A A-t-on pensé à quitter ?

Geneviève est un cas. A 43 ans, dont vingt-trois de métier et dix-sept passés dans le vingtième arrondissement de Paris, elle a décidé qu’elle ne continuerait plus à enseigner. “Les joies de l’école ne remplissent plus son coeur.” Elle va quitter l’enseignement, “partir en douceur “ comme elle l’affirme. Elle se dit en “K.O. technique” Sa reconversion est programmée. Mais qu’est-ce-qui va la faire partir du métier où elle s’était pourtant engagée pour toute une carrière? Elle n’en peut plus, dit-elle, et ne peut plus exercer son métier correctement. Les élèves qu’elle a eus ces dernières années ne sont pas seuls en cause : “ils ne sont pas pires que d’autres ; mais à 8 ans, déjà, ils ont tous des défauts du vieux siècle : durs à tenir en place, maniaques de la parole, agités de l’esprit et du geste”. Elle passe son temps, dit-elle, à essayer de les canaliser, alors qu’elle espère leur apprendre quelque chose. Tout cela l’a usée. Retenir leur attention quelques minutes lui a demandé, ces dernières années, de gros efforts qu’elle n’a plus le courage de mener encore. Elle déplore également qu’ils ne s’écoutent même plus entre eux car personne ne le leur a appris. Quand elle rentre le soir, elle a souvent passé dix heures à l’école. Elle déplore la situation, qui s’est agravée. Il y a dix ans, se souvient-elle, il y avait peut-être trois enfants par classe chez qui on sentait que le divorce, la violence, le chômage, l’exiguïté des appartements rejaillissaient sur la scolarité. Aujourd’hui, il y en a deux fois plus. L’école, pour elle, ne peut assumer les désordres de la société. Au final, constate-t-elle, personne n’est content : ni les enfants parce qu’ils se font punir car ils ne tiennent pas en place, ni les familles qui, débordées, abdiquent . Mais, les maîtres aussi ne peuvent accepter cette situation, car l’ambiguïté qui en résulte est intenable : on finit par en vouloir aux enseignants de ne pas pouvoir résoudre, au sein de la classe, ce qui ne l’est pas non plus à la maison... Pour Geneviève, les illusions sur l’école se sont envolées : elle ne répond plus aux besoins des enfants car ils ne peuvent plus supporter cet enseignement de masse.

Elle a donc décidé qu’elle ne continuerait plus à enseigner. Elle a repris, il y a quelques années des études universitaires de psychologie, qu’elle a poursuivies jusqu’en troisième cycle. Elle a passé des entretiens et a obtenu un poste de psychologue dans une grande entreprise.

Tout enseignant se pose donc des questions au cours de sa carrière. Ai-je bien choisi de faire ce métier ? Vais-je rester dans la même école, continuer à enseigner au même niveau ? Comme d’autres recherches l’indiquent T , en particulier dans le second degré, des enseignants se posent la question fondamentale : vais-je rester dans l’enseignement pendant toute ma carrière (graphique 61) ?

Dans notre échantillon près de 70 % des maîtres interrogés l’affirment ; près de 5 % pensent le contraire et surtout 26 % d’entre eux ne savent pas vraiment.

Cette question est présente certes dans tout métier mais elle risque d’être posée de façon plus aïgue en milieu de carrière.

L’étude du désir de rester dans l’enseignement en fonction de la première motivation montre qu’une grande part des maîtres qui ne désirent pas rester dans l’enseignement avaient comme motivation première pour l’enseignement de :

  • compenser son éducation, faire mieux que ce qu'on a eu
  • rester au contact des livres, de la culture
  • gagner sa vie, devenir indépendant
  • garantir un équilibre entre vie professionnelle et privée
  • accéder à un statut social supérieur
  • avoir un contact avec les jeunes, à l'aise avec les jeunes
  • poursuivre la tradition familiale : influence d'un parent enseignant ou d'un enseignant
  • avoir une fonction éducative, un impact sur les jeunes, sur la société
Tableau 40 : Désir de rester dans l’enseignement du premier degré en fonction de la première motivation pour l’enseignement. (Graphique 62, Annexes, tome 2)
désir de rester dans l’enseignement
motivations
actives matérielles passives
oui ferme 59,5 % 31,5 % 9 %
non ferme 54,5 % 34 % 11,5 %
ne sait pas... 47,5 % 47 % 5,5 %

Les maîtres qui répondent fermement désirer enseigner toute une carrière ont eu, pour le plus grand nombre, des motivations de départ actives.

C’est parmi ceux qui ne souhaitent pas rester dans l’enseignement ou ne savent pas vraiment que l’on trouve le plus de premières motivations initiales matérielles.

Tableau 41 : Désir de rester dans l’enseignement du premier degré en fonction du dipôme le plus élevé possédé aujourd’hui. (Graphique 63, Annexes, tome 2)
  ne sait pas non ferme oui ferme
bac 13 % 1,5 % 85,5 %
D.1°cycle 20 % 4,5 % 75,5 %
D.2°/3°cycle 41 % 7 % 52 %
autre Diplôme 50 % 10 % 40 %

Les maîtres titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur au moins de second cycle sont les plus incertains : 41 % d’entre eux ne savent pas s’ils continueront à exercer leur métier. Leur niveau de diplômes pourraient effectivement leur permettre de prendre une autre voie de formation. Par ailleurs, 50 % des titulaires d’autres diplômes (généralement très spécialisés) ne savent également pas s’ils demeureront dans le premier degré. Cependant, c’est parmi les titulaires du baccalauréat que l’on trouve le plus grand nombre de ceux qui désirent rester. Or les moins diplômés du système éducatif français sont généralement les plus âgés.

Tableau 42 : Désir de rester dans l’enseignement du premier degré en fonction de l’âge d’entrée dans l’enseignement. (Graphique 64, Annexes, tome 2)
  ne sait pas non ferme oui ferme
18-20 ans 20 % 3 % 77 %
21-25 ans 20,5 % 6 % 73,5 %
26-35 ans 48,5 % 3 % 48,5 %
plus de 35 ans 44,5 % 0 % 45,5 %

C’est parmi les maîtres entrés tardivement dans l’enseignement que l’on trouve le plus d’individus qui ne savent pas s’ils y resteront. Ils sont par ailleurs hautement diplômés.

Afin de savoir si certaines personnes éprouvent une réelle volonté de ne plus enseigner, nous avons leur avons demandé si : il leur était déjà arrivé de penser sérieusement à quitter l’enseignement ? (graphique 65)

Dans le questionnaire, cette demande est bien placée après une réflexion sur les motivations, sur les conditions d’exercice et sur la décision, ou non, de rechoisir ce métier si l’on avait à le faire. Les maîtres sont ainsi mûrs pour cette nouvelle question et peuvent y répondre. Dans le cas d’une réponse affirmative, on demande pourquoi et à quel moment ce doute est intervenu. Dans tous les cas, on cherche à savoir pour quelles raisons il est apparu.

Globalement, près de la moitié de notre échantillon (47,5 %) déclarent de manière ferme qu’il ne leur est jamais arrivé de songer sérieusement à quitter l’enseignement. Encore 15,7 % répondent-ils “non avec des nuances”. En revanche, 13,2 % affirment “oui fermement” et 23,5 % “oui avec des nuances”. Ainsi, la majorité dit “non”, mais une assez forte minorité 36,7 % s’est posé sérieusement la question. Nous sommes dans une proportion presque égale : 2 enseignants sur 5.

S’il y a désir de ne pas exercer pendant toute une carrière, cela ne signifie pas pour autant que ceux-ci envisagent concrètement de le quitter.

Il faudra étudier les réponses en fonction de plusieurs facteurs.

Tableau 43 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction du sexe. (Graphiques 66 et 67, Annexes, tome 2)
  masculin féminin
non avec des nuances 17 % 15 %
oui avec des nuances 26,5 % 22,5 %
oui ferme 21 % 10,5 %
non ferme 35,5 % 52 %

Alors que 53 % des hommes disent ne pas y avoir pensé, cette réponse est donnée par 67 % des femmes. De même, ils sont plus nombreux (21 %) que les femmes (11 %) à dire qu’ils ont fermement envisagé un départ. Celles-ci expriment simplement plus que les hommes le fait ne pas y avoir songé sérieusement : respectivement 52 % contre 35,5 %.

Tableau 44 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction de l’âge. (Graphiques 68 et 69, Annexes, tome 2)
âge
quitter l’enseignement
63 % 37 %
Non Oui
moins de 26 ans 100 % 0 %
26 / 35 ans 66 % 34 %
36 / 45 ans 57,5 % 42,5 %
plus de 46 ans 63 % 37 %

C’est parmi ceux de 35 à 45 ans que l’on trouve les plus fortes proportions de ceux qui ont répondu positivement (42,5 % des enseignants de cette tranche d’âge : soit 15,5 % “oui ferme” et 27 % “oui avec des nuances”).

Tableau 45 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction de l’ancienneté générale d’enseignement. (Graphiques 70 et 71, Annexes, tome 2)
années d’expériences
quitter l’enseignement
Non Oui
63 % 37 %
0/3 ans 73,5 % 26,5 %
4/6 ans 75 % 25 %
7/14 ans 51,5 % 48,5 %
15/25 ans 57 % 43 %
26/35 ans 67 % 33 %
plus de 35 ans 63 % 37 %

C’est parmi ceux qui ont entre 7 et 14 ans de pratique professionnelle que l’on trouve les proportions les plus fortes de l’idée de renoncer à l’enseignement (48,5 % dont 16 % qui ont répondu “oui ferme” et 32,5 % “oui, avec des nuances”).

Dans la tranche entre 15 et 25 ans d’ancienneté, également, des parts importantes d’enseignants déclarant y avoir songé (43 % dont 20,5 % “oui ferme” et 22,5 % oui avec des nuances).

Par ailleurs, parmi les plus anciens dans le métier, 37 % y ont pensé. Il s’agit certainement ici de maîtres retraitables, qui ont réfléchi sur la date effective de leur départ en retraite. Cette comparaison s’avère très instructrive.

Si nous combinons d’une part les réponses affirmatives et d’autre part celles négatives, il apparaît que les maîtres ayant le plus d’ancienneté disent “non” davantage que les autres et “oui” moins souvent. Soit leur motivation est restée forte, soit ils ont oublié ces moments de doute.

Une “zone de danger” se révèle entre 7 et 14 ans, suivie de près par une seconde “zone à risque” entre 15 et 25 ans d’ancienneté. En effet, ce sont des années où la remise en question semble en toucher le plus.

Tableau 46 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction de l’affectation. (Graphiques 72 et 73, Annexes, tome 2)
affectation
quitter l’enseignement
Non Oui
63 % 37 %
Direction maître-formateur 56 % 44 %
Classe à titre définitif 66,5 % 33,5 %
Classe à titre provisoire 60,5 % 39,5 %
Plusieurs services fractionnés 69 % 31 %
Remplacements 53,5 % 46,5 %

C’est chez les maîtres chargés des remplacements que le désir de quitter est le plus fort. En effet, on trouve aujourd’hui, dans cette catégorie, deux types principaux d’enseignants. Le premier formé de ceux qui ont ce poste à défaut d’un autre parce que le barême ne leur permettait pas d’obtenir celui qu’ils souhaitaient. Ils ont généralement peu d’ancienneté dans le métier donc souvent des postes non désirés et cela altère leur désir d’enseigner. Le second type est formé de ceux qui ont déjà une ancienneté de service conséquente et qui, pour des raisons financières (être “titulaire-remplaçant” est assujetti à des indemnités) ou par lassitude ou fatigue, décident de faire ce choix. Rappelons que depuis quelques années un nombre croissant d’enseignants de plus de 46 ans demandent assurer des remplacements.

De même, chez les directeurs et les maîtres-formateurs, beaucoup ont sérieusement pensé à cesser d’enseigner. Cela peut s’expliquer par le fait qu’ils ont déjà entrepris une démarche d’évolution dans leur carrière en assumant d’autres fonctions, telles que la direction d’école ou la formation et que, malgré cet engagement nouveau, ils sont certainement confrontés aux mêmes difficultés.

Tableaux 47 et 48 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction du niveau d’exercice. (Graphiques 74 et 75, Annexes, tome 2)
niveau d’exercice
quitter l’enseignement
Non Oui
63 % 37 %
maternelle 63 % 37 %
élémentaire 63 % 37 %
maternelle & élémentaire 62 % 36,5 %
niveau d’exercice
quitter l’enseignement
non, avec des nuances non, ferme oui, avec des nuances oui, ferme
maternelle 13,5 % 49,5 % 17 % 20 %
élémentaire 16 % 47 % 26 % 11 %
maternelle & élémentaire 21,5 % 42 % 31 % 5,5 %

A chaque niveau d’exercice, on peut remarquer les mêmes proportions de maîtres qui ont eu le désir de ne pas continuer à enseigner. Ces taux correspondent à celui de l’ensemble de l’échantillon.

Il faut noter cependant des variations dans le caractère de cette aspiration. Ce sont ceux des classes maternelles qui ont les positions les plus fermes, que ce soit dans la volonté ou non d’interrompre la poursuite de leur métier.

Tableaux 49 et 50 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction du choix de devenir enseignant. (Graphiques 76 et 77, Annexes, tome 2)
moment du choix de devenir enseignant
quitter l’enseignement
Non Oui
63 % 37 %
études primaires 81 % 19 %
collège 74 % 26 %
lycée,entrée universitaire 53 % 47 %
études universitaires 60 % 40 %
expérience profession. 52 % 48 %
ne sait pas 50,5 % 49,5 %
moment du choix
quitter l’enseignement
non, avec des nuances non, ferme oui, avec des nuances oui, ferme
études prim. 16 % 65 % 11 % 8 %
collège 11,5 % 62,5 % 11,5 % 14,5 %
lycée,entrée u 11 % 41,5 % 36 % 11,5 %
études univ. 20 % 40 % 20 % 20 %
exp. prof. 19 % 33 % 33 % 15 %
ne sait pas 14,5 % 36 % 49 % 0,5 %

Quand le moment du choix est très ancien, comme celui des études primaires ou au collège, la détermination de rester est la plus forte. Ce phénomène peut s’expliquer parce ces maîtres connaissent mal ou pas du tout le monde extérieur à l’école et qu’un changement de carrière leur semble impossible. C’est donc aussi parmi ceux qui ont fait tardivement le choix d’enseigner que l’on en trouve un grand nombre qui ont pensé fermement à quitter leur métier : certains ont déjà eu une expérience professionnelle, et une reconversion nouvelle ne les effraie pas.

Tableaux 51 et 52 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction du diplôme le plus élevé possédé aujourd’hui. (Graphiques 78 et 79, Annexes, tome 2)
diplôme
quitter l’enseignement
Non Oui
63 % 37 %
bac 64 % 36 %
D. 1°cycle enseig. sup. 62 % 38 %
D.2°/3° cycle ens. sup. 62 % 38 %
autres diplômes ens.sup. 70 % 30 %
diplôme
quitter l’enseignement
non, avec des nuances non, ferme oui, avec des nuances oui, ferme
bac 10 % 54 % 17 % 19 %
D. 1°cycle 15,5 % 46,5 % 29 % 9 %
D.2°3°cycle 20 % 42 % 28 % 10 %
autre D. 30 % 40 % 20 % 10 %

ll n’y auraitpas de relation entre le diplôme le plus élevé et le désir de quitter ou non l’enseignement. Cependant, les titulaires uniquement d’un baccalaréat sont les plus nombreux (54 % d’entre eux) à n’y avoir jamais pensé. La quasi totalité de ceux-ci ont été recrutés il y a plus de vingt ans et sont ceux, comme nous l’avons vu précédemment, qui appréhenderaient une éventuelle reconversion, en particulier parce qu’ils éprouveraient de la crainte à tout nouvel engagement dans un univers professionnel inconnu .

Rappelons que les titulaires d’un diplôme de second et troisième cycle de l’enseignement supérieur ou d’un diplôme spécialisé sont les moins nombreux à désirer demeurer dans leur métier. Ils sont, par ailleurs, les plus nombreux à ne pas savoir s’ils y resteront toute une carrière. Malgré ces positions, ils ne se distinguent pas, à la lecture de ces résultats, par le fait d’avoir l'intention plus particulièrement que les autres catégories de cesser d’enseigner. Ils n’ont pas envie de rester toute une carrière dans leur métier mais pas vraiment déjà projeté de s’en aller.

Tableaux 53 et 54 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction de l’âge d’entrée dans l’enseignement du premier degré. (Graphiques 80 et 81, Annexes, tome 2)
âge
quitter l’enseignement
Non Oui
63 % 37 %
18/20 ans 60 % 40 %
21/25 ans 54 % 36 %
26/35 ans 63,5 % 27,5 %
plus de 35 ans 45,5 % 55,5 %
âge
quitter l’enseignement
non, avec des nuances non, ferme oui, avec des nuances oui, ferme
18/20 ans 15,5 % 44,5 % 20 % 20 %
21/25 ans 13,5 % 50,5 % 22,5 % 13,5 %
26/35 ans 24,5 % 48,5 % 24 % 3 %
+ de 35 ans 11 % 33,5 % 55,5 % 0,5 %

C’est parmi les maîtres entrés dans l’enseignement entre 26 et 35 ans que l’on en trouve le moins qui aient envisagé fermement de quitter au cours de leur carrière. Au moment de leur choix, ils ont, davantage que les autres, mesuré leur engagement.

Tableaux 55 et 56 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction du degré de satisfaction par rapport aux revenus. (Graphiques 82 et 83, Annexes, tome 2)
désir de quitter l’enseignement
degré de satisfaction par rapport aux revenus
satisfaits non satisfaits
76 % 24 %
oui 64,5 % 35,5 %
non 81 % 19 %
degré de satisfaction par rapport aux revenus
désir de quitter l’enseignement
oui non
37 % 63 %
satisfaits 32,5 % 67,5 %
non satisfaits 50 % 50 %

Dans leur grande majorité (76 %), les enseignants du premier degré sont satisfaits, voire très satisfaits, de leurs revenus. Parmi ceux qui ne le sont pas, 50 % d’entre eux ont pensé à quitter l’enseignement. Plus d’un sur trois de ceux qui y ont songé ne sont pas satisfaits de leurs revenus.

Cet état de satisfaction aurait une incidence sur le fait de réfléchir sérieusement à ne pas rester dans cette carrière professionnelle.

Tableaux 57 et 58 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction du degré de satisfaction par rapport à l’intérêt du métier. (Graphiques 84 et 85, Annexes, tome 2)
désir de quitter l’enseignement
degré de satisfaction par rapport à l’intérêt du métier
satisfaits non satisfaits
94 % 6 %
oui 86,5 % 13,5 %
non 99,5 % 0,5 %
degré de satisfaction par rapport à l’intérêt du métier
désir de quitter l’enseignement
oui non
37 % 63 %
satisfaits 34 % 66 %
non satisfaits 91 % 9 %

Les enseignants sont, dans leur quasi totalité, satisfaits de l’intérêt de leur métier (94 %).

La très faible minorité de ceux qui ne le sont pas se retrouve essentiellement parmi ceux qui ont pensé à quitter. 91 % des insatisfaits y ont songé.

Parmi ceux qui n’en ont jamais eu le désir, presque tous sont satisfaits de l’intérêt du métier.

Tableaux 59 et 60 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction du degré de satisfaction par rapport au temps libre. (Graphiques 86 et 87, Annexes, tome 2)
désir de quitter l’enseignement
degré de satisfaction par rapport au temps libre
satisfaits non satisfaits
91 % 9 %
oui 93 % 7 %
non 89 % 11 %
degré de satisfaction par rapport au temps libre
désir de quitter l’enseignement
oui non
37 % 63 %
satisfaits 38 % 62 %
non satisfaits 26,5 % 73,5 %

Les enseignants sont, dans leur quasi totalité, satisfaits de leur temps libre (91 %).

Ce facteur n’a pas, a priori, d’incidence sur le fait de penser à quitter. Nous remarquons cependant que, parmi les maîtres satisfaits de leur temps libre, 31 % ont songé à renoncer à leur métier. Ce résultat est supérieur à celui des non satisfaits (26,5 % ont envisagé d’abandonner l’enseignement).

Tableaux 61 et 62 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction du degré de satisfaction par rapport au niveau des élèves. (Graphiques 88 et 89, Annexes, tome 2)
désir de quitter l’enseignement
degré de satisfaction par rapport au niveau des élèves
satisfaits non satisfaits
76 % 24 %
oui 71 % 29 %
non 78,5 % 21,5 %
degré de satisfaction par rapport au niveau des élèves
désir de quitter l’enseignement
oui non
37 % 63 %
satisfaits 34,5% 65,5%
non satisfaits 44 % 56 %

Les 2/3 des enseignants (76%) sont satisfaits des élèves. Ceci semble paradoxal par rapport au débat qui anime aujourd’hui certaines tribunes pédagogiques concernant la baisse du niveau scolaire.

Ne pas être satisfait du niveau des élèves influerait sur le fait de penser à quitter. En effet, parmi ceux qui s’en plaignent, 44 % y ont songé.

Tableaux 63 et 64 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction du degré de satisfaction par rapport à la place des enseignants dans la société. (Graphiques 90 et 91, Annexes, tome 2)
désir de quitter l’enseignement
degré de satisfaction par rapport à la place des enseignants dans la société
satisfaits non satisfaits
30 % 70 %
oui 20 % 80 %
non 36 % 64 %
degré de satisfaction par rapport à la place des enseignants dans la société
désir de quitter l’enseignement
oui non
37 % 63 %
satisfaits 25 % 75 %
non satisfaits 42 % 58 %

Les enseignants se sentent mal considérés : 70 % ne sont pas satisfaits de leur place dans la société. Ils forment les 81 % de ceux qui ont réfléchi fermement à un éventuel départ et 79 % de ceux qui y ont songé avec des nuances.

42 % des maîtres non satisfaits de leur place dans la société ont pensé à quitter leur métier.

Tableaux 65 et 66 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction du degré de satisfaction par rapport aux conditions matérielles. (Graphiques 92 et 93, Annexes, tome 2)
désir de quitter l’enseignement
degré de satisfaction par rapport aux conditions matérielles de travail
satisfaits non satisfaits
41 % 59 %
oui 36 % 64 %
non 45 % 55 %
degré de satisfaction par rapport aux conditions matérielles de travail
désir de quitter l’enseignement
oui non
37 % 63 %
satisfaits 32 % 68 %
non satisfaits 40,5 % 59,5 %

59 % des maîtres n’en sont pas satisfaits et particulièrement 64 % des maîtres qui ont pensé à quitter.

Par ailleurs, 40,5 % des enseignants non satisfaits ont projeté d’abandonner leur métier.

Tableaux 67 et 68 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction du degré de satisfaction par rapport au métier. (Graphiques 94 et 95, Annexes, tome 2)
désir de quitter l’enseignement
degré de satisfaction par rapport au métier
satisfaits non satisfaits
87 % 13 %
oui 70 % 30 %
non 96 % 4 %
degré de satisfaction par rapport au métier
désir de quitter l’enseignement
oui non
37 % 63 %
satisfaits 30 % 70 %
non satisfaits 81 % 19 %

Nous avons déjà observé que les maîtres sont satisfaits de l’intérêt de leur métier. D’une manière plus générale par rapport à leur profession, 87 % d’entre eux le sont Nous pouvons constater, dans cette logique, qu’ils l’aiment.

Parmi ceux qui n’ont pas songé à s'en aller, il y a 96 % de satisfaits.

81 % des maîtres non satisfaits ont envisagé de le quitter. Cependant, avoir l'intention de partir n’est pas uniquement lié au fait de ne pas être satisfait, car 63 % des maîtres qui y ont pensé fermement et 74 % avec des nuances sont satisfaits .

Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction du sentiment sur l’évolution du métier par rapport au contact avec les élèves (graphiques 96 et 97).

55 % des maîtres considèrent que le contact avec les élèves est plus difficile aujourd’hui, contre 8 % qui disent le contraire.

Parmi ceux qui ont songé à quitter l’enseignement 62,5% estiment que le contact est plus difficile avec les élèves maintenant.

Parmi ceux qui jugent ce contact plus pénible, 42 % d’entre eux ont pensé à s'en aller .

Avoir pensé à quitter l’enseignement en foncion du sentiment sur l’évolution du métier par rapport au contact avec les parents d’élèves (graphiques 98 et 99).

Une analyse de sondages et d’enquêtes réalisés en 1994 et 1998 E permet d’apprécier le sentiment sur l’école et l’enseignant vus par les parents.

En ce qui concerne le rôle de celle-là, la majorité (67,9 %) pense que le système éducatif français est assez performant. Leurs points de vue semblent mitigés car, d’un côté, ils sont très et assez satisfaits, à 74 %, de l’enseignement reçu par leurs enfants et, d’un autre, ils estiment que celui-ci, en France, fonctionne assez mal et très mal, à 58 % en 1998 (contre seulement 46 % en 1996).

Une grande majorité (environ 86 %) est d’avis que le rôle premier de l’école est d’instruire, alors que 45 % l’envisagent comme le prolongement de l’éducation que donne la famille. L’on constate néanmoins que 26 % pensent que l’école est là pour donner une éducation que la famille ne transmet pas.

Les parents artisans, commerçants, chefs d’entreprise et ouvriers pensent plutôt que l’école a pour rôle de préparer l’enfant à un métier, tandis que ceux qui exercent des professions libérales et intellectuelles supérieures ou sont cadres moyens ou supérieurs, les employés et agriculteurs mettent au premier plan le développement de la personnalité de l’enfant. Cependant, tous accordent une place importante à ces deux besoins de l’enfant.

Ils sont tout d’abord désireux d’être informés de ce qui se passe au sein de l’établissement; ensuite, ils aiment être avisés des changements et transformations de l’école et du système éducatif; puis ils veulent assister aux réunions, qui représentent pour eux la source d’information la plus importante concernant l’école et, enfin, ils pensent qu’il est important de pouvoir donner leurs avis.

Grâce à divers moyens et diverses personnes, ils sont prévenus des évolutions dans la vie de l’établissement. Pour eux, les sources d’informations les plus importantes sont les réunions de parents avec les enseignants. Par ailleurs, on peut noter qu’ils communiquent peu à propos de l’école avec leurs enfants, et ce manque pourrait être la cause de certains problèmes scolaires. La relation école, enfant, parents est primordiale pour la réussite scolaire.

Intéressons-nous maintenant à l’opinion des parents par rapport au rôle des enseignants.

Ils désirent que s’instaure un dialogue plus facile avec eux et être plus présents dans l’école. D’après eux, le maître doit être très proche de ses élèves, savoir dialoguer et les écouter, être capable de repérer leurs difficultés et les aider en conséquence. Ainsi, il semblerait que l’image idéale de l’enseignant glisserait d’un maître du savoir à celle d’un maître qui entoure et soutient ses élèves.

Ils estiment enfin que les quatre principales difficultés de ce métier sont : la discipline, la fatigue et la tension nerveuse, le manque de considération et le contact avec les parents.

Au regard de notre échantillon, 59 % des maîtres considèrent que ce contact est plus laborieux aujourd’hui.

Parmi ceux ceux qui ont pensé à quitter l’enseignement, 64 % le reconnaissent difficile. Parmi ceux qui l’estiment plus pénible, 39 % ont eu le désir d’arrêter leur carrière professionnelle.

Pour comprendre les rapports entre famille et école, il nous faut revenir sur des points d’histoire et, en particulier, sur la manière dont l’école a été créée L .

Au Moyen-Age et jusque vers la fin du dix-septième siècle, la notion d’enfance n’existe pratiquement pas. L’enfant n’a pas vraiment une identité. La transmission des valeurs, des savoirs et, plus généralement, la socialisation de l’enfant ne sont pas, toujours, totalement assurées ni contrôlées par la famille. A partir de la naissance, l’enfant est élevé le plus souvent par sa mère, parfois par une nourrice. Il reste au sein très longtemps (jusqu’à six ou sept ans) puis, à partir du sevrage, il est, parfois, quasiment abandonné à la collectivité locale, quartier ou village, ou même il peut faire ses apprentissages dans la rue. Il ne revient dans sa famille que pour son héritage. Il est donc mélangé très tôt au monde des adultes, où il apprend.

Ce n’est qu’au début du dix-huitième siècle qu’apparaissent simultanément le sentiment de la famille et la nécessité de la scolarisation. L’existence de la famille comme communauté solidaire et l’existence de l’école comme mise en quarantaine des enfants dans des organismes spécialisés procèdent du même phénomène, datant de cette époque. Tant que la famille ne s’intéresse pas à l’avenir de ses enfants, elle ne s’intéresse pas à la structure scolaire. L’éducation se fait par le tissu social. Jusqu’au dix-huitième siècle, on ne trouve d’ailleurs pratiquement pas de trace de l’affection parentale. L’enfant devient très vite membre de la collectivité, dès qu’il est capable de survivre en groupe et de se mélanger avec des gens du même âge et des adultes. La famille devient une réalité affective à partir du dix-huitième siècle. Avec le triomphe de la raison, l’idée s’impose que l’homme doit accéder à la rationalité, et qu’il faut fonder la société en contrôlant l’éducation des enfants, en organisant leur éducation. L’école doit uniformiser, homogénéïser. L’école est une mise en quarantaine de la jeunesse. Elle permet de surveiller les enfants et d’éviter des errances considérables : l’enfant est un être plein d’impulsion, incontrôlable. Paradoxalement, l’école ne s’est donc pas constituée contre la famille mais pour elle, sous l’influence des parents et de leur souci éducatif. Mais elle va très vite échapper aux parents. En effet, elle va apparaître comme très intéressante pour l’Etat et, au dix-neuvième siècle, s’organisera selon l’idée de Jules Ferry : seul l’Etat a le droit d’éduquer. Il représente le progrès contre l’archaïsme de la famille, la raison contre l’affectivité, l’universalité contre la particularité, l’intérêt général contre les intérêts particuliers, la science contre l’obscurantisme et la superstition, la langue commune contre le dialecte et le patois, l’égalité et le mérite contre l’inégalité et les privilèges. Il faut libérer l’enfant de la tutelle familiale, pour le faire adhérer à la religion de la raison et de la République. L’école devient un outil d’émancipation de l’enfant par rapport à sa famille, à l’affectivité familiale. C’est pourquoi, au 19° siècle, on remarque une systématisation des internats. L’Etat doit donc s’emparer de l’école et contrôler très fortement l’éducation. Cette idée sous-entend une conception implicite de l’école comme outil privilégié de l’Etat nation pour unifier l’instruction des élèves, qui ne sont pas tous de la même origine sociale, afin de former les futurs patriotes. Nous pourrions ainsi penser que les lois Jules Ferry vont beaucoup plus dans ce sens que dans celui d’une obligation scolaire qui était déjà presque totale dans la réalité à son époque. Jules Ferry veut avant tout fonder une unité nationale : donc seule pour lui l’école primaire va compter. En effet, c’est à ce niveau de l’enseignement que le système scolaire peut instruire et éduquer la totalité des élèves. La grande victoire de Jules Ferry est, pendant la guerre de 1914-1918, la fraternité patriotique fondée sur l’unité nationale en dépit des différences sociales, mais aussi l’imposition du français par l’écrit et l’éradication progressive des patois. L’unité se fait autour d’une langue très archétypale, que tous les enfants apprennent en même temps. Les discours des instituteurs du 19° siècle sont porteurs d’un messianisme républicain extraordinaire. C’est une véritable religion de la raison. Christian Nique et Claude Lelievre (1993), dans la République n’éduquera plus C étudient l’école de Jules Ferry dont la laïcité était profondément religieuse. Les auteurs montre que plus l’instruction, ce qui importait c’était de “former de bons français patriotes” : projet idéologique et politique. On disait aux instituteurs “Vous êtes les hussards noirs de la République !” . L’école était une sorte de machine de guerre contre le particulier, pour l’instauration de l’Etat-nation, qui voulait transcender le local au profit du national. Dans ce combat, les parents sont l’ennemi : il faut dégager l’enfant de l’assujettissement de la famille. Alain affirme que “l’école délivre l’enfant de l’amour pour le faire accéder à la rationalité nationale dans laquelle se fonde l’unité de l’Etat” H .

Du temps des “héritiers” et des “boursiers”, tout se jouait “naturellement”. Les parents restaient en dehors de tout processus d’éducation voire d’orientation. Ils n’étaient pas mis à contribution et n’intervenaient guère à l’école. Avec le durcissement de la compétition scolaire, avec le souci de la personnalité de l’enfant, ils sont de plus en plus actifs et présents. Ils faisaient confiance à l’institution scolaire pour délivrer un passeport social et professionnel. Mais la crise économique a entrainé une crise de confiance. Ils cherchent alors des moyens pour remédier aux déficits de l’institution avec par exemple des détournements des règles de la carte scolaire, choix d’options... Ce retour est une réalité sociologique depuis dix ou quinze ans. Les parents reprennent du pouvoir au sein de l’école. Il y a une réapparition de leur influence dans l’école, variable selon le milieu social des familles (elle augmente avec le milieu socio-professionnel et le niveau de diplômes). Mais, dans tous les milieux, cette pensée revendicative systématique sur l’école s’installe et déstabilise les enseignants, qui se sentent les victimes des pressions des parents. Ceux-ci n’hésitent pas à adresser des courriers qui mettent en cause la compétence pédagogique des maîtres, aux direteurs, inspecteurs de circonscription voire aux inspecteurs d’Académie.

La loi d’Orientation de 1989 et la Charte du XXI° siècle rappellent que les parents d’élèves sont de véritables partenaires pour l’école. Même si les enseignants déplorent généralement cette présence, ils sollicitent de plus en plus les familles, qui doivent se mobiliser pour construire une scolarité efficace en aidant les enfants, en suivant de près les orientations, en organisant des loisirs les plus enrichissants pour leurs enfants. Les parents jouent maintenant un rôle particulièrement actif dans la relation maître-élève et de nouvelles intéractions apparaissent. Même s’ils sont partagés entre une demande d’une part d’épanouissement et d’autre part d’efficacité et de réussite pour leurs enfants, il est clair que cette dernière l’emporte, surtout dans les classes moyennes, qui considèrent l’école comme un service bien plus que comme une institution. Au delà de leur intérêt pour l’école, les familles aujourd’hui s’impliquent. L’école est devenue un enjeu central dans la vie des familles. Dans leur foyer, les élèves sont interrogés sur leurs notes : certains sont punis pour leurs mauvaises notes et d’autres récompensés. Dès les premières classes de l’école élémentaire, des élèves reçoivent des cours particuliers. Les parents rencontrent régulièrement les maîtres et demandent à être informés de leur pédagogie. Quelquefois même, des contestations montent sur les démarches adoptées en classe. Les parents demandent également à être consultés sur certains projets de classe.

‘“La relation entre famille et corps enseignant est à la fois indispensable et conflictuelle : indispenable pour des raisons évidentes, qui tiennent au bien- fondé d’une coordination entre deux principales parties prenantes à l’éducation, conflictuelle, cependant, parce que l’enfant est inéluctablement, quoique à son insu, l’objet d’une compétition affective. On peut même dire que plus ses divers éducateurs prennent leur tâche au sérieux et plus ils se trouvent en rivalité. Il est en effet le sujet de rivalité liée à ce que les parents et maîtres lui sont attachés et veulent également son bien... Chacun voudrait que l’autre agisse selon ses propres vues et a peur qu’il en aille autrement : les parents ont besoin du corps enseignant mais ils craignent son emprise abusive, son influence excessive ; ils redoutent que celle-ci ne s’exerce pas dans le sens qu’ils désirent...Les professeurs quant à eux, souhaitent la collaboration des parents mais simultanément, ils la craignent... “ (Alain Mougniotte A ) ’

Le pouvoir de l’école, c’est de limiter le pouvoir des parents; le pouvoir des parents, c’est de limiter celui de l’école.

Sélection, orientation, réussite scolaire préoccupent les parents, qui sont de plus en plus nombreux à contrôler le travail de leurs enfants et, par là même, celui des maîtres. Le soutien scolaire représente un moment important dans les tâches domestiques journalières. L’implication parentale, même si elle reste plus fréquente dans les familles aisées, s’est particulièrement développée dans les milieux défavorisés. Cependant, l’efficacité de l’encadrement familial ne tient pas seulement à une forte mobilisation : elle dépend aussi des ressources disponibles. Ainsi, les parents d’origine modeste évitent encore la rencontre avec les enseignants; en tout cas, elle reste nettement moins fréquente que celle des enseignants avec des parents de classe moyenne ou privilégiée.

Quoi qu’il en soit, les pratiques éducatives familiales se diversifient de plus en plus. On note, par exemple, que l’implication des mères, dans les milieux populaires, surtout lorsqu’elles travaillent, peut jouer très positivement sur les résultats des enfants, particulièrement ceux des filles.

Globalement, lorsque, dans les foyers, il y a un échange sur la vie des enfants à l’école et que les parents s’intéressent à la vie de celle-ci au sein d’associations et par des rencontres régulières avec les maîtres, les élèves sont plus investis dans leur travail. Ils peuvent avoir ainsi une meilleure perception de leur scolarité.

Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction du sentiment sur l’évolution du métier par rapport au contact avec les collègues (graphiques 100 et 101).

62 % des maîtres considèrent qu’il n’y a pas de changement dans le contact avec les autres de l’école ou sont sans opinion. Ce résultat est étonnant car, depuis la Loi d’Orientation de 1989 et, en particulier, depuis la Nouvelle Politique pour l’Ecole de 1990, du temps leur a été donné sur leurs horaires d’enseignement pour qu’ils puissent travailler ensemble, en équipe.

61 % de ceux qui trouvent les relations avec les différents enseignants plus difficiles ont pensé à abandonner leur métier.

Parmi ceux qui ont émis le désir de le quitter, 23 % d’entre eux estiment le contact avec leurs collègues plus compliqué.

Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction du sentiment sur l’évolution du métier par rapport à la vie dans les écoles (graphiques 102 et 103).

57 % affirment que la vie dans les écoles est globalement plus difficile. Cela est paradoxal du fait que les mêmes sont, dans une très grande majorité, satisfaits de leur métier. En tout cas, ce phénomène n’a pas de conséquence directe sur le désir de quitter l’enseignement.

39 % de ceux qui trouvent la vie dans les écoles plus pénible y ont pensé. Parmi ceux qui ont eu le désir de ne pas persévérer dans leur carrière professionnelle, 61 % d’entre eux jugent la vie dans les établissements plus difficile.

Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction du sentiment sur l’évolution du métier par rapport à l’homogénéité des classes (graphiques 104 et 105).

L’éducation doit se donner des obligations en termes de résultats. Les perspectives tracées par le IX° Plan concernant l’objectif de quatre-vingts pour cent d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat en l’an 2000 en a constitué une base. Cette disposition est nouvelle dans la mesure où les perspectives antérieures du développement de l’éducation définissaient l’obligation scolaire en terme d’âge (quel que soit le résultat obtenu). La mise en place du collège unique, à la fin des années 1970, a entraîné l’afflux d’une population scolaire nouvelle.

Ainsi, apparaîssent de nouvelles contraintes pour l’école et pour ses enseignants. Elle doit accepter à tous les niveaux des élèves très divers, non sélectionnés a priori et donc, à la base, accueillir tous les jeunes, tout en ayant l’obligation de résultat.

Incontestablement, des classes hétérogènes sont difficiles à conduire. 64 % des maîtres affirment la gestion de la classe plus pénible, 4 % seulement disent le contraire.

66,5 % de ceux qui ont songé à quitter l’enseignement trouvent la gestion des classes plus difficile.

38 % de ceux qui l’estiment plus rude ont pensé sérieusement à s’en aller.

Il est par ailleurs intéressant de constater qu’il en est de même pour 50% de ceux qui l’affirment plus facile.

Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction du sentiment sur l’évolution du métier par rapport à la discipline (graphiques 106 et 107).

Ici aussi, il ressort très nettement que la discipline dans les classes est un problème majeur aujourd’hui (77 % des maîtres le pensent).

78,5 % de ceux qui ont pensé à quitter leur métier déclarent la discipline dans les classes plus difficile à gérer.

38 % de ceux qui la trouvent épuisante ont envisagé démissionner de l’enseignement.

Avoir pensé à quitter en fonction du sentiment sur l’évolution du métier par rapport à la possibilité d’intéresser les élèves (graphiques 108 et 109).

58 % des maîtres remarquent qu’il est plus difficile aujourd’hui d’intéresser les élèves. Cela n’a pourtant pas de conséquence particulière sur le fait qu’ils projettent ou pas d’abandonner ce métier.

64 % de ceux qui y ont pensé trouvent plus embarrassant de motiver leurs élèves dans la classe.

40 % de ceux qui trouvent plus fastidieux de susciter, continuellement, l’intérêt des élèves ont eu envie de quitter l’enseignement.

Le problème essentiel est devenu celui de la motivation des élèves. De ce fait, les enseignants, quelle que soit l’origine de leur désir initial d’enseigner, sont tenus de conquérir des élèves qui ne répondent pas toujours aux attentes. Leur rôle s’est profondément transformé, car chacun doit s’engager dans une relation pédagogique à la fois cognitive et affective. C’est un métier de plus en plus subjectif, qui mobilise la personnalité autant que les compétences. Somme toute, ils se heurtent au même problème que leurs élèves, ils doivent aussi se motiver pour produire des motivations scolaires. Il doivent se fixer des objectifs, être attentifs à la progression de chacun, “séduire” des élèves, leur permettre de donner du sens à leur travail... Plusieurs s’adaptent de bon gré à ces exigences, qui mêlent les compétences du maître à celle de l’éducateur et, parfois, du psychologue. En même temps, ils peuvent regretter la clarté des modes anciens d’organisation du système éducatif. Les capacités d’adaptation et d’innovation ne sont pas indépendantes d’un fort sentiment de nostalgie et, parfois, d’un certain conservatisme idéologique...

Tableau 69 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction des hésitations à choisir l’enseignement. (Graphique 110, Annexes, tome 2)
avoir pensé à quitter
hésitations à choisir l’enseignement du premier degré
non ferme non, incertitude par rapport au niveau non, incertitude engagem-ent définitif oui autant intéressé par d’autre voies oui plus intéressé par d’autre voies
non ferme 64 % 19,5 % 6 % 9 % 1,5 %
oui ferme 29,5 % 11,5 % 3,5 % 33,5 % 22 %
oui nuance 41,5 % 10,5 % 8,5 % 35 % 4,5 %
nonnuance 56 % 13 % 3 % 25 % 3 %

Parmi les maîtres qui ont pensé fermement à quitter l’enseignement du premier degré, 55,5 % d’entre eux avaient hésité à y entrer.

Si l’on s’intéresse maintenant à ceux qui, résolument, n’ont pas le désir de continuer à enseigner, 10,5 % seulement avaient hésité à s’engager dans cette profession. Il est ainsi possible d’affirmer que, si l’on a eu des hésitations au départ, il y aura plus d’éventualité de penser à rester.

Parmi ceux qui ont hésité à entrer dans l’enseignement parce qu’ils étaient plus intéressés par d’autres directions professionnelles 79,5 % ont envisagé, au cours de leur carrière, de le quitter.

De même, 60,5 % de ceux qui ont se sont engagés avec cependant un intérêt partagé pour d’autres voies ont aspiré, à un moment, à arrêter leur carrière

Tableau 70 : Avoir pensé à quitter l’enseignement en fonction des hésitations à choisir l’enseignement. (Graphique 110, Annexes, tome 2)
hésitations à choisir l’enseignement
avoir pensé à quitter
non ferme oui ferme oui nuance non nuance
non 57,5 % 7,5 % 18,5 % 16,5 %
non, incertitude niveau 60,5 % 10 % 16,5 % 13 %
non, incertitude engagement définitif 49 % 8,5 % 34 % 8,5 %
oui, autant intéressé par d’autres voie 21 % 21 % 39,5 % 18,5 %
oui, plus intéressé par d’autres voie 10 % 59 % 20,5 % 10,5 %

Le fait d’avoir hésité à entrer dans l’enseignement impliquerait, au cours de la carrière, des incertitudes pouvant déboucher sur un départ pour une autre activité.

Notes
T.

out particulièrement celle de M. Huberman, La vie des enseignants, Lausanne- Paris, Delachaux et Niestlé, 1988.

E.

n 1994, un sondage Anacom-Télé-Performance-PEEP a été réalisé. Ce sondage a été repris dans un ouvrage sous la direction de François Dubet, Ecole-famille, le malentendu , Textuel, 1997. Voir Annexe 12 en Annexes, tome 3.

En 1998, un autre sondage SOFRES-SNES a été effectué.

Voir également, Annexes 13 et 14 en Annexes, tome 3.

L.

’ouvrage de référence à ce sujet est celui de Philippe Aries, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Edition du Seuil, 1975.

C.

. Nique et C.Lelièvre, La République n’éduquera plus, Plon, Paris,1993. Les auteurs analysent l’Ecole de Jules Ferry et montent que sa constitution s’inscrivait dans un projet idéologique et politique ; plus que l’instruction, ce qui importait à Jules Ferry c’était de “former de bons français patriotes”.

H.

. ALain, Propos sur l’éducation, P.U.F., Paris, 1954.

“.

Une charte pour bâtir l’école du XXI° siècle” . Dispositions énoncées dans le B.O. numéro 13 Hors Série du 26 novembre 1998, mises en place par Claude Allègre Ministre de l’Education Nationale.

Suite à de nombreux mouvements de contestation des personnels enseignants (début 2000) à l’encontre de ces textes, aujourd’hui, avec le départ du Ministre, on ne parle, plus de “charte” Une recherche, qui en est issue, sur “l’école du XXI° siècle”, menée par l’I.N.R.P. avec des établissements volontaires est toujours en cours dans différentes académies.

A.

. Mougniotte, Parents, parents d’élèves, école, La lettre du C.L.E.R.S.E. N° 16 , Novembre 1992, pp. 2,3,4.