B L’origine sociale.

1- Une profession clairement située dans les classes moyennes (graphique 46).

Le positionnement sur l’échelle sociale évolue sensiblement à travers les générations mais, globalement, les enseignants du premier degré se placent, relativement, à mi-chemin entre les classes moyennes et les classes supérieures V .

François Quinson F , en reprenant le modèle à deux dimensions construit par Yannick Lemel Y , affine l’analyse en ajoutant au graphique initial deux droites qui passent par la position “instituteurs” : l’une est parallèle à l’axe des revenus, l’autre à celui des diplômes, définisant ainsi quatre quadrants (A, B , C , D); nous ajoutons les contours des groupes de PCS.

Quels sont les changements remarquables dans l’origine sociale des enseignants du premier degré depuis ces dernières quarante années?

Elle a connu une forte mutation. Le boursier méritant, pour qui l’enseignement est une forte promotion sociale, n’existe plus.

L’élévation de l’origine sociale est démontrée par les statistiques et confirmée par les résultats de l’enquête.

Ce recrutement a longtemps été lié à une origine ouvrière et/ou paysanne. Ceux-là s’identifiaient fortement à la fonction et étaient attachés à la solidarité interne. Ce métier était pour eux le seul moyen d’échapper à leurs origines populaires. Frédéric Charles les appelle “les oblats de l’école” F . A partir des années quatre-vingts, le recrutement d’élèves-maîtres de niveau D.E.U.G. permet l’arrivée d’une nouvelle génération qui a des origines sociales et un niveau de diplôme plus élevés. Ils n’ont pas la même perception du métier que leurs aînés, ne se sentent pas reconnaissants par rapport à l’institution et considèrent leur position sociale comme une solution de repli, peut-être temporaire, et non pas comme une promotion.

Tableau 27 : La profession des parents des enseignants du premier degré.
  statistiques Ida Berger I statistiques enquête
  1954 1974 1998
cadres supérieurs
prof. libérales
7,5 % 17 % 13 %
cadres moyens 22 % 19 % 35 %
commerçants, artisans 18 % 15,5 % 9 %
ouvriers
employés
42,5 % 35 % 32 %
agriculteurs 5 % 8 % 6 %
divers 5 % 5,5 % 5 %

Ce tableau reflète les grands mouvements migratoires dans l’origine sociale des maîtres : un lent embourgeoisement du corps se dessine de manière significative. Il apparaît que le nombre de maîtres issus de classes sociales moyennes ou élevées a augmenté considérablement, il occupe la première place des statistiques de 1998. De nombreux ouvrages ont été publiés sur la composition de ce corps et son développement récent. A partir des années soixante, l’augmentation des effectifs scolaires n’est pas suivie par des arrivées suffisantes d’élèves-maîtres dans les Ecoles Normales. C’est ainsi que le Ministère de l’Education Nationale embauche de nombreux instituteurs de niveau baccalauréat, qui n’auront pas de formation initiale (en 1964, près d’un sur trois était dans ce cas). Ces recrutements viennent bousculer les habitudes de fonctionnement du corps enseignant en menacent son homogénéité. A ascendance plus bourgeoise, mariages plus bourgeois : les enseignantes mariées ont, pour la plupart, épousé des cadres et des membres des professions libérales.

L’élévation de l’origine sociale, renforcée par la féminisation de la profession, amène à des appartenances de classe indépendantes de la position enseignante elle-même, ce qui contribue à une déstabilisation du corps enseignant et à une perte relative de son homogénéité et de sa solidarité interne.

Tableau 28 : La catégorie socio-professionnelle des parents des enseignants en fonction de l’âge des enseignants. (Graphique 47, Annexes, tome 2)
catégorie socio-profession-nelle des parents d’enseignants
âge
- de 26 ans 26 à 35 ans 36 à 45 ans + de 45 ans
ouvriers empoyés 11 % 15 % 36,5 % 38 %
cadres moyens 15,5 % 24,5 % 24,5 % 18,5 %
enseignants 7 % 28 % 9 % 6 %
cadres supérieurs 33 % 17 % 9 % 12 %
artisans commerçant 11 % 8 % 7 % 14 %
agriculteurs 11 % 4 % 7 % 8 %

Les enseignants de plus de 40 ans se perçoivent significativement en dessous des plus jeunes. Ceci tient à ce qu’ils ont un niveau d’études supérieures souvent plus élevé et sont issus de milieu socio-culturels plus bas.

Il y a de moins en moins d’enfants d’ouvriers ou d’employés parmi les enseignants les plus jeunes, et de plus en plus d’enfants de cadres supérieurs.

Notons également un pic parmi les enseignants de 26 à 35 ans issus de famille d’enseignants.

Notes
V.

oir également Annexe 3, Annexes, tome 3.

F.

.Quinson, Quitter la classe : Reconversions professionnelles des enseignants du premier degré Mémoire de D.E.A. sous la direction de Dominique Glasman, Université Lumière LYON 2, 1996/1997, p. 18.

Y.

. Lemel,Stratification et mobilité sociale, Paris , Colin, 1991, p. 180.

F.

. Charles, Instituteurs, un coup au moral ! , Paris, Ramsay, 1988.

I.

. Berger , les instituteurs d’une génération à l’autre, Paris, P.U.F. , 1979, pp. 28,30.