moins de sincérité.

Quelques uns se sont exprimés avec complaisance, signe probable qu’ils ont désiré orienter leur point de vue en fonction de ce qu’ils pensaient que l’interlocuteur souhaitait entendre.

Le traitement des réponses a été réalisé de manière anonyme. Chaque question a été étudiée individuellement.

On constate que la moitié des maîtres se satisfont du niveau où ils enseignent. Toutefois, une certaine hiérarchie se fait jour, révélant que certaines classes procurent un degré de satisfaction plus élevé que d’autres, en particulier les niveaux de transition, grande section de maternelle, C.P. et C.M.2.

La hiérarchisation est la suivante :

Tableau 1 : part des maîtres qui, enseignant à un niveau donné, désignent ce niveau comme celui où ils préfèrent enseigner
le C.M.2 76,4 %
le double niveau de maternelle (moyen et grands) 72,8 %
la grande section de maternelle 71,4 %
le C.P. 69, 6 %
le C.M.1 61,1 %
la moyenne section de maternelle 60,9 %
le C.E.2 53, 4 %
la petite section de maternelle 51, 9 %
le C.E.1 45, 2 %

Les classes les moins valorisées sont celles dont les enjeux pédagogiques sont moins affirmés que les autres : la première année de maternelle, dont le public d’élèves est ressenti comme plus ingrat, et les classes des cours élémentaires qui sont des niveaux intermédiaires.

On remarque que 55 % des hommes préfèrent enseigner dans les cours moyens, alors que 55 % des femmes privilégient la maternelle et le cours préparatoire.

Par ailleurs, l’étude approfondie des réponses apportées aux dix-sept questions a permis de dégager une liste d’arguments, d’indices, d’explications les plus fréquemment donnés pour chacune d’entre elles.

Ils ont été classés et ont permis de construire un second questionnaire, aux interrogations plus serrées, reprenant les idées fortes émises par les enseignants, leurs sentiments, leurs ressentiments.

De nouvelles pistes dérivées des questions posées ont même émergé.